
« J’ai presque fait le tour du monde pour aller voir des collections, des expositions ou rencontrer les grands décideurs des musées. De plus, le musée Jacquemart-André qui dépend de l’Institut de France et gère avec générosité les legs et fondations dont il est dépositaire, répond souvent par l’affirmative à la demande de prêts des conservateurs étrangers. Donc, dans ce cas, ma mission est de surveiller le déplacement d’une oeuvre. Par exemple, je me suis dernièrement rendu à Washington pour accompagner un tableau considéré comme appartenant à l’école de Canaletto, et qui, d’après les spécialistes, serait du maître lui-même. Dernièrement, j’ai accompagné à Madrid une autre toile destinée à la grande rétrospective Chardin au Prado. Et je vais toujours les rechercher, car il faut impérativement que les oeuvres voyagent, à l’aller comme au retour, avec le même oeil ; pour bien les reconnaître.
Quand je me déplace avec ces peintures, c’est généralement en avion, incognito, sur des vols réguliers. La toile est enfermée en soute dans une caisse atmosphérique parant aux risques d’explosion. Comme j’enseigne à l’école du Louvre, je voyage aussi avec mes étudiants – soit en train, soit par avion, selon la distance – pour leur montrer la peinture italienne du XVe siècle, ma spécialité. Avec ma famille, tous les ans, nous organisons un circuit culturel, comme “ en juin prochain où nous nous rendrons à Budapest, qui est, pour moi, l’une des rares villes occidentales où l’on peut admirer des façades mélangeant les styles Art nouveau et Art déco.
Tous ces voyages regorgent d’anecdotes inattendues. Comme, par exemple, lorsque je suis parti en camion banalisé avec un tableau pour le musée Fesch d’Ajaccio où je devais en récupérer un autre.Arrivé au port de Marseille, il y avait une grève des dockers. J’ai donc décidé de me rendre à Toulon et de prendre un autre ferry, parce qu’avec une oeuvre d’art, on ne peut pas prendre le risque d’attendre. Et moi qui voulais profiter un peu de la Corse… J’ai été obligé d’échanger les toiles au plus vite et de repartir immédiatement par le même ferry.
Une autre fois, j’étais à New York pour ramener une oeuvre en avion-cargo. Quatre heures avant notre départ, il y a eu un orage dantesque, comme cela arrive parfois sur cette côte de l’Atlantique. Du coup, l’aéroport JFK était complètement perturbé, et il y avait au moins une vingtaine d’avions en attente sur la piste de décollage. Le pilote, qui savait très bien ce qu’il transportait, a commencé à s’impatienter. Finalement, il a grillé tout le monde en empruntant une bretelle et s’est envolé séance tenante. J’étais un peu stupéfait de son audace, et, au fond, ravi que le commandant soit le seul maître à bord ! ”
Propos recueillis par Jean-Émmanuel Richomme
Cinq dates
1981 Naissance de notre fille Cécile après des générations de garçons.
1993 Mon arrivée au musée Jacquemart-André.
1994 Naissance de notre quatrième enfant, Valentin.
2003 L’achat de ma grange dans l’Aveyron.
2007 L’exposition Philippe de Champaigne au musée des Beaux- Arts de Lille.
“Dans l’intimité des frères Caillebotte, peintre et photographe”.
Jusqu’au 11 juillet. Avec ses salons dotés de collections remarquables, ce musée est un lieu unique pour des réceptions.
Visites privilège, cocktails, dîners de prestige, cérémonies… (Tél. : 01 45 62 16 40).
Musée Jacquemart-André. 158, bd Haussmann, 75008 Paris.
Tél. : 01 45 62 11 59.
Internet : www.musee-jacquemart-andre.com