Interview : Jeanne Choffé, Responsable du French Event Booster

French Event Booster se dirige vers 2022 avec une multitude de projets qui doivent insuffler une nouvelle dynamique à la filière événementielle, et co-construire son avenir avec les start-up et les grands acteurs du secteur, ou d'ailleurs. Tour d'horizon avec Jeanne Choffé, Responsable de l'accélérateur.
French Event Booster
Plus d'événements, d'ambition, de partenariats externes et de souplesse : la feuille de route 2022 de French Event Booster s'annonce chargée

Quel est le rôle de French Event Booster ?

Jeanne Choffé – French Event Booster est un accélérateur pour plusieurs types d’acteurs : pour les start-up bien sûr, que nous aidons dans leur accès au marché événementiel, pour croître, créer des emplois et de la valeur pour l’utilisateur final. Mais nous sommes aussi partenaires innovation pour les professionnels, les leaders de l’industrie de l’événementiel, et potentiellement pour les corporate, grands comptes, institutionnels, dans le public ou le privé. C’est ce que l’on appelle du design d’innovation. Nous intervenons en interne, pour « désiloter », amener de l’agilité, faire des ateliers de co-création, mais aussi en externe, avec leurs clients, pour démêler des situations, des irritants. C’est la raison pour laquelle il ne faut pas réduire French Event Booster à un rôle d’incubateur, car nous sommes aussi porteurs de valeurs pour les professionnels, nous organisons des événements d’animation de filière. Et au-delà de ça, demain, nous aimerions aussi être un think & do tank pour la filière, avec une plateforme d’innovation beaucoup plus globale. Nous avons aussi un rôle de veille par rapport aux tendances du marché : nous recevons beaucoup de demandes en ce sens.

Travaillez-vous avec la French Tech, par exemple ?

Jeanne Choffé – Nous n’avions pas vraiment de lien jusqu’ici, mais nous avons désormais initié des rendez-vous avec la French Tech Paris pour créer davantage de ponts. Nous allons être plus en relation directe avec eux à l’avenir.

Vous considérez-vous comme une structure parisienne ou nationale ?

Jeanne Choffé – Nous avons été créés à Paris en 2018, dans le cadre d’un projet porté par VIParis, car il n’existait pas de structure d’accompagnement à l’innovation dans la filière, que ce soit à l’échelle nationale ou même européenne. Nous sommes en lien avec la Ville de Paris, et avec Paris&Co, l’agence d’économie et d’innovation de la ville. Nous avons donc un ancrage dans la métropole et en Ile-de-France. En revanche, le marché nous pousse vers l’extérieur : depuis deux ans, nous voyons postuler de plus en plus de start-up en régions, à Lyon, Marseille, Bordeaux, et même au niveau international francophone : au Canada, en Belgique, au Maghreb… Dans notre stratégie 2022 figure donc la volonté d’évangéliser notre modèle et notre méthodologie en régions. Nous avons par exemple initié un dialogue avec le Palais des congrès de Bordeaux, tout comme à Nantes, ou à Lille. Nous sommes aussi de plus en plus en lien avec d’autres structures comme la nôtre sur des segments de marché qui nous intéressent. Par exemple le MT Lab de Montréal, spécialisé dans l’univers du divertissement, et notamment sur tout ce qui concerne l’immersif. C’est une thématique qui nous intéresse beaucoup car les professionnels sont en demande sur ce sujet pour 2022.

French event boosterQuels seront vos grands axes de réflexion pour l’année à venir ?

Jeanne Choffé – Notre réflexion sera focalisée sur trois thématiques : l’immersif donc, avec tout le côté expérientiel, en lien avec les industries culturelles. Nous voulons prendre l’énergie de ce secteur et l’injecter dans l’événementiel. La deuxième thématique concernera l’hybridation, dont on a beaucoup parlé ces derniers temps, sans que l’on puisse en donner une définition claire qui fasse l’unanimité. C’est un sujet encore nébuleux, je trouve. Tout le monde veut en faire mais personne ne sait véritablement ce que c’est. On sait juste que le digital, la numérisation du parcours client, de l’expérience, de l’animation de communautés, de l’engagement, se fera aussi par le digital. Il s’agit donc d’étudier comment nous pouvons nous intégrer dans cette tendance de marché suite à la crise. Nous allons faire un booklet spécial hybridation. Le troisième axe concernera tout ce qui concerne le « hors événement », qui fait fondamentalement partie de l’événement. Il s’agit de tout ce qui relatif aux alentours de l’événement, comme l’accueil, l’arrivée sur parc, tout ce qui concerne aussi le voyage d’affaires, avec l’hébergement… Il faut réinventer l’expérience visiteur hors événement pour que celui-ci soit d’autant plus créateur de valeur. Etant acteur de la transformation de la filière sur du long terme, en matière d’impact et de durabilité, French Event Booster ne place pas la RSE comme une thématique spécifique : elle sera en filigrane sur l’ensemble des thématiques que je viens de décrire. C’est un prérequis sur l’ensemble des sujets que l’on aborde. D’ailleurs, dans nos critères de sélection des start-up, l’impact environnemental est bien sûr obligatoirement étudié. Ce n’était pas totalement le cas en 2018 pour être honnête…

Quid des start-up réunies au sein de French Event Booster, de leur viabilité, de leur profil ?

Jeanne Choffé – Cela représente une quarantaine de start-up depuis 2018, dont environ 45% ont décidé de rester chez nous au-delà d’un an. Leur taux de pérennité atteint 90%, il dépasse donc la moyenne nationale qui se situe à 80%, et ce dans une industrie en crise.

Les chiffres n’ont pas chuté avec la crise ?

Jeanne Choffé – Non, au contraire nous avons de plus en plus de demandes, notamment de la part de start-up qui initialement ne ciblaient pas l’événementiel, qui se positionnaient dans la culture, dans les médias, le sport, et qui viennent chez nous car elles se rendent compte qu’il y a beaucoup de choses à faire dans une industrie en crise. C’est là que l’innovation peut tirer son épingle du jeu. C’est aussi un axe de notre stratégie : prendre des solutions innovantes d’autres industries et les ramener chez nous. Je pense que les gens veulent sortir de l’entre-soi dans lequel s’est longtemps cantonné le secteur événementiel.

N’avez-vous donc pas perdu de start-up à cause de la crise ?

Jeanne Choffé – Une seule start-up a décidé de nous quitter. Les petites structures sont plus agiles, et nous les avons aussi accompagnées dans leur aide au financement. Nous n’avons jamais cessé de travailler pendant la crise. Et il y a eu beaucoup d’aides de l’Etat pour les start-up.

A l’inverse, certaines solutions ont-elles « profité » des nouveaux enjeux liés à ce contexte inédit ?

Jeanne Choffé – Oui, cela a été le cas pour certaines start-up. Par exemple une start-up positionnée sur la thématique du comptage des entrées et sorties, ou une autre spécialisée dans la captation en streaming, la création de studios… Leur croissance a considérablement accéléré avec la crise. Il y a donc quand même une part de positif dans les effets de rupture.

Votre évolution va-t-elle également concerner les start-up ?

Jeanne Choffé – Notre stratégie de sélection va évoluer. Jusqu’ici, c’était assez scolaire. Nous fonctionnions par promotions, une fois par an, avec une douzaine de start-up. Il n’y a plus vraiment de sens à fonctionner ainsi, dans la mesure où maintenant l’accès au marché événementiel doit se faire rapidement dans ce contexte de crise. C’est aussi là-dessus que French Event Booster a une valeur ajoutée par rapport à d’autres acteurs. Nous allons désormais recruter tous les quatre mois cinq start-up, toujours avec un principe de thématisation de chaque recrutement : plateforme d’intermédiation, file d’attente, réassurance… Des thématiques liées à la fois aux choix de nos partenaires au sein du board, mais aussi à ce qui remonte du marché. Nous essayons donc d’injecter davantage d’agilité à notre modèle pour coller au mieux au marché. En 2022, nous aurons aussi la volonté d’ouvrir notre board à d’autres partenaires, et d’offrir davantage de souplesse. Nous prodiguons désormais plus de conseil de façon « one shot », ponctuellement.

French Event Booster
L’espace du French Event Booster, Porte de Versailles, va progressivement accueillir de nouveaux formats d’événements pour animer la filière événementielle tout au long de l’année

L’organisation de la première FEBXperience en octobre dernier marque-t-elle aussi un virage sur le volet événementiel de French Event Booster ?

Jeanne Choffé – Nous sommes créateurs d’événements pour la filière, à travers des keynotes sectorielles, des événements d’inspiration, ou de networking comme cette FEBXperience. Il s’agit effectivement d’un nouveau format d’événements, pour animer notre lieu, refaire vivre notre écosystème physiquement. Avec la crise, nous ne sommes plus dans une logique compétitive mais partenariale. Nous avons conclu un partenariat avec l’Innovatoire, et tous les trois mois il y aura une start-up qui portera l’événement en termes d’immersif. Tout notre écosystème sera invité à venir networker dans une ambiance décontractée. Autre nouveauté : les Side Events. Nous sommes situés dans un parc, qui par définition accueille des événements. Nous allons capitaliser sur ces derniers, en créant des événements liés à leur thématique. Par exemple, nous venons d’organiser un Side Event Salon des maires autour de la thématique green tech. Et nous comptons récidiver sur d’autres événements. Par exemple, l’IFTM Top Resa pourrait être une excellente idée. Nous aimerions faire cela au moins une fois par mois, mais tout dépend de la pertinence de la thématique de l’événement.

Vous décriviez une hybridation « nébuleuse » : quelle en est votre définition ?

Jeanne Choffé – Si l’on en croit la définition que j’entends en conférence, l’hybridation consiste à entremêler un événement physique avec un dispositif digital, avec des publics éclatés. Il s’agit de créer une unité entre le digital et le physique et animer, engager ce public. Mais l’engagement de la communauté dans l’hybridation en est encore à ses balbutiements. Il me semble que sur une heure d’événement hybride, le temps de concentration moyen d’un participant en ligne n’atteint pas dix minutes… Il y a encore tant à faire, y compris de notre côté. Beaucoup d’acteurs se sont positionnés là-dessus. Nous essayons déjà de les catégoriser, de les hiérarchiser, d’identifier comment ils s’intègrent dans la chaine. Avec l’hybridation, il n’y a plus d’unité de temps dans l’événement, il faut animer une communauté toute l’année. Si l’hybridation consiste uniquement à digitaliser un événement, cela n’a pas de sens. Il faut arriver à trouver d’autres relais, connaître davantage le visitorat, faire des ponts entre les visiteurs. Et il n’y pour l’instant aucun modèle économique pour les acteurs. C’est aussi une marche importante à franchir.

Certains palais des congrès semblent avoir été déçus par leur expérience hybride. La tendance va-t-elle vraiment s’inscrire dans la durée ?

Jeanne Choffé – Je pense qu’il y a une pérennité dans l’hybridation, cela devient un prérequis, mais le modèle n’a pas encore été trouvé. Le métier des palais des congrès repose sur la rencontre physique. Ils mettent donc l’accent là dessus, et c’est normal. L’un ne peut se substituer à l’autre : il faut une complémentarité entre les deux. Il suffit d’observer l’évolution d’un site d’accueil comme VIParis, qui est l’un des leaders européens. VIParis était auparavant un loueur d’espace. Maintenant, il s’agit de diversifier les modèles économiques, et d’être apporteur de conseils pour les organisateurs. Le domaine de l’hybridation en fait partie. Cela doit partir d’un élan : les organisateurs ne peuvent pas le faire seul, les sites d’accueil doivent s’impliquer. La réflexion ne se porte pas aujourd’hui sur l’arrêt de l’hybridation. Au contraire : il s’agit de définir comment accompagner collectivement cette transformation. L’idée, demain, c’est que les deux formats s’entremêlent, et d’ailleurs qu’un participant sur site puisse se nourrisse également des éléments digitaux liés au salon. Tout dépend aussi beaucoup de la conjecture environnementale, économique, sociale… Si demain il y a à nouveau une problématique de confinement ou autre, le digital prendra la dessus. Mais la rencontre physique reste le moteur d’un événement, nous en restons persuadés.