Carnet de Voyages – Agnès Jaoui : des voyages et le goût des autres

Un talent fou et beaucoup de caractère. Agnès Jaoui, réalisatrice, scénariste, actrice mais aussi metteuse en scène et chanteuse, sans doute très influencée par ses voyages d’enfance en compagnie de son père ou de sa mère, a une façon bien particulière d’aborder l’ailleurs. Avant tout basée sur la chaleur humaine et la découverte des autres.
Agnès Jaoui
© Georges Biard

Je préfère loger chez l’habitant ou dans des maisons d’hôtes, là où l’on privilégie l’aspect humain et où on est toujours bien accueillis.

« J’ai beaucoup voyagé dans mon enfance. Mon père nous emmenait partout, mon frère et moi. Il nous montrait des musées, tous les musées du monde ; avec, en plus, une marotte qui n’appartenait qu’à lui : les supermarchés. Il adorait les supermarchés. De toutes les tailles, dans toutes les langues. Et les très mauvais restaurants aussi. Plus c’était des bouis-bouis infâmes, plus il aimait ça. Avec lui, nous n’avons jamais voyagé dans le luxe. Tout était couleur locale, les hôtels, tout. Mais ce qui m’a encore plus marquée, c’est un voyage aux États-Unis, avec ma mère cette fois, que j’ai accompagnée à un congrès d’analystes. J’y ai assisté à des tas de thérapies, d’ateliers. J’ai rencontré des gens tout à fait singuliers, chaleureux et qui ont des rapports au monde extrêmement différents. Ils travaillent sur eux-mêmes, sur le bien-être dans le sens le plus profond du terme. C’était très valorisant, marquant même.

Sans aucun doute, j’ai gardé des choses de ces années-là ; une façon de voyager, de découvrir l’ailleurs. Maintenant, même lorsque je me déplace professionnellement, peut-être une trentaine de fois dans l’année, je prends toujours le temps d’aller dans les musées, notamment les musées des Beaux-Arts. De même, l’architecture des villes m’intéresse, la beauté des villes ; à chaque fois, c’est un foisonnement différent. Et plutôt des villes anciennes, même si je suis entre autres touchée par Tokyo. Alors, sans pour autant développer un côté passéiste, c’est plutôt Rome, Séville ou La Havane.

Même si tout est plus ou moins en ruines, La Havane reste tout de même d’une très grande beauté. J’ai de toute façon une passion particulière pour l’Amérique latine. J’aime la chaleur des gens, leur façon d’appréhender la vie ; leur musique aussi. Mais, dans tous les cas, ce sont les gens qui m’intéressent, j’aime les gens.

Ainsi, lorsque je suis à l’étranger, je préfère carrément loger chez l’habitant ou dans des maisons d’hôtes, là où l’on privilégie l’aspect humain et où on est toujours bien accueillis. Il n’y a rien de mieux pour découvrir un pays que de loger chez des particuliers. Ce qui ne m’empêche pas d’apprécier les petits hôtels qui sont au service du client et de trouver certains palaces sublimes. Évidemment, je déteste les hôtels de chaînes qui, pour le coup, portent très bien leur nom, et où on n’est guère autre chose qu’un numéro.

Mes goûts ne sont finalement guère différents en matière de restaurants. Chaque fois que je suis reçue quelque part, on m’interroge : “où voulez-vous dîner ?”. Je ne demande pas grand-chose, mais surtout pas d’endroits branchés, qui sont les mêmes qu’à Paris, où tout est pareil, où on vous parle mal, où vous mangez mal, où il y a du bruit et des gens mal élevés. Alors, la plupart du temps, je déjeune et dîne local. Lors de mon dernier voyage à Séville, on m’a emmenée dans un restaurant français. J’ai failli pleurer. En plus, c’était même pas bon… Oh ! Comme j’aurais préféré un bar à tapas tout simple ! Encore une fois, il ne faut pas que l’humain soit oublié. On le retrouve d’ailleurs, cet humain, dans les grands restaurants qui ont un véritable art de vivre. Dans ces merveilleuses maisons, ce sont les mêmes personnes qui officient depuis toujours ; il y a chez eux un esprit particulier, presque familial. Et c’est très heureux. »

Actualité : Mise en scène de La Tosca de Puccini, dans le cadre du festival Opéra en Plein Air.
Château de Vincennes (27,28, 29 juin), Carcassonne (2 juillet), Saint-Germain-en-Laye (5 et 6 juillet), Hôtel national des Invalides (4 au 8 septembre).

SES DATES CLÉS

    • 1987 : Ma rencontre avec Jean-Pierre Bacri.
    • 1998 : Mon premier voyage à La Havane.
    • 2000 : Le goût des autres.
    • 2008 : Lorsque je suis allée chercher les enfants que j’ai adoptés au Brésil.