Quartiers : de CBD à Chinatown

Situé en périphérie du fameux “Central Business District”, le quartier chinois offre le charme du bien vivre et du bien travailler. Une précieuse respiration dans le rythme prestissimo des journées singapouriennes.
Singapour, Central Business District
Grandeur et opulence du CBD, charme de l’ancien à Chinatown : le temps d’un déjeuner ou d’un dîner, les époques se rejoignent. © Ludovic Maisant

Sortir du Singapore MRT à la station Raffles Place est, à toute heure du jour, une expérience quasi anthropo­logique. Malgré la chaleur écrasante, les femmes arborent tailleurs, talons vertigineux et maquillage parfait. Quant aux hommes, ils ne remonteraient pour rien au monde les manches de leurs chemises impeccablement blanches. Il ne faudrait pourtant pas croire que la vie soit monotone au sein des presque cent gratte-ciel du Central Business District (CBD), officiellement recensés comme “office buildings”. Travailler dans les 43 étages de l’Ocean Financial Centre ou à l’United Overseas Bank Plaza One et ses 67 étages ne signifie pas que l’on soit seulement suspendu dans l’air conditionné.

Jaelle Ang et Yian Huang, qui ont choisi la tour One George Street pour ouvrir, il y a tout juste un an, le somptueux espace de coworking The Great Room en savent quelque chose. Cet espace de bureaux a l’esprit d’un hôtel cinq étoiles, très classe et très années 50, avec un personnel extrêmement attentif, veillant au bien-être des membres qui évoluent entre canapés en cuir et tables basses en marbre. Entre autres avantages, il offre celui d’être situé à la limite de Chinatown. D’ailleurs, à travers les immenses baies vitrées, on admire les jolis toits et les façades colorées de ce charmant quartier. Car, à la lisière de cette forêt de gratte-ciel effervescente qu’est CBD, une autre ville existe. Une ville qui décélère.

Il a fallu plusieurs années pour que le quartier de Chinatown, un peu à l’abandon, retrouve peu à peu son panache d’antan. Tout a commencé avec André, un jeune chef talentueux qui, en 2010, a ouvert son restaurant dans une petite maison du quartier chinois, à l’époque encore un peu dédaigné. Cela montrait déjà l’audace de celui qui avait fait ses premiers pas dans les cuisines de France, auprès des frères Pourcel et de Pierre Gagnaire. On l’imagine, son petit bijou d’établissement – c’est André en personne qui, maniant aussi bien le tour du potier que les marmites, fabrique sa propre vaisselle – a vite attiré les regards vers Chinatown. Et encore plus l’an dernier, lorsque le jeune génie a décroché deux étoiles au guide Michelin, qui venait de lancer sa première édition singapourienne.

Bistrot gastronomique contemporain comme Populus ou vrai restaurant étoilé à l’image d’André : Chinatown fourmille de bonnes adresses, petites ou grandes.

Hautes comme trois pommes

Alors voilà, Chinatown a le vent en poupe et séduit, certes les bobos, mais aussi les femmes et hommes d’affaires qui, à la pause déjeuner ou mieux encore le soir venu, une fois franchie la grande artère symbolique qu’est Neil Road, remontent enfin leurs manches ou se glissent dans une bonne paire de tongs. Là, c’est une autre atmosphère : celle des cafés, des boutiques animées et des rues pleines de sérénité. Il faut dire que les maisons hautes comme trois pommes où s’égrainaient autrefois les échoppes, bigarrées, de style colonial pour certaines, Art Déco pour d’autres, agrémentées d’arcades qui protègent du soleil ou des pluies torrentielles, ont un cachet fou.
Quand on sait qu’entre 2005 et 2015, le nombre d’employés du CBD est passé de 240 000 à presque 400 000, on conçoit que ceux-ci viennent chercher à Chinatown le calme et l’originalité. Pour cela, il y a Cure, un restaurant sur le principe du bistrot parisien Chateaubriand, où l’on ne choisit pas ses plats, ou encore Populus, un café à l’ambiance hipster où l’on grignote quinoa, légumes bio et avocats dans de grands bols en céramique.
Sélects ou sur le pouce, les adresses de Chinatown sont toujours originales, séduisantes, et on pourrait en citer bien d’autres comme cela à l’image de Lokal, un espace bistronomique et germanique rattaché à l’institut Goethe, ou encore Mad about Sucre, une sorte de bijouterie-pâtisserie où les créations sucrées – en français dans le texte – sont servies aussi bien avant qu’après des plats bien de chez nous.

Singapour, Mad about sucre
Formée aux techniques de cuisine française et inspirée par le sens british du design, Lena Chan réalise des créations à se damner. Tout est dit dans le nom de son restaurant : Mad about Sucre.

Parmi les bonnes adresses de Chinatown, il faut aussi saluer la présence d’un charmant boutique hôtel, le Naumi Liora, né de la réunion de dix anciennes maisons d’un bel orange vif. Couleur qui tranche avec celle, immaculée, d’un magnifique bâtiment aux allures de théâtre antique et qui accueille un autre espace de travail partagé, The Working Capitol, celui-là un peu plus créatif que corporate.
Parions, sans beaucoup s’engager, que les travailleurs indépendants fréquentant cet espace auraient tendance, eux, à retraverser Neal Road en sens inverse pour aller prendre, le soir venu, leur Tiger Beer bien fraîche au One Altitude, un bar au sommet d’une tour de 282 mètres. Ouvert à tous les vents, ce qui est délicieux dans une ville aussi chaude, le One Altitude est “the” place d’où admirer toutes les beautés d’une ville au riche passé, mais résolument tournée vers le futur.

Singapour Naumi Liora
Très contemporain dans ses intérieurs, l’hôtel Naumi Liora est hébergé dans un ensemble d’échoppes datant des années 20.