
J’aime ces endroits où vous vérifiez que l’Occident n’est pas la loi du monde
« Le seul moment où l’on voyage vraiment, c’est lorsqu’on ne retrouve pas ce qu’on connaît déjà. Au Brésil, par exemple, vous avez toujours une église portugaise qui vous ramène à vos propres racines. Pareil au fin fond du Mexique ; en Afrique, n’en parlons même pas. Tandis que je me souviens de la Birmanie, où on est tout d’un coup happé par quelque chose, un univers dans lequel on n’est pas inclus.
J’aime ces endroits qui vous emmènent ailleurs, ceux qui vous font vraiment voyager : le Japon ou l’Inde évidemment, mais aussi la Thaïlande dans une moindre mesure. Tous ces pays qui m’ont mis au moins une fois dans un état extatique et dont j’ai d’ailleurs fait un livre de photos, Voyages hors de soi. J’aime ces endroits où vous vérifiez que l’Occident n’est pas la loi du monde, qu’il y a d’autres lois ; des façons différentes d’approcher la vie, les gens, les choses…
Ce sont de loin mes voyages préférés. Tenez ! Laissez-moi vous raconter l’un de mes plus beaux voyages ; un voyage de jeunesse certes, mais alors, quel voyage ! Avec Gérard Garouste, le peintre, qui est un ami d’enfance, nous sommes partis à 20 ans en voiture pour un périple en Yougoslavie, Grèce, Turquie, Bulgarie, Roumanie… Indiana Jones à côté, c’est rien. On a tout eu, on a failli se faire tuer, on a été à moitié prisonniers, et empoisonnés aussi. Des aventures, des expériences que j’ai là aussi racontées dans un livre, Mille et un morceaux.
Je n’ai aucun souvenir de voyage totalement raté. Des instants machinés oui, des emmerdements aussi ; mais jamais en totalité. Je n’ai jamais eu de voyage où c’était l’enfer intégral. Même lorsque j’ai erré sous une pluie battante, toute une nuit, à Jakarta et que ni moi, ni le pousse-pousse ne savions où nous étions. Une très longue nuit…Mais finalement, c’était assez amusant !
Au fond, lorsqu’on est ailleurs, il faut toujours qu’il se passe des choses, un peu d’aventure, des histoires, des trucs… C’est ça que j’aime et pas ce style de séjour dans des cinq étoiles. Pour autant, je n’ai rien contre les grands hôtels à partir du moment où ils sont élégants et pas du béton tapageur. Il y en a par exemple de merveilleux en Chine, extrêmement luxueux, mais dans le sens raffiné ; de beaux établissements avec des chambres ayant chacune leur piscine d’eau chaude, sublimes de délicatesse.
Dans tous les cas, c’est toujours moi qui choisit les hôtels où je descends, et qui ne sont pas forcément les plus chers. En fait, je préfère alterner ; c’est ça et vivre chez l’habitant. Comme je l’ai fait dans les îles de Sulawesi ou au Maroc par exemple, où j’ai écrit un grand spectacle chez les Chleus, dans une hutte en terre. Il n’y avait rien d’autre, et moi j’étais là, chez eux, avec eux. J’avais besoin de totalement déconnecter.
Maintenant, si vous me demandez quel est mon meilleurs souvenir de voyage, je paraphraserais Brillat-Savarin – qui écrivait après avoir fait 1 000 recettes que “peu importe ce qu’on mange, l’important c’est avec qui on le mange” – en disant que les plus beaux voyages, même dans des pays pas forcément fascinants de prime abord, dépendent avant tout de ceux avec qui on les fait. En amoureux, par exemple. »
SES DATES CLÉS “Sans vouloir botter en touche, je dirai que chaque seconde m’est importante. J’ai tellement reçu, j’ai été invité partout… Au bout d’un moment, ce qui est important, c’est de vivre. Tout vivre, le succès, les échecs, le malheur… C’est l’instant présent qui compte. Prendre un café un matin tranquillement avec un ami par exemple.” |
Actualité :
Adaptation avec Jean-Marie Gourio de la série télévisée culte Palace au théâtre de Paris, jusqu’au 5 janvier
Bibliographie :
Voyages hors de soi, Ed. Acte Sud.
Mille et un morceaux, Ed. Iconoclaste.