Stéphanie et Cyril de Ricou: voyages bohèmes et décors historiques

La fresque du Lutetia remise à jour à Paris, la Venitian Room à New York, deux salons au château de Versailles… Et des villas de milliardaires, des hôtels particuliers, des ambassades… Stéphanie et Cyril de Ricou, de l’Atelier de Ricou, exercent leur talent de restaurateurs et créateurs de décors partout dans le monde. Ils vivent et voyagent en artistes, avec un talent immense et beaucoup de modestie.
Stéphanie-et-Cyril-de-Ricou

Propos recueillis par Serge Barret.

Stéphanie de Ricou : C’était un endroit fantomatique, à moitié endormi, qui donnait l’impression de se trouver dans le film La Belle et la Bête. C’était à Ghanerao, entre Jodhpur et Udaipur, dans un palais de maharajah avec un somptueux cabinet de miroirs gardé dans son état du XVIIIe. Le tout – ce qui ajoute encore à l’ambiance – occupé par des tourterelles roucoulantes. C’est sans doute l’un des voyages qui m’a le plus marquée. Ca me déprimerait d’être dans un hôtel de chaîne, le même à Delhi qu’à New York. Le luxe, pour moi, c’est la poésie, l’authenticité. J’ai aussi dans mes souvenirs, et dans un tout autre genre, un voyage à Athènes avec, la nuit, des montées jusqu’à l’Acropole. Et Rome bien sûr.

Cyril de Ricou : Moi aussi, mon voyage le plus marquant, c’est l’Inde. On traverse des villages à peine électrifiés, on loge dans des palaces décrépits. Des bâtisses du style du Pera Palace, à Istanbul, avant qu’il ne soit refait. Dans tous les cas, notre premier critère de choix, c’est la proximité. Notre hôtel doit être le plus près possible de notre chantier.

Stéphanie de R : Oui, mais déglingué ! C’est mieux. J’aime les villes sales, bruyantes. J’aime Naples, Istanbul ou Jaipur. Je n’ai, par exemple, pas une passion pour les quartiers résidentiels de Londres. Nos voyages, c’est presque de la sociologie.

Cyril de R : On a toujours voyagé comme ça, on a commencé nos chantiers à l’étranger très jeunes. L’un des premiers, c’était à l’ambassade de France, à Vienne. J’avais 24 ans et Stéphanie à peine 20. C’était l’un de nos premiers voyages professionnels.

Stéphanie de R : On travaillait alors sur le ciel d’un salon de musique. Puis on est allé à Prague, le vieux Prague, pour un décor plutôt baroque cette fois. Nous ne sommes pas toujours ensemble, mais assez souvent tout de même. Nous allons et venons entre les chantiers et notre atelier de Courbevoie. Nous ne restons sur place qu’une quinzaine de jours. On définit les protocoles et on laisse ensuite l’équipe faire au long cours. Nous, on fait les allers-retours.

Cyril de R : Là, par exemple, on vient de travailler coup sur coup sur deux chantiers à New York et mon dernier séjour n’a duré que 28 h.

Stéphanie de R : Et le chantier à Los Angeles ! ça alors, c’était extraordinaire. On était logé dans l’ancienne pool house de la maison, au fond de l’un des immenses domaines de Beverly Hills. C’est très sympa d’habiter Los Angeles au fond d’un jardin des années 20, avec des bancs en pierre et des statues, et d’y être seuls. Parce qu’on est le plus souvent seuls dans les propriétés sur lesquelles on travaille. C’était magique. Ça, et connaître Los Angeles, avec toutes ces populations, leur mode de vie.

Cyril de R : On déambule dans la nuit pour découvrir un peu plus de la cité. Pour le reste, on rencontre des gens qui travaillent, des artisans, on va dans des magasins qui ne sont pas pour touristes, on fait nos courses. Bref, on est dans la vraie vie et on adore ça.

Stéphanie de R : C’est pour cela aussi que j’aime le train. C’est intemporel. Pareil pour les bateaux, les ferries ; et les avions donc. On a eu comme ça des expériences improbables, des voyages dans les jets privés de nos clients. Champagne, foie gras, Le Bourget à un quart d’heure de chez nous et limousine sur le tarmac… On s’y fait très bien, aux jets privés. Mais alors, pour le retour, c’est carrément grandeur et décadence, puisqu’on revient généralement en classe éco pour ne pas grever le budget. Sincèrement, je trouve que c’est une belle leçon d’humilité.

LEURS DATES CLÉS

  • 1963 – 1968 : Naissance respective de Cyril et de Stéphanie.
  • 1989  : Mariage et démarrage des chantiers communs.
  • 2001 : La Fiorentina, décor de leur première maison de milliardaire à Saint-Jean-Cap-Ferrat et création de l’Atelier de Ricou.
  • 2008 : L’achat de la maison du sculpteur Jean Baptiste Boiston, classée Monument Historique, dans la banlieue de Paris.
  • 2018 : Chantiers du Lutetia, de la Venitian room à New York, deux salons au château de Versailles, un hôtel particulier à Montpellier et, depuis septembre dernier, l’Hôtel de la Marine sur la place de la Concorde.