
« Évidemment que j’ai de la nostalgie ! Tous ceux qui disent qu’ils n’ont pas la nostalgie des années 60 sont des menteurs ! Je me marrais beaucoup plus à 25 ans qu’à 78, ça c’est sûr ! Mon premier grand voyage, c’est à 16 ans que je l’ai fait. C’était avec mon père qui, comme je ne faisais rien à l’école, m’a emmené à Rome sur un tournage de Fellini, Les nuits de Cabiria, avec lui et Giulietta Massina dans les rôles principaux. C’était hallucinant ; le bruit, les lumières, la rencontre avec Fellini, tout… C’est à partir de là que tout s’est enchaîné. On m’a présenté Daniel Filipacchi qui avait un magazine de jazz et qui m’a demandé « tu veux partir en tournée avec Ella Fitzgerald ? » Et je me suis retrouvé, à 16 ans, au festival de Juan-les-Pins avec Ella Fitzgerald et Miles Davis.
Un peu plus tard, à 22 ans, ça a été l’aventure Salut les Copains où je n’avais aucune limite, ni dans les moyens, ni dans l’imagination. J’ai fait le tour du monde je ne sais combien de fois, j’emmenais les artistes en Amérique, en Inde, au Maroc ou au Danemark… C’est comme ça que j’ai rencontré les Beatles, les Rolling Stones, James Brown et tous les autres dans une vraie folie. C’était vraiment une autre époque. J’ai carrément connu les Super Constellation, avec les hôtesses qui vous accueillent en bas de la passerelle. Ou bien encore des vols avec moi tout seul comme passager et huit hôtesses à ma disposition. Maintenant, c’est sûr, les avions sont confortables, mais à condition de voyager en business. Parce qu’en fond de cabine, c’est pas la même musique. Et c’est pareil pour les aéroports : trop de monde, trop de foule, trop de fouilles…
Je n’ai jamais voyagé pour faire du tourisme. Je voyage pour travailler, c’est ça qui m’amuse.
Je connais bien les Etats-Unis. J’y ai même vécu pendant 10 ans, entre Los Angeles et New York, à faire des films de publicité. Mais il y a plein de pays où je n’ai rien vu. L’Inde par exemple, avec Jacques Dutronc : j’ai rien vu de l’Inde, je n’ai vu que Dutronc. Extraordinaire ! Cet homme est complètement fou. C’est bien simple, il arrive quelque part et deux heures plus tard, c’est tout le lieu qui est devenu dingue. De même, la tournée des Rolling Stones en 1969 à sillonner les États-Unis dans leur avion privé, avec un Keith Richards n’ayant jamais la moindre idée du lieu où il se trouvait.
Je n’ai jamais voyagé pour faire du tourisme. Je voyage pour travailler, c’est ça qui m’amuse. Je crois qu’on ne connaît vraiment un pays que lorsqu’on y travaille ; pas quand on le visite en photographiant tout et n’importe quoi en oubliant de le regarder. Moi, c’était différent, je ne faisais que des photos mises en scène. Le reste du temps, je le passais avec les artistes, je vivais leur quotidien pour mieux les comprendre et donc mieux travailler.
J’ai horreur du grand luxe. Pour moi, le luxe, c’est tout, sauf les restaurants où on te sert une espèce de Mondrian avec deux poireaux et trois traits de vinaigre en te souhaitant bonne continuation. Pareil pour les hôtels ; pas de palace, surtout pas de palace, avec des gens qui te portent tes valises dès lors que tu as trois mètres à faire. Ça me rend fou. Je préfère de loin les endroits reculés, des lieux qu’on ne trouve qu’avec le guide du Routard. J’adore le Guide du Routard. Même si je suis un peu gêné par le mot. Routard ! C’est pas tout à fait mon truc. »