Déplacements aeriens: une sécurité Croissante

De grands progrès ont été réalisés en matière de sécurité dans le secteur aérien. Grosso modo, le trafic a progressé deux fois plus rapidement que le PIB (produit intérieur brut) mondial. Et la sécurité rapportée au nombre d’heures de vol n’a cessé de s’améliorer. Résultat : au cours des vingt dernières années, alors que le trafic aérien a doublé dans le monde, le nombre des accidents n’a quasiment pas changé en valeur absolue. Ainsi, pour l’année 2003, le nombre d’accidents mortels pour 100 millions de kilomètres parcourus s’établissait à 0,02.

Dans leur préoccupation de sécurité renforcée, les travels managers ont la possibilité de sélectionner les compagnies les plus “sérieuses”. Mais ils n’ont pas le contrôle de facteurs extérieurs tels que les conditions météorologiques ou la capacité des organismes de contrôle aérien à faire respecter les normes minimales par les États survolés, voire ceux où l’on atterrit. En particulier, dans ce domaine, les pays émergents n’ont pas tous réussi à se mettre au niveau des régions les plus performantes, qu’il s’agisse des pays européens, nord-américains ou asiatiques. Il suffit de consulter sur Internet les sites spécialisés recensant les accidents d’avions pour constater que leur fréquence est plus élevée dans certaines zones à risques.

Sans s’attarder sur un système de sécurité aérienne qui ressemble à un véritable mille-feuille, cet effort commence par l’action menée par l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI). Créée en 1944, cette agence spécialisée de l’ONU exerce son autorité sur les États en fixant des normes minimales d’entretien des avions et d’organisation du transport aérien que chaque pays doit faire respecter par les compagnies enregistrées sur son territoire. En France, cette mission incombe à la Direction générale de l’aviation civile (DGAC). À côté de l’OACI œuvrent des organisations de dimension régionale, comme l’Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA). Au-delà, intervient un niveau facultatif, qui concerne cette fois les transporteurs. En adhérant à l’Association du transport aérien international (IATA), les 261 membres qui assurent 94 % du transport aérien international s’engagent à être inscrits à l’audit de l’IOSA. Tous les nouveaux membres – cinq en 2006 – de l’association devront se soumettre à ce fameux audit d’ici à la fin de l’année.

Normes minimales obligatoires

Afin d’évaluer un transporteur, cet audit porte sur les domaines de l’organisation, de la sûreté, des opérations de vol, de l’assistance au sol, de la maintenance ou encore de la préparation des vols. “Prenant très au sérieux la sécurité, notre association a fixé des objectifs élevés pour que nos membres adoptent en la matière les meilleures pratiques de l’industrie aéronautique”, souligne Anthony Concil, directeur de la communication de IATA. Créé en 2003, le programme IOSA est devenu la première norme universelle pour la gestion de la sécurité des transports aériens. À la fin de l’année passée, 97 % des compagnies membres de IATA se sont enregistrées pour un audit IOSA.À ce jour, 131 compagnies sont certifiées IOSA. Valide pendant seulement deux ans, cette certification requiert ensuite un nouvel audit de conformité. Pour certains observateurs, c’est une manière de dresser une “liste blanche” des compagnies aériennes. Et lorsque ces dernières sont trop récentes ou ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour s’offrir ce coûteux audit, elles peuvent faire appel au programme Partnership for safety. C’est-à-dire aux “partenariats pour la sécurité” au nom de la solidarité internationale. Ainsi, des compagnies africaines peuvent compter sur la Royal Air Maroc (RAM), déjà certifiée IOSA, pour figurer sur cette liste disponible sur le site Internet de IATA : www.iata.org.

Maintenance des appareils et formation des équipages

“Dans un domaine où le risque nul n’existe pas, ce n’est pas seulement la qualité de la compagnie aérienne qui garantit la sécurité. Aussi faut-il recouper ce critère avec d’autres, notamment celui de la qualité de la maintenance et de la formation des équipages”, explique Yves Lambert, ancien secrétaire général de l’OACI.

Pourtant, depuis la généralisation des avions à réaction, les progrès sont immenses, grâce à la modélisation rendue possible par l’informatique. “Résultat : quand on construit des avions, y compris l ‘A380 ou le 7X de Dassault, c’est qu’ils ont déjà volé sur les écrans des ordinateurs des constructeurs”, constate un spécialiste.

Quant aux grandes compagnies traditionnelles ou low cost réparties partout dans le monde, elles disposent de centres pour former les pilotes selon les critères les plus stricts pour leur permettre de voler sur un type particulier d’appareil. En Europe, on peut citer, par exemple, Air France-KLM ou British Airways. Près d’Helsinki, Finnair entraîne ses pilotes et ceux d’autres compagnies dans des simulateurs restituant les conditions réelles de vol : mouvement de la cabine imitant les déplacements et accélérations, bruits, vibrations et visualisation réaliste de l’environnement extérieur.

Relations homme-machine

Qu’ils suivent une formation initiale ou continue, les pilotes sont installés dans une cabine en tout point identique à celle de l’appareil réel. Et ce, afin qu’ils soient en mesure d’effectuer n’importe quelle mission ou pour leur permettre de se familiariser avec les conditions de décollage et d’atterrissage d’un aéroport existant. Pour les instructeurs, c’est un moyen d’analyser les réactions des pilotes et de mesurer leur temps de réponse.

Au cours de ces exercices, l’objectif consiste à revoir tous les aspects de la sécurité et à répéter les procédures dans des conditions normales ou dégradées : panne d’un moteur, présence de fumée dans le poste de pilotage, aberration des informations fournies aux pilotes, par exemple. Un accident résulte généralement d’un enchaînement de plusieurs causes.

Qu’il s’agisse de vols réguliers ou affrétés, de compagnies classiques, de charters ou bien encore de transporteurs low cost, tous les acteurs mettent tout en œuvre pour élever la sécurité. Compte tenu des progrès réalisés sur le plan technique, il faudrait encore améliorer les “facteurs humains”. La sécurité regroupe plusieurs disciplines, notamment les relations homme-machine, le travail en équipe au sein de l’équipage, la collaboration entre le bord et le sol. “Que les conditions de vol soient normales ou non, l’objectif à atteindre est que tous les intervenants humains de cette chaîne complexe soient encore mieux équipés pour travailler ensemble”, conclut Yves Lambert. C’est un challenge permanent.

Malgré ces initiatives, il existe encore bien des pays qui ont besoin d’améliorer leurs propres systèmes. Nous l’avons vu, au niveau international, les normes sont définies par l’OACI, qui regroupe 188 États. Le strict contrôle de leur respect par les transporteurs reste du ressort exclusif des États, qui n’en ont pas tous les moyens ou la volonté.

“Plus que les vols internationaux, ce sont bien souvent les vols domestiques dans ces zones qui posent problème”, remarque un spécialiste. Imaginons qu’il faille transporter une cinquantaine de techniciens français sur les champs de pétrole à Cabinda, en Angola et à Pointe-Noire. Ou des ouvriers au Soudan. Comme le transport doit être effectué par des sociétés enregistrées dans ces pays, ces sociétés s’inquièteront tout spécialement de la sécurité de leurs collaborateurs. En raison du morcellement des structures de contrôle et du faible niveau de maintenance de certains appareils, on peut également se poser des questions si l’on se déplace au cœur de l’Asie centrale ou dans les pays de l’ancien bloc soviétique.

Depuis la fin décembre, en vertu d’une clause de sauvegarde de la Commission européenne, les compagnies d’aviation bulgares ne sont plus autorisées à effectuer des vols à l’intérieur de l’Union, par exemple un trajet Dublin-Nice. En revanche, elles peuvent parfaitement voler au départ de Sofia vers Paris ou tout autre aéroport européen. Cependant, afin de renforcer le contrôle de la sécurité aérienne, les autorités bulgares viennent de retirer le certificat de navigabilité à 160 avions ou hélicoptères. Un nouvel audit s’impose pour lever cette clause de sauvegarde.

Un label pour les charters

Alors que Bruxelles a déjà publié la liste noire des compagnies non labellisées, la France fait un pas supplémentaire en instaurant le label Horizon Assess Air. Après un audit d’évaluation réalisé par Afaq Afnor Certification, trois premières compagnies qui viennent d’être labellisées exercent une activité passagers dans les pays du Bassin méditerranéen : Aigle Azur, Air Méditerranée et Europe Airpost. D’autres dossiers sont déposés à l’examen et devraient aboutir. “Pour les compagnies labellisées, le haut niveau d’exigence du label Horizon représente un signe d’excellence sur le marché du secteur aérien, et pour le voyageur, une garantie qu’elles respecteront le cahier des charges en matière de normes de sécurité, de transparence de l’information et de qualité des prestations pendant le voyages”, explique René- Marc Chikli, président de la commission Afaq Afnor Certification.

Les vols non réguliers sont affrétés par des courtiers. Par exemple, Air Partner, certifié Iso 9001, ou Pro Sky, membre de IATA. “La moitié des vols que nous affrétons en France sont des vols ponctuels pour les voyages collectifs du personnel des grands groupes industriels, français ou anglo-saxons”, explique Gilles Meynard, directeur général d’Air Partner France. Pour sélectionner des avions, ces professionnels s’intéressent bien entendu à la capacité de la compagnie aérienne à garantir la sécurité des passagers. Ils retiennent généralement 80 % d’appareils européens, au sens de l’Union européenne. Sur ce total, on compte deux tiers d’appareils français. Ce chiffre peut aller jusqu’à 95 % pour la grande Europe, c’est-à-dire les pays du continent européen, Turquie comprise. Le challenge de la sécurité concerne donc tous les acteurs du transport aérien.