Grands frissons sur champs de neige

Au-delà de l’image d’Epinal qu’elle véhicule, la neige demeure un formidable levier de motivation. Skieurs ou non, elle emporte l’adhésion de tous ! Par Marie Gilles 
Montgenèvre

Avec 55 millions de journées-skieurs passées sur l’ensemble de son domaine skiable, la France occupe, et de loin, la première place mondiale sur le marché du ski. La clientèle affaires fait évidemment partie de ces nombreux amateurs des pentes neigeuses et prend régulièrement l’air vivifiant des hauteurs, relativement rarement dans le cadre d’un congrès, mais le plus souvent lors d’un séminaire ou d’une opération de récompense. “En hiver, la montagne offre aux groupes MICE un environnement particulièrement dépaysant, où les participants seront d’autant plus réceptifs aux messages véhiculés par leur entreprise”, note Christian Mantei, directeur général d’Atout France. Un environnement avec des activités dont la pratique est souvent peu commune : chiens de traîneaux, ski joëring – le skieur est tiré par un cheval –?, raquettes… Cathy Didier, responsable promotion congrès à Chamonix remarque d’ailleurs que “la clientèle affaires qui choisit une destination neige n’est pas majoritairement skieuse !”

Dîner sur la mer de glace

Les stations l’ont très bien compris et intègrent à leur offre des team buildings à tendance hivernale. Ainsi Chamonix a-t-il développé des challenges sur la Mer de Glace, le plus grand glacier de France. En parallèle sont aussi être organisées des compétitions multi-activités, ainsi que des olympiades et des chasses au trésor.

À l’issue de ces moments passés à développer l’esprit d’équipe, les soirées offrent l’occasion de se retrouver autour de la table pour découvrir la gastronomie locale. La thématique “trappeur” reprend cette idée avec, au programme, une balade nocturne en raquettes et lampes frontales, puis vin chaud servi autour d’un feu de camp, suivi d’un dîner savoyard. Plus originale, la privatisation du train à crémaillère du Montenvers permet de rejoindre la Mer de Glace à 1 900 m d’altitude, avant un dîner montagnard dans une bâtisse classée du XIXe siècle.

La Plagne mise également sur le rare, voire l’exceptionnel, pour attirer la clientèle affaires. “Nous avons des équipements uniques, comme cette piste olympique de bobsleigh comportant 19 virages avec des pointes à 110 km/h !”, dit Yann Clavillier, directeur de l’office de promotion de la Grande Plagne. Autre curiosité à Champagny-le-Haut, à quelques minutes seulement de la station : une tour de glace artificielle d’une hauteur de 24 mètres et accessible à tous les escaladeurs, quel que soit leur niveau. Une activité fort prisée par les groupes incentive. À l’ouverture ou à la fermeture des pistes, les groupes peuvent également faire des descentes en airboard – sorte de luge gonflable – la nuit venue ou, dès l’aube, dévaler des pentes encore vierges en compagnie de pisteurs chevronnés.

Dans ce dernier cas, avant que de redescendre à la station, les participants prennent un petit-déjeuner dans un restaurant d’altitude avec vue exceptionnelle sur les sommets enneigés. Dans la foulée, ils ont également la possibilité de visiter en privé la machinerie des remontées mécaniques en présence de son directeur. D’autre part, depuis cette année, La Plagne possède un héliport situé à côté de la piste de bobsleigh afin d’attirer les clients des stations alentour, dont ceux de la très chic Courchevel.

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Dernier chic à courchevel

“Pour une entreprise, inviter des personnes à Courchevel équivaut à les valoriser, gage de la réussite de l’opération”, affirme Adeline Roux, directrice de Courchevel Tourisme. Avec sa pluie de palaces et de restaurants étoilés, la station met évidemment son image prestigieuse en avant. Son cœur de cible : des groupes très VIP d’une cinquantaine de participants, du type comités de direction, réunions de cadres supérieurs ou des meilleurs commerciaux, pour une bonne part en provenance de l’étranger. Les entreprises apprécient en effet l’internationalité de la station, avec la présence de moniteurs parlant plusieurs langues.

Mais, d’où qu’ils soient, tous viennent à Courchevel en priorité… pour skier ! La station est donc l’exception qui confirme la règle, adossée au plus grand domaine skiable du monde, celui des Trois Vallées. Soit 600 kilomètres de pistes accessibles aux pratiquants de tous niveaux. Là aussi, Courchevel cultive son côté exclusif en proposant aux groupes des produits uniques : privatisation en nocturne d’une piste de ski, rencontre avec des skieurs de renom, vol simultané de cinq montgolfières, découverte du travail des chiens d’avalanche…

Fabrice Perez, responsable de l’agence Courchevel Aventures, note une évolution dans les demandes. “De plus en plus, les entreprises souhaitent organiser des opérations ayant un aspect ‘développement durable’, avec des activités plus axées sur la nature et orientées vers une expérience collective”. Ainsi la clientèle haut de gamme, blasée des grands classiques, s’oriente vers des produits privatisés afin de créer des moments uniques. Comme, par exemple, une soirée originale pour une dizaine de personnes dans une authentique cabane de bûcherons, un moment de détente dans un luxueux spa à l’image de celui des Grandes Alpes Private Hotel ou bien encore une randonnée en chiens de traîneaux… Cette dernière activité, encadrée par un musher – le meneur de chiens –?, se fait généralement en petit groupe. Alors, après une balade d’une heure en pleine nature, les participants s’arrêtent pour déjeuner ou dîner dans un igloo. Voire, pour les plus téméraires, pour y passer la nuit !

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Descente en luge

À Megève, autre station française parmi les plus huppées, Frank Jaulneau, directeur de l’hôtel Alpaga, est particulièrement attentif aux désirs de ses clients : “Nous les prenons en main de A à Z : accueil, accompagnement de leurs activités, gestion de toute la logistique…” Dans cet établissement cinq étoiles, cravates et costumes sont pourtant bannis.?Le ton est donné par le personnel lui-même, qui a adopté un style chic décontracté. Les groupes, à 75?% d’origine étrangère, n’excèdent pas les 45 personnes et plébiscitent les sorties de nuit en motoneige, suivies d’un dîner dans un restaurant d’altitude et… d’un retour en luge.“Évidemment, si l’un des participants ne souhaite pas descendre de cette façon, nous honorons sa demande. L’important est que tous gardent un bon souvenir de leur séjour !”, précise Frank Jaulneau.

Autre nouvelle demande des organisateurs : le retour à une certaine authenticité. Ils recherchent du coup des régions moins fréquentées, très préservées. Notamment l’Auvergne, où, l’hiver, le parc des volcans se donne des airs de Grand Nord canadien : balades en chiens de traîneaux ou en raquettes, construction d’igloos, dîner dans une ferme avec veaux, vaches et moutons ! “Cette formule convient aux grands groupes, de 200 personnes. Mais, pour des groupes n’excédant pas 40 invités, la soirée peut se tenir dans un buron, ancienne bâtisse en pierre qui servait autrefois d’abri aux animaux. Au menu : produits régionaux, accordéon et chants auvergnats”, précise Mathieu Roux, directeur d’Auvergne Loisirs.

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Bobsleigh sur la piste olympique

Aux portes de l’Italie, Montgenèvre, la doyenne des stations française, offre aux groupes la possibilité de skier sur la Voie lactée. Un nom évocateur pour un domaine de 400 kilomètres de pistes entre France et Italie ! “Depuis trois ans, nous enregistrons une croissance très régulière du tourisme d’affaires”, constate Christian Jullien, responsable de Red Ski Organisation, le département Groupes de l’ESF (école du ski français). Attirées par l’ensoleillement de la station des Alpes du Sud, ainsi que par sa proximité avec l’Italie, les entreprises en découvrent le formidable potentiel : descente en luge sur un parcours jalonné d’obstacles, bobsleigh sur la piste olympique de Turin, sorties nocturnes en scooter des neiges et repas dans un refuge, héliski sur le versant italien, conduite sur glace, balade en traîneaux à cheval, randonnées sur des rivières gelées… Côté soirée, à la tombée de la nuit, une quarantaine de participants partent raquettes aux pieds à la découverte de la faune et de la flore, s’orientant le plus simplement du monde, en observant les étoiles. Puis ils dînent dans des tipis éclairés par des torches et réchauffés par un feu de bois. Pour des groupes d’une centaine de personnes, une télécabine peut être privatisée afin d’accéder à un restaurant d’altitude, la descente s’effectuant généralement aux flambeaux, en raquettes ou à skis.

Le massif jurassien permet lui aussi de panacher des activités en passant d’un pays à l’autre. “Loin de l’image de tourisme de masse des autres massifs, le Haut-Doubs se démarque par ses grands espaces blancs qui lui donnent un côté aventure très prisé par la clientèle affaires”, constate Jean-David Garrelou, chargé des groupes au comité départemental du tourisme du Doubs. En dehors des activités traditionnelles, la région propose aussi des exclusivités comme le biathlon – une course de skis de fond combinée avec des épreuves de tir avec des carabines laser – , le saut à ski au stade de Chaux-Neuve et une chasse au trésor en raquettes ou à skis avec l’aide d’un GPS.

Nuit sous la tente

La Suisse n’étant pas loin, séjourner dans le Doubs donne l’occasion de découvrir de nouvelles sensations, en particulier dans les stations de l’arc jurassien. Plus loin encore, cet “autre pays de la neige” offre de multiples possibilités qui rivalisent d’originalité ! Course en snow tubing – grosses bouées – à Leysin, bobsleigh sur une piste naturelle à St Maurice, nuit dans un village igloo à Gstaad ou dans un campement whitepod aux Giettes, sous des tentes rondes posées en pleine nature, au pied des Dents du Midi, et uniquement accessibles en raquettes et à ski… Tout y est possible !

Les amateurs de sensations fortes peuvent aussi trouver leur bonheur en France. Par exemple, dans les Hautes- Alpes, Vars accueille les groupes sur son couloir de Chabrières, l’une des pistes de vitesse les plus impressionnantes au monde. La station est également réputée pour ses pistes de free-style. Côté soirée, pour les petits groupes en quête d’authenticité, l’hôtel-restaurant d’altitude Le Chal’heureux se privatise pour des groupes de dix personnes. Il dispose d’une salle de séminaires, d’un sauna extérieur, et propose diverses activités : raquettes, chiens de traîneaux, ski… Les transferts de la station à l’établissement se font en moto-neige ou en chenillette.

Dans les Alpes du Sud, au seuil du parc du Mercantour et à une heure et demie de Nice, à Auron précisément, des descentes en airboard sont organisées pour une cinquantaine de personnes. “Allongés à plat ventre sur une planche gonflable, ils dévalent les pentes la tête la première. Sensations fortes garanties”, assure Pascal Lequenne, responsable promotion des stations du Mercantour. Autres activités praticables dans la station : cascade de glace ou marche avec des crampons sur des torrents gelés…

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Mer et montagne

Chez sa voisine, Isola 2000, les groupes peuvent faire une course en kart sur un circuit enneigé ou un challenge en snake gliss, une luge collective embarquant six passagers. Rien que du très ludique ! La petite nouveauté de cet hiver ? Une yourte dressée en pleine forêt avec une vue panoramique sur la station, un lieu idéal pour une soirée associant montée en raquettes et lampe frontale, dîner autour d’un poêle à bois et retour en moto-neige. Mais le vrai atout d’Isola 2000, c’est sa vue à la fois sur la Méditerranée, les Alpes françaises, suisses et italiennes. Bonheur rare, les incentives peuvent en fin de printemps s’adonner le matin aux joies des sports d’hiver et se baigner dans la mer l’après midi !

Eau et neige se marient également très bien en Haute-Savoie. Ainsi, en 2010, La Clusaz a lancé la marque “Lake Annecy Ski Resort” avec les stations du Grand Bornand, de Manigod et de Saint-Jean de Sixt, en association avec Annecy. Un regroupement qui permet de promouvoir la région à l’international. La démarche est payante, puisque les groupes y sont de plus en plus nombreux. Il est vrai que l’offre y est particulièrement variée, aussi bien en matière d’hébergement que d’activités : cabanes perchées, balades en calèche, centres aquatiques, soirées sur le lac d’Annecy, spas, chiens de traîneaux, raquettes, igloos chauffés, montgolfière, ski joëring… et yooner, une microluge inspirée du paret, l’ancienne luge en bois qu’utilisaient les écoliers pour dévaler les pentes. Un retour en enfance, en quelque sorte…