Saskia Gentil (Accor) : « Il y a plein de nouvelles tendances qui apparaissent »

RSE, télétravail, bleisure, bien-être : Saskia Gentil, Senior VP Ventes Europe et Afrique du Nord de Accor, revient sur les grandes tendances qui animent le voyage d'affaires comme les réunions et événements.
Saskia Gentil, Senior VP Ventes Europe et Afrique du Nord de Accor.
Saskia Gentil, Senior VP Ventes Europe et Afrique du Nord de Accor.

La coupe du monde de rugby aujourd’hui, les Jeux Olympiques demain : ces grands événements ont-ils avoir un impact sur les déplacements d’affaires, alors que la fréquentation et les tarifs sont plus élevés à ces périodes ?

Saskia Gentil – Nous sommes en pleine période d’appel d’offres. Et, sur la période des Jeux Olympiques, nous avons effectivement des discussions avec nos clients sur ces dates où la demande sera très forte. Notre challenge sera surtout de bien remplir nos hôtels avant et après les Jeux Olympiques. Mais, une chose est sûre, ces deux événements sportifs sont excellents pour le tourisme en général.

Vous parliez d’appels d’offres. Quelle politique suivez-vous dans votre stratégie tarifaire ? 

Saskia Gentil – Jusqu’à maintenant, le client négociait des tarifs corporate statiques, qui restaient toujours identiques.  Nous avons mis en place une tarification dynamique, où le prix de chambre varie suivant le marché. Une solution que nous proposons tout le temps dans nos contrats corporate. Si certaines sociétés de conseil, qui refacturent les déplacements à leurs clients finaux, ont pu rester sur du statique, c’est vraiment en train de disparaître. Dans un marché comme celui d’aujourd’hui, où les prix ont énormément augmenté, le tarif statique peut être momentanément plus intéressant. Mais comme tout est tellement volatil et difficile à planifier, la tarification dynamique offre l’assurance du meilleur rapport qualité-prix. Les entreprises ont pu le voir pendant le covid avec des prix statiques à 200 euros par exemple alors qu’on pouvait trouver des chambres à 80 euros.

Plus globalement, l’hôtellerie semble repartie sur de bons rails. Comment décririez-vous l’activité de ces derniers mois ?

Saskia Gentil – L’année sera belle. Si on regarde les chiffres de mon département depuis le début de l’année, nous sommes pratiquement à 20% au dessus de nos objectifs. L’envie de voyager depuis la sortie du covid est là, le luxe se porte très bien, les entreprises ont besoin de se retrouver, de recréer un sentiment d’appartenance, ce qui génère de nombreux événements. Beaucoup pensaient qu’on allait voyager ou faire des événements différemment après la pandémie. Pas tant que ça au final, même s’il y a plein de nouvelles tendances qui apparaissent et dont le développement devrait s’accélérer à l’avenir.

Parmi ces tendances, quelle est la plus importante ?

Saskia Gentil – La tendance la plus marquée est sans nul doute la prise de conscience très forte des entreprises concernant la RSE. Sur la partie voyages d’affaires, on le voit dans les appels d’offres. Auparavant, il y avait déjà des questions concernant le développement durable. Mais aujourd’hui, elles sont beaucoup plus nombreuses, que ce soit sur les initiatives de nos hôtels en la matière ou celles du groupe en général. Sur la partie MICE, on voit les demandes concerner davantage des destinations accessibles en train ou à la campagne. Certaines agences événementielles commencent à ne vendre à leurs clients que des événements « green ».  En tant que prestataire, nous devons nous adapter à ces évolutions.

Quelles sont vos réponses à cette prise de conscience sur la RSE ?

Saskia Gentil – Une des choses principales que nous avons mis en place, ce sont des outils de mesure qui permettent de donner aux entreprises des données précises sur les émissions carbone des hôtels. Près des trois-quarts de nos établissements en disposent aujourd’hui. Concernant les meetings & events, les entreprises demandent aussi à être aidées dans le calcul de l’empreinte carbone de leurs événements. De ce fait, nous avons l’outil Net Zero Carbon Calculator qui nous permet d’estimer l’empreinte globale d’un événement, intégrant divers paramètres, entre autres la façon des clients de se rendre à l’hôtel, mais aussi des éléments comme la tenue de buffets ou de dîners assis, l’origine des produits consommés, notamment s’ils proviennent de circuits courts ou encore l’estimation des déchets alimentaires. A la fin, on arrive à un montant d’émissions carbone que nos clients peuvent compenser en soutenant plusieurs associations que nous soutenons. Enfin, au delà de ça, il y a aussi toutes les initiatives prises par le groupe Accor qui a pour ambition de réduire de moitié ses émissions carbone à l’horizon 2030, avant d’atteindre le net zéro en 2050.

Quelles sont ces initiatives en l’occurrence ?

Saskia Gentil –Pour vous donner quelques exemples, nous avons déjà réduit drastiquement l’utilisation de plastiques à usage unique à la fin de l’année dernière. Bouteilles en plastique, petites dosettes de café, pantoufles : tout ça a été enlevé de nos chambres d’hôtel.  Nous travaillons également sur la certification de tous nos hôtels avec les labels Green Key et Green Globe, un élément très important dans le cadre des appels d’offres avec les entreprises. D’autant qu’on se rend compte qu’elles sont prêtes à dépenser plus par séjour pour obtenir de meilleures références environnementales. 

Salle de réunions du Pullman Paris Tour Eiffel.

La RSE est sans surprise une des grandes tendances. Le télétravail en est une autre, et qui a généré en conséquence beaucoup de réunions à la sortie de la pandémie. Ce besoin est-il en train de se tasser ?

Saskia Gentil – Nous ne voyons pas cette tendance là aujourd’hui. On voit toujours beaucoup de formats d’événements de deux jours/une nuit ou de trois jours/deux nuits lors desquels les entreprises font revenir leurs collaborateurs, non pas dans leurs bureaux, mais dans un hôtel. Notamment pour travailler sur la cohésion d’équipe, le sentiment d’appartenance. Cela étant, si le nombre de jours télétravaillés autorisés se voit progressivement revu à la baisse par les entreprises, cela pourrait sans doute avoir un impact sur la partie réunion.

Corollaire de cet essor du télétravail, les séjours « bleisure » continuent-ils à se développer ?

Saskia Gentil – On le voit en effet, que ce soit sur la partie réunion et sur la partie voyage d’affaires. Aujourd’hui, les entreprises envoient leurs collaborateurs à l’étranger plus longtemps et moins souvent, surtout s’ils partent loin. Au lieu de prendre deux fois un vol Paris-Singapour, ils ne font plus qu’un voyage, mais qui dure une dizaine de jours, avec un week-end sur place. D’où la possibilité de faire à ces clients une offre bleisure, pour les garder à l’hôtel pendant cet temps. De la même manière, quand un séminaire se termine le jeudi soir, pourquoi ne pas proposer aux collaborateurs de rester jusqu’au dimanche soir et prolonger l’événement avec un séjour privé agrémenté d’expériences gastronomiques ou bien-être ?

Quand vous parlez d’offres bleisure, comment ce collaborateur, qui souhaite prolonger son séjour, peut-il l’organiser ? 

Saskia Gentil – Dans la plupart des entreprises, notamment celles qui ont des politiques de voyage bien établies, les collaborateurs doivent passer par leur self booking tool, où ils ne peuvent généralement que réserver leur séjour professionnel. Mais ce qu’on développe, ce sont des offres spéciales bleisure sur l’intranet des entreprises où le voyageur va pouvoir retrouver cet hôtel et organiser la prolongation de son séjour. On peut d’ailleurs aussi remarquer que les points gagnés à travers notre programme de fidélité All sont beaucoup utilisés dans ce cadre bleisure, soit pour prendre une suite au lieu d’une chambre normale, soit pour bénéficier de toutes les expériences qu’offre ce programme, des concerts, de la street food…

Accor a récemment publié une longue étude sur le futur des réunions, mettant aussi en avant l’émergence de la composante bien-être au sein des événements. De quelle manière ?

Saskia Gentil – Vous voyez de plus en plus les journées de séminaire commencer par un cours de yoga, il y a une attention toute particulière mise sur le bien-être, et plus globalement sur une productivité plus douce. Tout le monde a beaucoup souffert pendant le Covid, et les entreprises l’intègrent dans leurs événements, en y ajoutant une touche wellness.

La pandémie a également consacré la visoconférence en alternative crédible aux rencontres en présentiel. Cette part de virtuel est-elle toujours d’actualité ?

Saskia Gentil – Bien sûr, des signatures de contrats et autres rencontres essentielles se feront toujours en personne. Mais on organise toujours des événements hybrides, avec des gens en présentiel et d’autres en virtuel. C’est un très bel outil lors de petites réunions où, pour une heure, une personne éloignée peut y participer sans avoir à voyager. On voit très bien que les grands raouts d’ampleur mondiale sont de moins en moins nombreux au profit d’événements régionaux. D’autant qu’en Europe, le créneau entre midi et deux heures permet par exemple pouvoir se connecter en même temps aux Américains et aux Asiatiques de manière virtuelle. 

Quelles sont les autres innovations technologiques faut-il s’attendre ?

Saskia Gentil – Il y a plein de choses qui arrivent. On entre dans une nouvelle ère avec des réunions Teams où on peut créer son avatar, le métaverse qui permet d’organiser la visite virtuelle des hôtels et de leurs salles de réunion, de leurs chambres. Notre Digital Factory, un gros département pour Accor, travaille sur toute la partie digitalisation, les innovations de demain. L’intelligence artificielle va être davantage intégrée dans nos outils de réservation. Les mots utilisés pour les recherches pourraient être complètement différents de ceux d’aujourd’hui, par exemple « séminaires au milieu des lavandes » plutôt que « séminaire de 30 personnes autour de Marseille ». Une évolution plus axée sur l’expérience.