« En effet, la ville jouit d’une situation fiscale privilégiée : ses entreprises ne sont imposées que sur leurs bénéfices nets, à hauteur de 16,5 %, et un strict minimum de charges sociales leur est demandé.
Absence de tva
Dans cet avantageux paysage fiscal, pas de TVA, sauf pour quelques produits : voitures, cigarettes ou alcool fort. “Et surtout, en 2008, la taxe sur le vin a été éliminée pour faire de Hongkong une place clé de la distribution du vin en Asie”, ajoute David O’Rear en précisant que “dans une ville où la logistique – Hongkong est le premier port de conteneurs du monde – et le marché du luxe sont des piliers de l’économie, cette ouverture vinicole s’imposait”.
Mais si Hongkong la libérale atteint un score de 90 points sur une échelle de 100, Singapour la suit de très près avec ses 87,1 points. La compétition est réelle, d’autant que ces deux dragons d’Asie sont également connus pour la libre circulation des biens. “J’ai vu des Chinois du continent arriver avec des valises d’argent, se souvient une employée d’une grande banque hongkongaise. Aujourd’hui, nous avons tendance à contrôler un peu plus et à poser des questions, mais pour le moment, il n’existe aucune loi qui impose de déclarer la provenance des fonds.”
Sur ce point, David O’Rear n’est pas tout à fait d’accord. “Les banques de Singapour jouent beaucoup plus sur la confidentialité et on a pu voir, notamment en Suisse, que ce jeu a ses limites. Les banques de Hongkong sont moins axées sur les gros portefeuilles privés que sur les opérations commerciales avec la Chine. Et c’est ce qui fait notre force.” En effet, malgré sa position de troisième place financière mondiale, Hongkong n’a pas été aussi violemment touchée que New York et Londres par le séisme économique planétaire. “La raison ? C’est que la Chine est en demande de produits bancaires assez basiques et non de ces produits exotiques et sophistiqués qui ont entraîné les catastrophes que l’on sait.Cela ne veut pas dire, bien sûr, que nous ayons été totalement épargnés,mais dans une moindre mesure”, conclut David O’Rear.
Pourtant, les Hongkongais restent frileux. Un récent sondage auquel ont participé 7200 senior executives montre que les hommes et femmes d’affaires ont le moral en berne, surtout depuis l’affaiblissement du marché chinois. “Même si la crise n’a pas vraiment bouleversé Hongkong, des mesures préventives affluent de tous côtés”, explique Eak Hong Loui, de la chambre de commerce française à Hongkong. Certes, le cours en Bourse de HSBC a baissé de moitié en six mois, mais le système reste stable, l’argent est dans les caisses. Bloqué. Car les banques hongkongaises ne prêtent plus et, par précaution, licencient. “Pourtant, si l’on prévoit une vague de chômage que l’on situe aux alentours de 6 %, on peut aussi s’attendre à de nouvelles embauches ; le turnover étant assez important”, poursuit l’économiste français. Le danger, semble-t-il, viendrait surtout de Macao qui a énormément souffert du tsunami financier ; même si dernièrement, les sommes jouées dans ses casinos ont dépassé celles des tapis verts de Las Vegas.
“Hongkong reste malgré tout très protégée économiquement grâce à son statut de région administrative spéciale”, assure Eak Hong Loui. En 2007, son PIB par tête affichait une croissance de 6,3 % et se plaçait à un niveau similaire à celui de la plupart des pays d’Europe occidentale. Depuis la rétrocession de 1997, et grâce à la concession de 50 ans qui prendra fin en 2047, la ville jouit d’un statut juridiquement et économiquement indépendant. Ce qui en fait un véritable hub d’entrée vers la Chine. Et c’est ce qui attire les investisseurs. “Ici, la notion de propriété intellectuelle est très protégée, tandis qu’en Chine, elle reste beaucoup plus aléatoire, explique le spécialiste. C’est pourquoi il est plus facile, et même conseillé, de déposer une marque à Hongkong et de lancer la production en Chine.” Car dans cette région administrative spéciale (SAR), on peut, en cas de litige, se tourner vers les tribunaux ; ce qui est plus compliqué sur le continent chinois. C’est la raison pour laquelle la ville,multipliant ses cabinets d’avocats, est devenue un important lieu d’arbitrage.
Facilités administratives
D’après la World Bank, elle serait aussi l’endroit au monde où il est le plus facile de créer et de fermer une société, collectionnant ainsi les premières places mondiales. En effet, dans un article du South China Morning Post daté du 15 janvier 2009, John Tsang, le ministre des Finances, réagissant à la publication du classement de l’Heritage Foundation, déclarait que “le gouvernement joue le rôle de facilitateur et qu’il souhaite offrir un environnement favorable aux affaires. Pour que toutes les entreprises puissent entrer en compétition sans injustice”, ajoutant qu’il fallait également “soutenir l’intégrité et le bon fonctionnement du marché”.
Pourtant si, il y a une vingtaine d’années, 20 % de son PIB provenaient des biens manufacturés,Hongkong ne produit presque plus rien depuis les années 70. La production ne représente en effet plus que 3 % et se limite principalement aux DVD, CD et bijoux. Pour garder une avance en matière de services, qui constituent désormais 90 % des revenus de la ville, le gouvernement encourage les investissements étrangers, en proposant notamment des centres de recherche orientés vers l’informatique et l’électronique.C’est le cas du Science Park, du Technology Park ou du Cyberport, des espaces de réflexion où, entre autres, sont testées la rentabilité et la viabilité d’un projet commercial.
Par ailleurs, d’alléchantes exonérations d’impôts sont accordées aux entreprises basées à Hongkong dont la production a lieu en Chine. Ces exonérations, qui se font sur des transactions précises, sont une sorte de stratagème fiscal. L’essentiel étant que la marchandise ne transite pas par Hongkong où seules les transactions doivent se faire. Certes, même si ces exonérations ne sont pas un droit, car il faut en faire la demande auprès du gouvernement, elles restent faciles à obtenir. “Cela épate les Français qui ont du mal à y croire”, poursuit Eak Hong Loui, également chargé d’aider les entreprises françaises à s’implanter.
De plus en plus de français
Hongkong est la ville d’Asie où réside la plus grosse communauté française, qui a même connu une progression de 18 % entre décembre 2007 et décembre 2008, avec près de 100 nouveaux arrivants tous les mois. En dix ans, le nombre de Français a augmenté de 67 %. Sept mille Français ont été recensés en 2008, et on estime qu’ils seraient aujourd’hui au moins 10000. Ils viennent chercher à Hongkong une plate-forme d’entrée vers l’Asie, un lieu clé pour la logistique et les échanges commerciaux, des avantages fiscaux, mais aussi un réseau extraordinaire d’agents connaissant parfaitement le marché chinois. La majeure partie des activités françaises se centre autour du trading – ces marchés sur lesquels on achète moins cher pour revendre plus cher –, du BTP, de la logistique et du luxe. Car Hongkong est certes un lieu d’acheminement des grandes marques vers le reste de l’Asie, mais le tourisme du luxe y est primordial. Sur près de 25 millions de visiteurs annuels, 50 à 60 % sont chinois. Et dans l’esprit chinois, les produits de luxe s’achètent forcément à Hongkong. Même si des villes comme Shanghai ou Pékin offrent désormais les mêmes marques prestigieuses, le facteur psychologique reste important car la Chine continue de déverser ses stocks d’imitations. Beaucoup de Hongkongais disent en plaisantant qu’ils se rendent en Chine pour les contrefaçons, tandis que les Chinois viennent chez eux pour “les vrais” ! Ce va-et-vient continuel entre Hongkong et le continent chinois rappelle d’ailleurs que cette ville de 7 millions d’habitants, malgré son statut, sa liberté économique et d’expression, reste politiquement rattachée à Pékin. Une autre liberté lui reste encore à conquérir : le suffrage universel.
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