Philippe Labro : l’aventure avec un grand A

Il est l’un de ceux qui a fait découvrir aux Français l’Amérique triomphante des années 1960. L’école de Philippe Labro – grand reporter, romancier, cinéaste, parolier de Johnny Hallyday, patron de RTL – fut d’abord celle du voyage en auto-stop.
Philippe Labro

« La curiosité m’a conduit très jeune à voyager seul. Auparavant, durant l’Occupation, puis l’Après-guerre, nous habitions Montauban dans le Tarnet- Garonne. Nos déplacements restaient limités aux environs, le merveilleux Bas-Quercy qu’on découvrait en Peugeot, une “familiale”, car nous étions quatre frères ; un gros cocon conduit précautionneusement par mon père, ma mère à ses côtés.

Puis ma passion pour le journalisme a provoqué un premier séjour à l’étranger. À 15 ans, j’ai obtenu une bourse de la fondation Zellidja pour un voyage d’études que je souhaitais consacrer à la presse britannique. Cette bourse, qui existe toujours, n’est pas richement dotée ; ce qui est très intelligent, car elle invite à la débrouille. J’ai donc voyagé en stop pour rencontrer des éditeurs à Londres, Manchester, Glasgow ou Dublin. L’auto-stop, pratique on ne peut plus enrichissante, fut longtemps mon unique façon de voyager.

J’ai couvert l’assassinat de John Kennedy, mais ne connais rien de Dallas, sinon son commissariat de police.

Trois ans plus tard, en 1954, j’ai la chance d’obtenir une autre bourse, pour étudier aux États-Unis cette fois. Et là, c’est le grand voyage, la traversée de l’Atlantique sur le Queen Mary, une symphonie : la mer, l’inconnu, des rencontres et l’arrivée à 4h du matin dans la rade de New York… La stupéfaction face aux gratte-ciel ! J’arrive deux mois avant la rentrée universitaire afin de me rendre à Hollywood pour une étude sur le cinéma américain. Mon premier contact avec l’Amérique débute par la diagonale New York- Los Angeles, puis un retour vers ma fac en Virginie, le tout en auto-stop. Ce périple a orienté ma vie.

J’ai fêté mes 18 ans sur la route et c’est dans les voitures et les camions que j’ai commencé à connaître ce pays. Les Américains se racontent rapidement. Ainsi, lorsque vous montez dans un véhicule, c’est chaque fois un personnage qui se dévoile, la vie d’une famille qui se dessine. Pour un jeune Français ne maîtrisant pas la langue, ce fut une école extraordinaire. On ne peut pas passer 8h dans la cabine d’un poids lourd sans converser ; alors les argots, les accents, tout s’apprend rapidement pour écouter et comprendre qui sont ces hommes et ces femmes avec qui vous partagez un long moment et avec lesquels vous n’avez aucune référence commune.

J’ai été formidablement accueilli et souvent hébergé, ce fut un coup de foudre. J’ai aussi dormi dans des fossés et me suis retrouvé à lever le pouce lors d’une tornade en Oklahoma : l’aventure avec un grand A ! Lorsque je suis rentré à Paris, j’avais 20 ans et étais parfaitement bilingue, une rareté à l’époque. Très naturellement, les rédactions ont mis à profit cette expérience, ce qui m’a peu à peu spécialisé sur les États-Unis. Pour France-Soir, puis plus tard Cinq colonnes à la Une, j’ai dû faire une centaine d’aller-retour entre Paris et New York, Los Angeles ou Chicago.

Une manie prise dans cette période ne m’a jamais quitté : l’obsession d’être en retard. Lorsque nous voyageons en famille, je mens sciemment sur l’heure du départ en l’avançant de deux heures. Je sais que ça horripile tout le monde, mais c’est maladif ! Aujourd’hui, je préfère le train à l’avion pour le confort, la parenthèse, l’inspiration qu’il procure encore. Mais je place le bateau au-dessus de tout : non pas le paquebot, ni le yacht de milliardaire, mais un joli voilier de quelques cabines. L’espace, le souffle du vent, les clapotis… La mer, c’est le voyage. »

SES DATES CLÉS

1954-1956
Voyage et études aux États-Unis.
1959
Grand reporter à France-Soir.
1985 à 2000
Directeur des programme de RTL, puis vice-président de la station.
2003
Parution chez Albin Michel de Tomber sept fois, se relever huit, récit relatant sa dépression.
2005
Lance la chaîne Direct 8, aujourd’hui C8, avec Vincent Bolloré.

SON ACTU

Langue de bois s’abstenir, C8, les mercredi à 0h30.
L’humeur de Philippe Labro, I Télé, les lundi à 11h40.
La semaine de Philippe Labro, Direct Matin tous les vendredis.