Hôtellerie : De l’audace, encore de l’audace

Si Madrid offre un éventail de plus en plus large d’hôtels de standing, les chaînes espagnoles tiennent le haut du pavé et réservent une concurrence élégante –mais concurrence tout demême – aux grands noms internationaux.

Le fait est là, le second millénaire a propulsé Madrid dans une nouvelle ère hôtelière. En une décennie à peine, le nombre de lits a augmenté de 40 % et l’on y compte aujourd’hui plus de 300hôtels, dont une bonne vingtaine affichent cinq étoiles .Mais cette tendance, qui rapproche désormais la capitale espagnole de toutes les grandes cités du monde, n’empêche pas une certaine “exception madrilène”. Car, à l’évidence, les chaînes internationales sont moins présentes à Madrid qu’ailleurs. Une faiblesse ? Pas forcément. En effet, Madrid assume haut et fort sa particularité et plébiscite les enseignes locales. Certaines confidentielles, d’autres un peu moins ; mais toutes très haut de gamme.

Un exemple parmi tant d’autres, dans le quartier de Salamanca : l’établissement qui fut un temps le Park Hyatt a retrouvé, en 2009, après deux ans et demi de travaux, son nom originel de Villa Magna en même temps qu’une totale indépendance. Ses propriétaires n’ont en effet dans leur portefeuille d’autre hôtel que le Ritz de Lisbonne. Consécration suprême, ce 150 chambres qui propose aujourd’hui un tiers de suites – très élégantes – est l’un des quatre établissements madrilènes à faire partie des Leading Hotels of the World. Chic, il s’agrémente d’éléments décalés, comme la sculpture de métal du lobby ou un beau vitrail psychédélique, vestige de la structure d’origine datant des années 70.Pour le reste, la discrétion et le raffinement qui se jouent dans le marbre des salles de bain, les écrans de télévision à effet miroir ou la douceur des draps n’ont d’égal que le service, absolument irréprochable. Certes, on ne trouve pas de piscine au Villa Magna, mais des terrasses, des patios…tous privatisables, et où l’on peut parfaitement travailler à la fraîche les soirs d’été.

Grandes d’Espagne

Parmi les chaînes espagnoles plus connues à l’international, Melia Hotels a lancéen2006,à Madrid évidemment, le premier hôtel de sa gamme urbaine ME by Melia. Depuis, d’autres établissements ME ont poussé à Barcelone, au Mexique, et bientôt à Vienne et Londres – dans un immeuble signé Norman Foster. Logé ici dans un magnifique palais blanc de 1811 qui vit passer Ernest Hemingway – entre autres résidents célèbres– , le ME Madrid domine la place Santa Ana. À l’intérieur, d’emblée un détail interpelle :des têtes de taureau naturalisées accrochées aumur du bar-lobby. “Autrefois, l’ancien hôtel Reina Victoria était le lieu de rencontre des toreros, explique Oliver Benalal Quintana, directeur associé des ventes. Nous avons voulu rendre hommage à cette tradition à travers un élément très visuel et très contemporain.
 
Depuis l’immense terrasse perchée en haut de ce 192chambres, c’est tout Madrid qui se déploie. On peut même remarquer, juste à côté du ME et à quelques pas de la Plaza Mayor, un autre bel immeuble, le Palacio de Tepa, converti en hôtel par la chaîne espagnole NH et ouvert en octobre 2010. Ce 85 chambres, sobre et élégant, tire sa splendeur du palais du XVIIIe siècle où il s’est installé. C’est aussi dans cet établissement qu’officie le chef star Paco Roncero avec l’inauguration récente de son deuxième restaurant de tapas Estado Puro. Un lieu reconnaissable entre tous grâce à un élément décoratif très espagnol, un peigne à mantille, incontournable accessoire du flamenco et thème principal d’un ensemble résolument kitsch- chic. Vraiment magnifique.
 
 

Au vrai chic madrilène

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A côté des Melia Hotels ou NH, acteurs d’envergure européenne, voire mondiale, d’autres chaînes se sont concentrées sur leur propre marché, comme Hospes qui rassemble une dizaine d’hôtels de standing, dont la seule version étrangère, le Lancaster, se trouve rue de Berri, à Paris. Implanté dans un immeuble datant de 1883, le Hospes Madrid est une boutique hôtel de 41 chambres où les détails du passé ont été conservés et joliment associés à des touches plus contemporaines. De lourdes portes en bois, des patios de pierre de taille, des piliers de fer travaillés rejoignent le verre et le velours, les tons parme et les nuances argentées.

Il plane dans les couloirs un doux parfum de violette qui rehausse délicatement la couleur des canapés et des coussins. Il s’agit là d’un confort propice à la détente – on ne peut manquer un petit tour au très beau spa – , aussi bien qu’au travail.

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En effet, parmi toutes les salles de réunions, la plus marquante est celle logée dans l’ancienne bibliothèque, dont les fenêtres s’ouvrent sur la place de l’Indépendance et le parc du Retiro. Impossible, donc, d’oublier que l’on est à Madrid.

L’esprit est similaire au De Las Letras, hébergé dans un hôtel particulier de 1917. Anima Hotels, cette mini-chaîne espagnole de trois établissements, a épousé une philosophie tout à fait actuelle, alliant modernité et respect du passé. Situé sur la Gran Via, ce quatre étoiles d’un charme rare associe les plafonds de bois et les azulejos anciens à des couleurs fortes et des objets originaux : des blancs purs, des oranges et des rouges, mais également des luminaires en papier du Japon, des citations littéraires appliquées sur les murs. Là aussi, la ville est omniprésente, surtout depuis les terrasses des suites et le lounge sur le toit où l’on peut siroter des mojitos et se détendre jusqu’au petit matin. À moins qu’on ne décide d’y organiser un événement corporate.
 
 

Tradition et modernité

Autre chaîne, autre style. Pour sa part, l’hôtel Urban s’est offert un immeuble complètement neuf, malgré sa situation centrale, à quelques minutes à pied de la Puerta del Sol. S’il fait partie d’un groupe espagnol, les Derby Hotels, représentés à l’international par le Caesar à Londres et le Banke à Paris, ce 102 chambres, abandonnant toute idée de tradition, a opté pour l’audace. Du verre, du fer, de l’albâtre… Des belles matières, donc. Mais aussi des oeuvres d’art provenant du monde entier, chinées par son propriétaire collectionneur. Meublée de pièces uniques dénichées entre l’Inde, l’Égypte ou la Papouasie, chaque chambre a son âme, suggérant l’esprit d’un continent. Ici aussi, un bar donne sur les toits du vieux Madrid, agrémenté d’une piscine.
 
Mais le plus audacieux de tous est sans aucun doute le Puerta America, de la chaîne Silken, dont la trentaine d’hôtels, pour la plupart implantés en Espagne et de catégorie quatre étoiles, s’est autorisée un concept d’une totale extravagance. “Le défi lancé par les propriétaires était de donner une liberté entière à une vingtaine d’architectes et de designers, pour un projet absolument sans précédent”, explique Valeria Knop, porte-parole de l’établissement. Ce gigantesque espace de près de 34 000 m2, d’où jaillit l’invention en matière d’architecture et d’art, aura coûté au final plus d’une centaine de millions d’euros à ses commanditaires. En visitant chacun des treize étages, on pénètre le monde intérieur des stars mondiales de l’architecture et du design intérieur ; des Zaha Hadid, Jean Nouvel, Norman Foster, David Chipperfield, Marc Newson ou Ron Arad… Même l’icône Oscar Niemeyer, celui qui a conçu la ville de Brasilia dans les années 60, est venu apporter, à l’âge de 100 ans, son esthétique reconnaissable avec une sculpture en forme de faucille installée dans le parc.
 
Au Puerta America, pas question de se voir attribuer une chambre au hasard, puisque, par définition, chacune est unique. Lors de son arrivée, c’est au client de choisir, sur iPad, l’étage et la chambre qui correspond à son état d’esprit. Pour entrer en douceur dans ces univers d’une beauté délirante, chaque étage s’ouvre sur un lobby chargé de donner le ton : des projections lumineuses, des couloirs dignes d’une navette spatiale, des formes organiques, des portes outrageusement laquées de rouge, des sculptures de cuir, des stalactites tout en rondeurs… Et encore, à tout cela faut-il ajouter le 13e étage, là où se trouve la piscine de Jean Nouvel, mais aussi sa passerelle de verre, parfaitement suspendue au-dessus du vide.
 
 

« Dream Team » d’architectes

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On pourrait penser qu’une telle œuvre d’art – car c’est bien de cela qu’il s’agit – attirerait plutôt les visiteurs loisirs. Alors, on se trompe : “90 % de notre clientèle descend chez nous dans le cadre d’un séjour affaires”, dit aussi Valeria Knop. Parce que le cinquième étage est presque entièrement dédié aux salles de conférences, parce que le centre de convention IFEMA n’est qu’à une station de métro et l’aéroport à deux arrêts ; et enfin parce que, contrairement aux idées reçues, la clientèle business ne se plaît pas uniquement sous des lambris dorés à l’or fin. Dommage, pour des voyages business-express, que l’endroit soit tout de même un peu excentré. Mais comment aurait-on pu donner une telle liberté totale de création en plein coeur historique ? Il s’agit tout de même d’un hôtel de 315 chambres…

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Les cinq étoiles madrilènes, on le voit, rivalisent de créativité, de personnalité, de qualité. Mais, à côté de cela, il reste encore dans la capitale espagnole des établissements un tout petit peu plus simples ; en deux mots, plus abordables. Ainsi, cet été, face au parc du Retiro, dans un ancien palais du XIXe siècle, a été inauguré le Petit Palace Savoy Alfonso XII, un quatre étoiles de 87 chambres appartenant à la chaîne High Tech, uniquement présente sur la péninsule et possédant une trentaine d’hôtels. Il s’agit là d’un autre ton, presque d’un autre style de vie… D’ailleurs, à Madrid, dans cette métropole jouant toujours un peu sur la provocation, on trouve des établissements “seulement” estampillés de trois étoiles, et pourtant grandioses. C’est ainsi qu’il y a quelques années, la chaîne Room Mate a été lancée sur la base d’un concept convivial : le prénom d’un ami qui vous veut du bien et vous invite à découvrir sa ville. Si les Room Mate Hotels sont désormais au nombre de quatre à Madrid, avec Mario, Laura, Alicia et Oscar, New York a aujourd’hui sa Grace, Mexico sa Valentine, Barcelone son Emma… Des “bed and breakfasts” de luxe qui, comme les vrais Madrilènes, savent remarquablement associer le tranquilo à l’estudioso.

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