Guadeloupe, Martinique: une douce France en hiver

Plages, cocotiers et alizés… autant de clichés célébrant l’archipel de la Guadeloupe. Ses deux îles principales en forme de papillon, Basse-Terre et Grande-Terre, séparées par la rivière Salée, en comptent six autres répondant aux noms aussi enchanteurs que Marie-Galante, la Désirade ou les Saintes… Si Grande-Terre est un paysage de plaines sèches, à Basse- Terre c’est tout le contraire : des montagnes accidentées et verdoyantes, dominées par le volcan de la Soufrière, toujours en activité. Dans le parc national, la forêt est paradisiaque : une exubérance de gommiers, de châtaigniers-pays et d’acomats-boucans sur lesquels s’emberlificotent philodendrons et autres lianes, sans compter de superbes fougères arborescentes ou d’innombrables touffes d’oreilles d’éléphant. Un Eden des origines, royaume des mangoustes et des ratons laveurs, que défend coûte que coûte Laurence Vallot de l’agence Vert Intense.

Le tourisme vert est tendance

Passionnée de nature, comme son compagnon Éric Barret, ils proposent de nombreuses activités en pleine forêt : “En principe, nous ne travaillons qu’avec des groupes scindés en petites unités, très encadrées, car la sécurité est notre priorité. Nous les emmenons faire du rappel dans les cascades, descendre un cours d’eau en kayak ou carrément faire une randonnée vers la Soufrière qui leur permet de découvrir toute la richesse botanique de la forêt insulaire. Et là-haut, quand ils arrivent au terme, ils sont surpris par les grondements du volcan qui sont assourdissants. D’autres fois, dès lors qu’ils ne disposent pas d’énormément de temps, on les envoie simplement au Jardin d’Eau de Goyave pour une après-midi découverte, ludique et sportive.”

Sur les côtes de Basse-Terre, entre mer et forêt, se succèdent les plantations de bananes, d’ananas et, bien sûr, de canne-à- sucre, une des anciennes ressources de l’île, cultivée aujourd’hui pour en distiller le rhum agricole. Pascal Marsolle, fils des propriétaires du domaine de Séverin, continue l’activité de ses ancêtres tout en diversifiant les animations : “Nous avons souhaité que notre distillerie continue à vivre. Ainsi, un petit train emmène les groupes à la découverte des élevages d’ouassous, les écrevisses locales, puis les conduit à deux kilomètres en bordure des champs de canne avant de les ramener vers la distillerie où tout le processus de fabrication du rhum leur est expliqué. Au final, ils ont droit à une dégustation et s’ils veulent se restaurer, nous avons sur place un petit restaurant créole.”

Le jardin du domaine est peu à peu réhabilité, mais ne peut encore rivaliser avec le jardin botanique Deshaies, ancienne propriété de Coluche. Ici, les groupes découvrent les essences de ces latitudes tropicales – palmiers, fromagers, arbres à pain… – et d’étonnants oiseaux tels les loriquets, de petits perroquets australiens qui se nourrissent de nectar de fleurs, ou de très graphiques flamants rouges de la Caraïbe. Le restaurant panoramique qui surplombe la cascade peut être privatisé, à moins de ne préférer déjeuner en bord de plage, comme à Grande Anse au Karacoli où Lucienne Salcède, belle et accueillante créole, propose en plein air une cuisine typique aux saveurs légèrement épicées. Autre alternative, le restaurant Ti Café de la Bonifierie à Saint- Claude, l’ancienne habitation l’Espérance où de charmantes jeunes filles expliquent les secrets du café et du cacao. Daniel Cabre, son directeur, anime aussi, juste à côté, le parc d’aventure Mangofil : “Sur le domaine, les groupes ont plusieurs possibilités, ils peuvent s’adonner à l’accrobranche, toujours encadrés par des professionnels, ou ils partent pour une randonnée en quad dans la forêt. S’ils veulent participer à des journées plus ludiques, nous organisons des lancers de noix de coco les yeux bandés et des chasses au trésor où les indices ont trait à leur entreprise.” Le tout avec le plus souvent des vues imprenables sur la mer. Un terrain de jeu aquatique propice à toutes sortes de découvertes en jet-ski – la mangrove, les îlets, les dauphins – ou en petites croisières à bord de catamarans. Des sorties que connaît bien Gérard Hayweski, directeur de Privilège Croisières : “Pour les groupes, il n’y a aucun problème, nous pouvons affréter plusieurs catamarans et nous les emmenons, par exemple, pour une journée à Petite Terre. Là, nous les débarquons sur une plage de sable blanc bordée de cocotiers, puis ils partent à la découverte des fonds sous-marins, car les îlets de la Petite Terre sont le paradis des plongeurs. Ensuite, ils déjeunent à l’ombre sur le bateau puis l’équipage les emmène en promenade sur les sentiers observer les iguanes, les bernard-l’ermite, les crabes de terre, seuls habitants de ces îlots, hormis les oiseaux.” Autre destination de croisière très appréciée des groupes, le petit archipel des Saintes, à deux heures de la marina de Pointe-à-Pitre ou à une demi-heure de Trois-Rivières, au sud de Basse-Terre. Son nom ? il le tient de Christophe Colomb qui le découvrit le jour de la Toussaint – Los Santos –, et la baie de Terre de Haut, avec un mini Pain de sucre formé d’orgues de basalte, est souvent classée comme l’une des trois plus belles baies du monde.

Les bateaux de croisière ou les voiliers américains l’ont bien compris, ancrés dans les eaux turquoise où sillonnent les saintoises, embarcations locales aux couleurs vives. À quai, les doudous proposent leurs spécialités, les “tourments d’amour”, pâtisseries à la noix de coco. Peu de voitures, ici, on louera donc pour le groupe des Mobylette et l’on grimpera jusqu’au fort Napoléon.

Descendants de bretons et de normands

Le fort Napoléon est un bâtiment militaire achevé en 1867 pour contrer les Anglais de la Dominique. De style Vauban, il domine la baie et abrite le musée d’Histoire et de Traditions où une visite guidée peut être réservée. Sur les remparts, une promenade a été aménagée et l’on découvre quelques variétés de cactées où se cachent des iguanes. Une fois redescendus, les participants peuvent flâner dans les ruelles du village, bordées de petites cases créoles, toutes colorées, toutes aussi charmantes les unes que les autres, beaucoup de boutiques exhibant tissus madras, coquillages et peintures exotiques. Les descendants des Bretons ou des Normands y ont le teint clair et souvent l’œil bleu. Après le shopping, le groupe rembarque pour aller pique-niquer sur le bateau, face au Pain de sucre où la mer translucide leur promet une douce baignade.

Reste à découvrir la ville de Pointe-à- Pitre. La meilleure façon, c’est de faire le tour des marchés, en commençant par celui de la Darse, au bord de l’eau, où les marchandes de légumes et de fruits sont habillées de carreaux madras, en poursuivant par les étals de poissons et le marché couvert avec épices, poupées créoles et punchs artisanaux. Il faut encore voir la place de la Victoire bordée de quelques bâtiments caractéristiques, comme la sous-préfecture ; c’est là qu’arriveront en novembre les vainqueurs de la prochaine Route du Rhum. Puis le musée Saint-John-Perse, une belle maison coloniale racontant la vie et l’œuvre du poète, et le musée Schœlcher, consacré à Victor Schœlcher, député et éminent président de la commission d’abolition de l’esclavage en 1848. Un homme vénéré dans toutes les Antilles françaises, à la Guadeloupe comme à Fort-de-France, en Martinique, où la bibliothèque qui porte son nom, envoyée de Paris en pièces détachées, est devenue un véritable emblème.

Echappées martiniquaises

Fort-de-France est une ville bourdonnante, ceinturée d’un périphérique, où le trafic est intense, voire très intense. Une épine dans le pied pour certains incentives, mais pas insurmontable selon Patrick Sourdeau, directeur de l’hôtel La Batelière, à Schœlcher : “Là où nous sommes placés, presque en centre-ville, nous avons tous les loisirs d’un resort, une plage et un ponton. Ce qui nous met à la pointe du pôle de Fort-de-France, sachant que les autres pôles sont Pointe-du-Bout et Sainte-Luce. Je tiens d’ailleurs à développer les déplacements entre ces pôles par la mer en taxis-boats qui permettront d’éviter tous les pics du trafic routier. Car il est important pour la Batelière de se repositionner sur le marché en accueillant autant les hommes d’affaires que les touristes.”Toujours est-il qu’une balade dans cette préfecture d’outre-mer permet de mieux sentir le mode de vie antillais.

L’ancienne Fort-Royal vibre dans les boutiques, autour de la cathédrale Saint- Louis, à l’armature métallique. Dans le parc de la Savane, la statue de Joséphine de Beauharnais, native de l’île, n’a toujours pas recouvré… sa tête. Depuis que les indépendantistes l’ont guillotinée, lui reprochant le rétablissement de l’esclavage par Napoléon, après la Révolution. Alors, à défaut, les groupes iront dans le Sud contempler son buste conservé dans le jardin du musée de la Pagerie, domaine où elle vécut jusqu’à seize ans. De sa maison natale, il ne subsiste que les soubassements de pierres, seule l’ancienne cuisine renferme des objets et des gravures racontant son intimité impériale. De là, la route emprunte bien des virages, flirtant avec la mer pour apercevoir tantôt un rocher symbolique, celui du Diamant, tantôt le mémorial de l’anse Cafard, quinze statues blanches rappelant le naufrage d’un navire négrier en 1830. En poursuivant la côte sud, on arrive à la plus belle plage de Martinique, celle de Grande Anse des Salines où les cocotiers affleurent les sables blancs… Un court instant de rêve devant des eaux cristallines.

Champagne et ti-punch

Car l’océan reste un loisir pour les groupes. Bien des expériences y ont été tentées. Ainsi pour Thierry Blanc, directeur de l’agence réceptive Carib Recept : “En Martinique, on peut tout faire, il n’y a pas de modèle type, nous nous adaptons à la demande de nos clients. Bien sûr, il y a les balades en mer en catamaran jusqu’aux îlets ou les régates en yoles, ces embarcations légères et colorées. Mais une des grandes expériences est à l’heure de l’apéritif, quand un hélicoptère dépose des bouteilles de champagne dans les hauts blancs près du François, des hauts fonds sablonneux, appelés la baignoire de Joséphine. Là tout le monde sirote sa coupe en discutant, de l’eau jusqu’à la taille… Sinon, nous pouvons organiser un bivouac pour 130 personnes en pleine forêt au bord d’une rivière, avec des feux de camp brûlant toute la nuit et un spectacle traditionnel alliant authenticité et découverte où chacun participe… Et pourquoi pas une réunion de 100 personnes à la plage, en maillot sur des transats, suivant sur un écran le conférencier installé dans une barge… Ou encore une soirée sur le site de la maison de Joséphine, avec des ballets, un steel band et, bien sûr, du champagne !”

À défaut de champagne, le rhum est présent partout, on le mélange à du jus de goyave, en “planteur”, ou on le déguste additionné de citron vert et sirop de canne en “ti-punch”. Les distilleries disséminées dans toute l’île permettent aux groupes de connaître une tradition vieille de plus de 300 ans. Dans le sud, celles des Trois-Rivières et de La Mauny racontent la coupe, le broyage, la fermentation et la distillation de la canne à sucre, supplantée aujourd’hui par la culture de la banane. Près du François, l’habitation Clément du XVIIIe siècle vaut un détour. C’est là qu’eut lieu la rencontre au sommet entre Mitterrand et Bush Senior en mars 1991. La maison a conservé son mobilier en acajou-pays, très Compagnie des Indes, et dans les communs est exposée une collection de pochoirs utilisés depuis le XIXe pour marquer les fûts. Le soir on peut y servir un verre en musique à un groupe qui dînera sous une tente blanche dans le parc éclairé.

Déjeuner sous un carbet

D’autres domaines ont abandonné l’exploitation de la canne et pour entretenir les bâtiments se sont reconvertis en hôtels et restaurants, des lieux où les groupes peuvent s’arrêter pour un repas. L’habitation Lagrange est une demeure de charme aux dentelles de bois, où l’on déjeune sous un “carbet”, une grande case ; à la plantation Leyritz, c’est dans les différentes dépendances, et à l’habitation Céron, au bord d’une rivière. Son propriétaire, Louis Marraux Desgrottes, est très attaché aux traditions : “J’ai voulu préserver dans cette propriété qui appartenait à mon grand-père une vraie atmosphère. Et pas devenir un Disneyland. Les groupes peuvent apprendre ici ce qu’étaient une sucrerie et une distillerie, et en même temps, découvrir un jardin avec de superbes arbres, comme ce zambana vieux de 250 ans. D’ailleurs les manguiers plantés autour de la maison ont le même âge. De là, à cheval ou en quad, ils partent jusqu’à la cascade en pleine forêt où ils peuvent se baigner. En chemin, ils croiseront sûrement quelques cochons noirs, vrais descendants de ceux abandonnés par les Espagnols lors du premier passage de Christophe Colomb.”

De là, on redescend vers Saint-Pierre, ville meurtrie par une nuée ardente surgie de la montagne Pelée, le 8 mai 1902, qui surprit ses 30000 habitants, ne laissant pour l’Histoire que les ruines du théâtre, des cachots ou du lycée. En mémoire, le Centre de découverte des sciences de la Terre sur les hauteurs de la cité explique aux groupes les volcans, les séismes et les cyclones. Sous la funeste montagne, la distillerie Depaz, installée au milieu des champs de canne, défie depuis 1917 les caprices du volcan grâce à des propriétaires tenaces, un climat exceptionnel et une eau de source en abondance. Là sont élaborés de délicieux rhums vieux ou dorés et doux comme la caresse des alizés.