Escapade Tolède : le temps d’une extase mystique…

À peine une demie heure de train séparent Madrid-Atocha deTolède, la ville aux trois cultures religieuses qui célébrera en 2014 les quatre cents ans de lamort duGreco.

Madrid a un atout majeur, qui passerait presque pour un défaut aux yeux du voyageur pressé et néanmoins avide d’une récompense culturelle après de bons et loyaux efforts : les escapades possibles autour de la capitale sont pléthore. En effet, on trouve pas moins de six sites classés au patrimoine de l’Unesco à moins d’une heure de train de la capitale…Parmi tous ces trésors, il y a Ávila, ville fortifiée de l’Espagne médiévale où naquit sainte Thérèse. Il y a aussi Ségovie et sonal cazar du XIe siècle. Il y a encore l’Alcalá de Henares, centre universitaire fondée au XVIe siècle sur le modèle de La cité de Dieu imaginée par saint Augustin. Et puis l’Escurial et Aranjuez, les deux résidences royales, plus éblouissantes l’une que l’autre…Mais d’abord, et surtout, il y a Tolède, berceau de la monarchie espagnole, foyer des trois cultures judaïque, chrétienne et islamique dans la péninsule ibérique.

“Tolède est un must lorsqu’on vient à Madrid”, affirme Mauricio Macarron, historien de l’art, spécialiste de Madrid et de sa région. Située à 70 km au sud de la capitale, la ville impressionne d’abord par son assise, une sorte de château fort naturel hissé sur une colline entourée d’eau. Et pas n’importe quelle eau, puisqu’il s’agit de celle du Tage, fleuve qui, plus loin, baignera Lisbonne. “Enclave stratégique au milieu de la plaine castillane et au centre de la péninsule ibérique, Tolède a été habitée depuis plus de trois mille ans, et c’est donc un vrai musée d’histoire de l’Espagne à ciel ouvert”, explique l’historien d’art.

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Ville romaine pendant sept siècles, siège de la cour des rois wisigoths jusqu’au début du VIIIe, ce fut aussi la capitale religieuse de l’Espagne, la cité des conciles du Moyen-Âge, mais également une ville musulmane, entre 711 et 1085. “C’est une cité où ont cohabité chrétiens, musulmans et juifs”, reprend Mauricio Macarron. Le quartier juif est resté d’ailleurs le plus important d’Espagne pendant près de quinze siècles, tandis que Tolède compte, avec Séville et Saragosse, parmi les trois plus grands centres d’art mudéjar. Issu de l’arabe, le mot était le nom donné, entre le XIe siècle et le début du XVIe siècle, aux musulmans d’Espagne, avant qu’on ne leur impose de choisir entre conversion et exil. En architecture, les mudéjars appliquèrent leurs techniques et leurs ornementations aux constructions chrétiennes, aussi bien romanes que gothiques ou Renaissance. Et cela donne, partout, des clochers en forme de minarets, des voûtes en arabesques, des plafonds en stuc et marqueterie, des constructions en briques ou céramique. Un style hybride, donc, mais d’une rare élégance.

Foyer de liberté religieuse

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On s’en doute, les ruelles étroites et sinueuses de Tolède cachent de jolies surprises. Ici, le fabuleux cloître San Juan de Los Reyes, d’un gothique flamboyant ; là, une ancienne synagogue devenue couvent de femmes, la majestueuse Sinagoga de Santa Maria la Blanca. Ou encore une église devenue mosquée, puis de nouveau église…“Tolède est aussi la ville de l’exaltation religieuse, celle des grands mystiques comme sainte Thérèse d’Avila ou saint Jean de la Croix”, poursuit Mauricio Macarron. On le sent, comme dans certains grands sanctuaires du monde, de Jérusalem à Bénarès, quelque chose vibre dans ces murs-là. Peut-être la foi inscrite ici depuis des siècles ?

Ce n’est en tout cas pas un hasard si Le Greco, qui résida à Tolède durant la deuxième moitié de sa vie, y créa ses plus grands chefs d’œuvre, les plus empreints de mysticisme. Et c’est ici également que ce visionnaire du Siècle d’or mourut, le 7 avril 1614. On s’en doute, des festivités se préparent pour célébrer ce génie qui, au passage, fut redécouvert par les romantiques français au XIXe siècle, après plus de deux siècles d’oubli. Déjà, une Fondation El Greco 2014 a été mise en place, avec un site Internet actif. Quelques belles expositions se profilent, à l‘instar de celle du musée Santa Cruz qui mettra en lumière le lien entre le peintre et l’histoire de la ville, ou celle organisée au Prado à Madrid, sur Le Grecoet les Avant gardes. Une exposition qui s’expatriera d’ailleurs jusqu’à Washington en 2015.
En attendant le début de ces commémorations, on ne manquera pas de faire un détour jusqu’à la maison-musée où le maître vécut et, bien sûr, à l’église Santo Tomépour admirer le célébrissime Enterrement du comte d’Orgaz, de 1586.Enfin, pour terminer la visite, on n’évitera certainement pas quelques nourritures terrestres, un verre de Méntrida et quelques mazapan, sur l’une ou l’autre des sublimes terrasses installées en dehors des remparts dominant la ville.
 

S’Y RENDRE

RENFE, la compagnie de chemins de fer espagnols, relie Madrid-Atocha à Tolède en 25 minutes, toutes les heures ou toutes les deux heures selon le moment de la journée. Mieux vaut prendre son billet à l’avance sur Internet ou aux guichets – les distributeurs automatiques n’existent pas – , car les trains se remplissent vite. Très très vite. Internet : www.renfe.com

OFFICE DE TOURISME DE TOLÈDE

Puerta de Bisagra s/n Tél. : +34 925220843 • Fax: +34 92 525 26 48 E-mail : infoturismotoledo@jccm.es • Internet : www.turismocastillalamancha.com

EL GRECO 2014

Palacio de Fuensalida. Plaza del Conde, 5 Tél. : +34 92 533 67 25 • E-mail : elgreco@elgreco2014.com • Internet : www.elgreco2014.com

HÔTEL

Hilton Buenavista Toledo Ouvert en 2007 dans un palais du XVIe siècle dont il ne reste que quelques éléments épars – colonnes, chapelle et une chambre aux murs peints. On dit que c’est Le Greco qui dessina les plans de ce palais en dehors du centre-ville, près du Tage. En tout, 117 chambres, dont 7 suites, et un petit musée privé avec des toiles du XIVe au XXIe siècle. On y trouve aussi deux restaurants, un spa et une délicieuse piscine extérieure. Concilios de Toledo, 1 • Tél. : +34 92 52 89 800 Fax : +34 92 52 89 828 • Internet : www1.hilton.com

QUE RAPPORTER

Santo Tomé C’est la confiserie de Tolède où l’on se doit d’acheter les célèbres pâtes d’amande. Fondée en 1856, la maison utilise la recette du XIIIe siècle. Calle Santo Tomé, 3 • Tél. : +34 92 52 23 763 E-mail : santotome@mazapan.com • Internet : www.mazapan.com