Olivier Py : Sur la scène du monde

Directeur du festival de théâtre d’Avignon, Olivier Py a parcouru le monde entre voyages personnels et professionnels. Pour cette 70e édition, il donne la parole à la politique, à la jeunesse, aux femmes, à l’Europe et au Moyen-Orient.
Olivier Py

« Avec mes parents, nous n’allions jamais très loin, mais mon premier souvenir, c’est en 1978, quand nous sommes partis à Barcelone. Ce premier déplacement m’a donné le goût du voyage. Après, dès mes dix-huit ans, je suis parti, sac au dos, et je suis devenu voyageur professionnel. Pendant des années, vingt ans presque, je n’avais pas de maison. Je vivais ici et là, je faisais du couchsurfing comme on dit aujourd’hui, je dormais partout où l’on voulait m’accueillir. À l’époque, partir en Irlande était une aventure. J’avais très peu d’argent. Alors, pour arriver aux îles d’Aran, c’était un mélange de stop et de ferry et j’ai mis presque une semaine. Je suis allé également aux États-Unis, où j’ai beaucoup circulé entre New York, San Francisco et Los Angeles. J’avais demandé à mes parents de m’envoyer là-bas en voyage d’études. Mon leitmotiv était partir, partir, partir…

Être un étranger dans une ville, c’est une volupté.

J’ai aimé voyager seul. J’ai fait beaucoup de rencontres, surtout entre 20 et 25 ans. J’étais comme un marin avec un amour dans chaque port, c’était une chance incroyable. Je partais insouciant, je rencontrais quelqu’un, je vivais quelque chose et je repartais. J’ai dormi dans des monastères italiens, dans des cabanes de pêcheurs, et même sous les ponts… Ensuite, j’ai découvert l’Europe, l’Afrique un peu, l’Amérique Latine et j’ai eu un coup de foudre pour le Moyen-Orient. Il y a quelques villes où j’ai eu envie de résider et Damas en a fait partie. Puis il y a eu la Jordanie, les Territoires palestiniens où j’ai eu la chance de rencontrer le poète Mahmoud Darwich. Plus tard, je suis passé en Europe de l’Est, de l’autre côté du rideau de fer. Quelle découverte ! Les plus jeunes ne peuvent pas comprendre ce que c’était d’aller jouer en Hongrie, en Bulgarie ou en Russie. On changeait véritablement de monde. Puis le Mur est tombé, l’atmosphère restait étrange à Moscou, mais nous étions accueillis à bras ouverts.

Ce qui m’a beaucoup marqué, c’est Sarajevo pendant la guerre, au début des années 1990. C’était une expérience tout à fait nouvelle pour moi, le tourisme dans un pays en guerre. J’avais une volonté folle de rejoindre Sarajevo, j’y suis allé avec une association pour être en contact avec la situation. Je crois que c’était sans voyeurisme, c’était une irrépressible volonté de solidarité. J’ai aussi été très ému quand je suis retourné en Algérie d’où sont originaires mes parents. Retrouver leurs traces, la maison de ma grand-mère, c’était bouleversant. C’est devenu un voyage intérieur, initiatique. Le voyage, c’est aussi monter une pièce ou un opéra et il y a des localités qui sont devenues des villes de coeur comme Genève où j’ai eu une sorte de double vie. Je travaillais beaucoup au Grand Théâtre, créant des amitiés très fortes, parfois passionnelles. Il y a eu encore Munich, Cologne ou Berlin, où la collaboration avec le directeur de la Volksbühne Frank Castorf fut un grand moment. J’ai une passion pour la culture allemande qui n’était pas tout à fait dans mes gènes au départ.

Je parle souvent de voyages lointains, mais les tout premiers ont été en France. C’est un pays béni avec sa grande concentration de diversités. Et je le dis et le redis, je suis un véritable enfant de la décentralisation, je suis parti sur les routes et j’ai joué avec mes camarades un peu partout. Reste qu’il me reste quelque chose de profond à réaliser c’est de découvrir le pôle Sud, aller à Ushuaia et, de là, naviguer jusqu’à ce point ultime… »

SES DATES CLÉS
1965 : Naissance à Mouans-Sartoux.
1987 : Entrée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique.
1988 : Première pièce : Des Oranges et des Ongles.
1998 : Directeur du Centre dramatique national d’Orléans.
2007 : Directeur de l’Odéon-Théâtre de l’Europe.
2013 : Directeur du Festival d’Avignon.
 

Festival d’Avignon, du 6 au 24 juillet. Avec notamment Les damnés, pièce adaptée du film de Visconti, mis en scène par Ivo Van Hove avec la troupe de la Comédie Française. Et Prométhée enchaîné d’Eschyle, mis en scène par Olivier Py.
www.festival-avignon.com