
Pouvez-vous résumer le statut et le rôle de Provence Côte d’Azur Events ?
Héliéna Brégand – Provence Côte d’Azur Events (PCE) est le Bureau régional des Congrès, constitué en association, qui rassemble plus de 200 professionnels sur toute la région, d’Avignon à Menton. Tous les métiers sont représentés : les lieux événementiels comme les palais des congrès, les centres d’exposition, mais aussi des musées ou des châteaux, il y a aussi les hébergements, les agences, les DMC, les prestataires d’activités comme le team building, des traiteurs, des photographes, ou des professionnels de l’audiovisuel. Parmi nos adhérents, il y a aussi toutes les personnes en charge de la promotion touristique au niveau régional, donc le Comité Régional du Tourisme, les offices de tourisme, les bureaux des congrès…
Quid de 4EVENT ?
Héliéna Brégand – C’est une initiative prise par Provence Côte d’azur Events pour travailler sur l’innovation et la transformation du secteur événementiel. Tous nos adhérents ont fait le constat que le secteur faisait face à de profondes mutations, avec un contexte de crise sanitaire. Il s’agit donc de se focaliser sur la relance, la transformation digitale et environnementale, car tout s’est accéléré au cours des derniers mois. Nous avons donc cherché comment accompagner au mieux nos adhérents pour faire face à ces mutations au niveau régional, et les faire entrer dans un écosystème d’innovation. 4Event constitue une grande plateforme d’accompagnement au changement, lancée en septembre 2020, avec de premières activités développées à partir de janvier 2021. Mais la réflexion couvait depuis quelques temps déjà : il y avait déjà la volonté de faire partie de plateformes d’innovations événementielles. Provence Travel Innovation (PTI) était à l’initiative du Challenge TravelCamp Sud, et nous nous sommes greffés sur ce dispositif efficace et innovant, parce qu’il est plus intelligent de travailler ensemble au niveau régional.
Comment se passe cette collaboration, notamment vis-à-vis des start-up ?
Héliéna Brégand – Au niveau du dispositif de recrutement des start-up, nous travaillons avec PTI, et nous réfléchissons à proposer des accompagnements communs pour des entreprises qui auraient des demandes très spécifiques sur l’événementiel et qui seraient accompagnées par PTI, car parfois des start-up se lancent sur un modèle économique axé sur le loisir, et réalisent au fur et à mesure qu’elles pourraient évoluer vers l’événementiel. Dans ce cas, il peut être utile que PCE soit impliqué en tant que terrain d’expérimentation. Nous travaillons donc déjà ensemble, de fait. C’est aussi comme ça qu’u niveau régional est venu l’idée de travailler avec PTI sur le recrutement de TravelCamp Sud, puisque PTI a mis en place ce challenge l’an dernier pour la première fois. Nous avons choisi de travailler ensemble sur le recrutement, et nous aurons une promotion à partir de mars 2022 avec l’incubateur PACA Est. Il était plus intéressant de sourcer ensemble plutôt que d’entreprendre des initiatives chacun de notre côté. C’est plus constructif, plus intéressant de faire quelque chose en commun au niveau régional.
En quoi consiste ce Challenge TravelCamp Sud ?
Héliéna Brégand – TravelCamp Sud s’adresse à toutes les personnes qui portent un projet d’innovation dans le domaine du tourisme et de l’événementiel, qu’il s’agisse d’innovations technologiques mais aussi de produits ou de services. Une première sélection a lieu jusqu’au 12 décembre, afin d’identifier des pépites. Ces pépites sont invitées à des ateliers de challenge répartis sur tout le territoire tout au long du mois de janvier. C’est ce qui est innovant en termes de process : pour la première fois, les start-up qui vont intégrer des incubateurs, que ce soit PTI ou 4Event, auront eu la possibilité de tester leur solution en amont de l’incubation auprès de socioprofessionnels. Trois ateliers seront répartis sur le territoire, plus une finale, ce qui nous permet d’aller dans les quatre principaux départements : le Vaucluse, les Bouches-du-Rhône, le Var et les Alpes maritimes. Pendant ces ateliers, nous convions tous les professionnels du tourisme loisir et événementiel pour challenger les projets et éventuellement leur donner des conseils. A l’issue de ces ateliers, nous déterminerons quelles sont les start-up qui ont le plus progressé, ce qui nous permet aussi d’identifier aussi des profils d’entrepreneurs, et non pas seulement des solutions. Quand on accompagne une entreprise, ce qui compte ce n’est pas seulement le degré d’innovation, même si c’est important bien sûr. Il s’agit aussi de voir quelle est la capacité du porteur de projet à s’adapter à son environnement. C’est aussi ce qui est testé pendant ces ateliers, pour avoir des start-up de qualité. Et les start-up vont pouvoir tester immédiatement l’appétence des professionnels pour leurs solutions, comme dans un super bêtatest pour déjà identifier un marché, des obstacles potentiels et donc des priorités.
Quel bilan a été tiré après la première édition ?
Héliéna Brégand – D’après les retours de PTI, c’était une très bonne méthode de sourcing. Ils ont eu des surprises, des start-up qui avaient été sélectionnées se sont révélées être des pépites pendant le challenge, qui a montré les capacité des porteurs de projet à s’adapter, et une réelle motivation. C’est aussi un point crucial dans l’accompagnement, car ce n’est pas simple de lancer son entreprise : il faut beaucoup d’énergie, de motivation.
Qu’adviendra-t-il de ces start-up par la suite ?
Héliéna Brégand – Les start-up vont pouvoir rejoindre l’un des deux incubateurs. La répartition se fera en fonction de la thématique. 4Event a plutôt pour objectif d’accompagner les start-up dans le domaine de l’événementiel, alors que PTI reste sur la partie travel. L’autre gros avantage dont bénéficient les start-up sélectionnées c’est qu’elles auront accès à un dispositif qui leur permettra de financer leur incubation, laquelle est quasiment payée grâce au fond FIRST (Fonds d’Innovation Régional pour les Services Touristiques). Je ne crois pas qu’un autre dispositif de ce type existe sur le territoire.
Constatez-vous un impact de la crise sur le positionnement des start-up que vous étudiez ?
Héliéna Brégand – Il y a des solutions qui sont clairement nées de la crise, notamment pour toutes les start-up qui proposent des optimisation budgétaires, des systèmes pour booster les ventes ou qui travaillent sur l’hybride.
Justement : comment vous positionnez-vous sur l’hybride ?
Héliéna Brégand – L’hybride est une tendance, mais au niveau du secteur il n’y a pas véritablement un engouement extraordinaire. Du point de vue des organisateurs, l’hybride coûte cher, et suppose de repenser totalement le modèle économique d’un événement pour qu’il soit rentable. Le virage doit être bien réfléchi. Il y a aussi d’autres freins : au niveau des destinations, les événements ont des retombées économiques directes pour les territoires. Si l’hybride réunit moins de participants sur place, les destinations ne sont pas gagnantes. Aujourd’hui l’hybride reste une solution temporaire pour beaucoup d’entreprises pour leur permettre d’organiser des événements dans un cadre sécurisant compte tenu des conditions sanitaires actuelles. Il y a un marché à trouver, il faut réfléchir au niveau du modèle économique. Mais j’ai la conviction qu’il faut prendre ce virage, parce que c’est un avantage important en termes de compétitivité et de visibilité, d’occupation du terrain.
Diriez-vous que le fait d’avoir lancé 4EVENT en pleine crise lui confère un positionnement plus ouvert face aux nouveaux enjeux du secteur ?
Héliéna Brégand – Le fait d’être né pendant la crise nous a permis d’être très agile. Pendant tout le confinement, nous avons eu un accès direct et privilégié à nos adhérents, qui avaient moins d’activité, et donc plus de temps pour que l’on réfléchisse ensemble aux services qui répondraient le mieux à leurs attentes, à leurs besoins. C’est ce qui nous a permis d’avoir véritablement une démarche de co-construction.
des territoires d’innovation et de créativité
Quels sont les atouts intrinsèques de votre territoire dans le domaine de l’innovation et de l’événementiel ?
Héliéna Brégand – L’avantage de notre territoire c’est notre écosystème. Les gens ne savent pas assez que la Côte d’Azur, la Provence, au-delà d’être des territoires de mer, de saveurs, de couleurs, sont des territoires d’innovation et de créativité. Il suffit de voir les dynamiques autour de la French Tech, les pépites du territoire, nos grandes universités, des filières d’excellence très dynamiques et qui sont porteuses d’innovation. Il y a par exemple un institut interdisciplinaire d’intelligence artificielle à Sophia Antipolis qui tisse des synergies auprès des chercheurs, par exemple pour faire entrer l’IA dans l’événementiel. Il y a sur le territoire des gens dynamiques, qui ont un bagage universitaire et technique nous permettant de porter des innovations, et on ne le sait pas assez. L’autre avantage du territoire repose sur sa forte activité événementielle et touristique, qui permet d’être au contact des professionnels. C’est aussi l’avantage de Provence Côte d’Azur Events : la raison pour laquelle nous avons choisi de travailler sur l’incubation, c’est non seulement pour accompagner nos adhérents dans le changement, dans l’innovation, mais aussi pour être un terrain d’expérimentation. D’ailleurs certaines start-up l’ont bien compris : elles nous ont contacté pour être directement mises en relation avec le marché que constituent nos 200 adhérents.
Quelle est votre feuille de route pour 2022 ?
Héliéna Brégand – 4EVENT repose sur quatre briques de services : de la formation, de l’accompagnement – dont fait partie l’incubation -, des ressources, et enfin une chaire internationale de recherche sur la gestion des risques. Pour 2022, la priorité est axée sur un accompagnement à la relance et au changement, qui se traduit par la transformation digitale et environnementale, ainsi que par la transformation des modèles de travail. Il faut réfléchir à de nouveaux modèles économiques, à de nouvelles modalités de travail en équipe, en offrant plus de flexibilité à l’événementiel pour gérer les incertitudes qui persistent, et les complications liées au recrutement. Le stop and go est complexe à gérer, cela ne permet pas d’assurer un fond de roulement, une pérennité. Beaucoup de salariés se sont reconvertis. La difficulté, c’est aussi que tous les métiers de l’événementiel ne sont pas « digitalisables ». Certes, les organisateurs d’événements peuvent travailler avec des agences de communication, passer à l’hybride. Mais les prestataires d’activité, les traiteurs, les transporteurs ou les hôteliers vivent du présentiel. C’est là où l’accompagnement au changement est crucial, car il faut trouver de nouveaux relais de croissance. La difficulté, c’est que tout n’est pas dépendant de l’innovation technologique. Il faut penser aux opérateurs sur le territoire, de manière pragmatique.