Le projet a mis du temps à vraiment émerger des vastes plaines des districts de Machakos et Makueni, à 70 km au sud-est de Nairobi. Et pourtant, la première phase de ce vaste ensemble futuriste est aujourd’hui bien avancée. Plus de sept ans après son lancement par le gouvernement kenyan – qui avait annoncé une participation de plus de 780 millions de dollars à son financement mais ne l’a concrétisée qu’en 2013 -, Konza Technopolis commence à naître : un ensemble créé pour une nouvelle génération d’entreprises de haute technologie, de centres de données, de call centers, d’industrie d’assemblement, mais aussi un vaste pôle éducatif axé sur la recherche, un parc scientifique, des hôpitaux, des hôtels internationaux, un centre de convention et une zone résidentielle.
Certes, le projet pharaonique de 14,5 milliards de dollars n’a pas réussi à être finalisé l’an dernier, date butoir où il avait été estimé que plus de 200 000 personnes travailleraient et vivraient sur le site. Plusieurs obstacles administratifs ainsi que l’épidémie de Covid sont passés par là, retardant sensiblement le gigantesque chantier. Sans compter les réticences au Kenya même : difficile politiquement de faire accepter un méga projet futuriste quand Nairobi abrite aussi Kibera, le plus grand bidonville d’Afrique, dépourvu des infrastructures de base.
Il faut dire que la promesse de Konza apparait très ambitieuse : il s’agit d’une véritable smart city qui entend utiliser la technologie pour une gestion efficace de l’eau et de l’électricité, tout en réduisant fortement le temps de trajet des employés des entreprises locales, démultipliés en raison du développement souvent désordonné des infrastructures dans les villes africaines, Nairobi n’y faisant pas exception. La Banque mondiale estime que 40 % de la population africaine vit déjà dans les agglomérations urbaines et que ce chiffre devrait doubler dans les prochaines vingt-cinq années.
Konza vs Eko City, Nairobi vs Lagos
Konza serait donc la réponse à l’Eko City de Lagos en Afrique de l’Ouest, autre gigantesque projet de smart city sur des terres réclamées à la mer sur la côte de la grande agglomération du Nigéria. D’autres projets ambitieux de smart cities sont actuellement en cours au Ghana, au Rwanda et en Ethiopie, ce qui nourrit une certaine concurrence entre les métropoles africaines.
Cela n’empêche pas les financements de suivre beaucoup plus lentement. Le gouvernement kenyan ne s’est engagé à financer le projet qu’à hauteur de 10 % et le manque d’infrastructures routières et ferroviaires pour relier Konza à Nairobi a laissé le secteur privé dubitatif pendant plusieurs années.
Progressivement, les circonstances ont changé : un contrat de 390 millions de dollars a été conclu avec une entreprise italienne pour assurer les travaux d’infrastructures routières et d’énergie. L’expansion de l’autoroute entre Nairobi et Mombasa ainsi qu’un projet ferroviaire, le Standard Gauge Railway (SGR), ont rassuré les investisseurs. D’autant qu’au fil des années, Konza s’est trouvé plus proche de villes satellites de Nairobi telles Athi River et Kitengela, cette dernière étant en train de devenir un hub de fermes spécialisées dans l’horticulture, un point fort des exportations du pays.
Résultat : en juillet, l’Autorité du Développement de la technopole de Konza a invité les investisseurs à acquérir 150 lots situés sur les 165 hectares de la première phase du projet. En décembre dernier, plus de 40 % avaient trouvé preneurs. Parmi les acheteurs : des hôpitaux, des développeurs immobiliers, des institutions d’éducation supérieure et plusieurs groupes de premier plan, comme l’Autorité nationale de la Construction et la Compagnie nationale de transmission d’électricité. Plus de 10 hectares seront réservés à des immeubles résidentiels.
Le gouvernement kenyan, qui présente la Silicon africaine comme une zone économique spéciale, recherche particulièrement des investissements dans les domaines de l’industrie légère et de la logistique, de l’agriculture intelligente, des services pharmaceutiques, l’éducation, ainsi que de l’industrie hôtelière. A l’heure actuelle, plus de 1 000 ouvriers sont à pied d’œuvre sur le site pour assurer le développement de l’infrastructure horizontale qui doit être finalisée à la fin de l’année. A terme, le projet veut accueillir jusqu’à 230 000 personnes, en générant 17 000 emplois directes et 68 000 emplois indirects.