Train avion: vers une totale dématérialisation

Dans le jargon des professionnels où l’anglais et ses raccourcis prévalent, on parle désormais d’e-ticket, voire carrément d’E.T. Demain, sans aucun doute, le terme de ticketless, autrement dit “sans ticket”, sera encore plus répandu.

En attendant, depuis octobre 2005, le billet électronique de la SNCF est disponible dans les agences de voyages. Par conséquent, les voyageurs d’affaires achetant leurs billets par l’intermédiaire de l’agence de voyages sous contrat qui traite avec leur entreprise, peuvent retirer les tickets en question dans les gares, sur les bornes en libre service.

Pour les collaborateurs en charge des déplacements professionnels, cette formule présente plusieurs avantages. L’achat d’un titre de transport est possible jusqu’au dernier moment en agence de voyages, sans contraintes d’anticipation liées à la livraison du billet. De plus, les échanges sont facilités, car ils peuvent s’effectuer par téléphone. Plus besoin de délivrer un billet papier. Sur le plan financier, l’entreprise évite les frais de livraison facturés par l’agence. Souplesse, gain de temps et économies…

Dans la pratique, pour obtenir un billet électronique, le client doit utiliser une carte servant d’identifiant ; comme la carte Grand Voyageur ou bien une simple carte bancaire. Le voyageur ou l’un de ses collaborateurs se contenteront d’indiquer le numéro de la carte à l’agence, lors de la réservation. Ensuite, il retirera son titre de transport à l’aide de cette même carte sur une borne en libre service, juste avant le départ. Comme cette opération prend moins d’une minute, elle permet d’arriver au dernier moment à la gare.

Le billet électronique est disponible en priorité sur les axes empruntés par ces clients nomades. Mais la SNCF a bien d’autres projets dans ses cartons. Dès cet été, elle testera un abonnement forfaitaire plus souple pour les voyageurs quotidiens de la liaison Paris-Reims. Par ailleurs, ses pistes de réflexion portent, tout au moins pour ce qui concerne les habitués, sur la possibilité de retrouver les données figurant sur le billet papier directement sur un téléphone portable. Une manière de développer le ticketless, déjà mis en place par sa filiale Thalys pour les porteurs de la carte Cybelys.

Thalys en pointe avec Cybelys

Depuis juillet 2004, les habitués de Thalys peuvent voyager sans aucun ticket, grâce à une carte à puce nominative servant d’identifiant. Achetant en ligne ou via un call center, ils n’ont jamais de titre de transport en main. “Cette solution de dématérialisation s’avère particulièrement poussée, car le contrôleur possède les “ticketless” par téléchargement sur un poste servant au contrôle”, explique Éric Breuil, manager des systèmes de distribution.

Cette réservation en ligne ne permet pas pour autant de choisir sa place. Pour Thalys, comme partout en France sur le réseau TGV, la réservation est obligatoire. Par conséquent, la place définitive est attribuée dès la vente. Cela étant, le ticketless évite la perte du billet papier. Et comme pour d’autres prestations de la SNCF, les échanges à distance sont possibles par téléphone ou Internet. À quoi s’ajoute l’accès à des services individualisés associés au voyage : rappel de la place dans le train par SMS, envoi de SMS en cas de perturbation du trafic…

L’e-ticket peut également prendre la forme d’un billet imprimé. Dans ce cas, le voyageur achète son titre via Internet, puis l’imprime sur du papier ordinaire. Pour ces tarifs souvent promotionnels, il est parfois encore possible, avant l’impression, d’annuler son billet.

Malgré cette révolution technologique, la part du ticketless Thalys et des billets imprimés ne représente encore que respectivement 3 % et 2 % de l’ensemble des ventes. Ces scores ferroviaires s’expliquent par l’absence de GDS (global distribution systems) ou systèmes de réservation centralisés, type Amadeus. “Bien qu’il n’existe pas d’objectif pour passer totalement en ticketless, on peut penser que les initiatives transeuropéennes, comme Railteam visant notamment à faciliter la vente des trains à grande vitesse européens, vont accélérer la percée des solutions de dématérialisation”, prévoit Éric Breuil.

Un billet à piste magnétique chez Eurostar

Disponible à la réservation, en France, via le canal des agences de voyages, le billet électronique permet aux clients d’Eurostar de retirer leur titre de transport au dernier moment, avant l’embarquement. Autre avantage de cette flexibilité : échanger facilement, en France, un billet pour le trajet aller avant le départ, et en Angleterre pour le trajet du retour. Par conséquent, tout billet électronique peut être modifié jusqu’au moment de l’impression sur les bornes. Et un billet imprimé à Paris peut être échangé à Londres. Depuis la fin avril 2007, les clients peuvent sélectionner, sur les bornes Eurostar uniquement, les trajets souhaités sans retirer la totalité des trajets figurant dans le dossier voyage. Ainsi, ce retrait du billet à la dernière minute permet aux clients de limiter les risques de perte et d’oubli de billets.

“À moyen terme, notre système de distribution évoluera en passant du billet à piste magnétique à un billet à code-barres”, prévoit-on chez Eurostar. Il est également question de proposer une solution de mobile ticketing, afin que les voyageurs puissent obtenir leur dossier voyage directement par SMS sur leur téléphone mobile

Transporteurs aériens en avance

Dans les compagnies aériennes, l’envol de l’e-ticket est plus avancé. Ne serait-ce que parce que IATA (Association internationale des transporteurs aériens), qui rassemble plus de 260 membres et représente 94 % du trafic mondial, exige que l’e-ticket remplace définitivement le billet papier, d’ici à la fin 2007. Un challenge à gagner pour compresser les frais. “Alors que le traitement d’un billet papier coûte 10 dollars, celui de l’e-ticket ne dépasse pas un dollar”, indique-t-on chez IATA. Cette énorme différence permettrait d’économiser 3 milliards de dollars par an. De plus, elle supprimerait la circulation de quelque 315 millions de billets traditionnels en papier par an.

En décembre dernier, le billet d’avion électronique représentait déjà 73,9 % des transactions aériennes dans le monde. Sur le continent américain, ce score atteignait un peu plus de 90 %, contre près de 80 % en Europe et seulement 22 % dans les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. En Russie et dans les anciennes républiques soviétiques, la proportion d’e-tickets tournait autour de 10 %. Depuis peu, cette pratique s’est légalisée en Russie. Malgré cela, IATA estime qu’à l’aube de l’année 2008, le billet traditionnel en papier aura tout simplement disparu. Plus qu’une simple estimation, c’est un défi que lance l’IATA à ses compagnies aériennes membres. D’ailleurs ses adhérents qui ne prendraient pas ces mesures d’ici à 2008 seraient sanctionnés.

Les GDS aident les agences de voyages à se préparer à l’ère du 100 % billet électronique. Par exemple, à la fin 2006,Amadeus a mis en place la billetterie électronique dans 174 compagnies et distribué 70 % de billets d’avion sous forme électronique. La société a également constitué la plus grande communauté de billetterie électronique intercompagnie.

De son côté, Galileo, filiale de Travelport, met en place une stratégie similaire. “Au-delà du confort pour les voyageurs, l’e-ticket représente un gain de productivité important pour l ‘agence et la compagnie aérienne”, explique Jérôme Moisan, directeur général de Galileo France. Avant IATA, les compagnies low cost ont ouvert la voie, le billet électronique s’étant popularisé avec leur arrivée en Europe. Pour ces transporteurs tirant les prix, les billets virtuels sont un bon moyen de faire d’importantes économies.

L’exemple du Royaume-Uni

Selon les pays d’émission, l’avance du billet virtuel est plus ou moins forte. Si l’on se penche sur l’exemple du Royaume-Uni, plus de 19,7 millions billets d’avion ont été émis en 2006. Sur ce total, 15,6 millions l’ont été sous forme électronique, ce qui traduit un taux d’adoption de 79 %. Sachant que 340000 billets continuent d’être émis chaque mois sous la forme papier.

Toujours au Royaume-Uni, 161 compagnies ont vendu des billets en décembre dernier. Sur ce total, 64 n’ont émis aucun billet électronique. Et seulement 33 % étaient au-dessus des 90 % de ventes de billets électroniques.

Ainsi, British Airways encourage le développement de l’e-ticket depuis une dizaine d’années. “Simple, notre objectif consiste à rendre le passager maître de son voyage afin d ‘optimiser son déplacement”, déclare Patrick Malval, directeur commercial France de Bristish Airways. À noter qu’elle est la première compagnie à avoir lancé l’e-ticket pour les ventes directes, en octobre 1998, dans le monde. Depuis octobre 1999, le billet électronique est accessible aux agences de voyages, via leur GDS. “Comme d’ici à la fin 2007, British Airways sera au 100 % e-ticket, du même coup, toutes ses routes aériennes deviendront e-ticketables”, poursuit Patrick Malval. En France, par exemple, sur une liaison saisonnière comme Grenoble-Londres qui fonctionne quatre mois par an à raison de quatre vols hebdomadaires, les passagers disposeront dès cet été de bornes électroniques à l’aéroport pour voyager sans billet papier.

Une surprime pour les billets papier

Depuis le 1er mai 2005, British Airways retient des frais de l’ordre de 25 euros sur les billets papier émis pour les itinéraires sur lesquels le billet électronique est disponible, soit plus de 75 % de son réseau. La compagnie britannique n’est pas la seule à pratiquer cette politique de surprime. Ainsi depuis le 3 avril 2006, Air-France-KLM applique une surcharge sur les billets papier de 8 euros par trajet. Cela concerne les clients insistant pour obtenir un billet papier alors que le billet électronique est disponible pour la destination et le tarif qui les intéressent. L’e-ticket est systématiquement proposé sur le site Internet de la compagnie, quand il est disponible, soit 98 % des lignes d’Air France. L’objectif consiste, bien sûr, à atteindre 100 % en 2008.

De son côté, en cas de vente directe, Swiss applique une surcharge de 15 euros par billet. La compagnie helvète compte bien passer au 100 % e-ticket pour les ventes via les GDS, au plus tard à la fin du premier trimestre 2008, et si possible à la fin 2007. Depuis janvier 2007, l’e-ticketing fonctionne en interline avec Air France. Seulement cinq stations du réseau ne sont pas “e-ticket compatible” : Luxembourg, Tripoli, Mascate, Jeddah et Ryad.

Mode d’emploi pour les passagers aériens

En pratique, le passager réserve et paie son vol sur Internet. Il se présente le jour du départ au guichet d’enregistrement de sa compagnie avec pour seul document sa pièce d’identité et un code attestant du paiement de la prestation. Contrairement à un billet papier traditionnel, la réservation des passagers et les détails du vol sont conservés en toute sécurité dans le système de la compagnie aérienne. Si les voyageurs le souhaitent, ils peuvent recevoir un résumé de leur itinéraire par mail.

Le billet virtuel n’a plus besoin d’être envoyé par courrier. Il n’est donc pas possible de le perdre, ni de se le faire voler. Il suffit de l’imprimer, ce qui évite les coûts éventuels engendrés par ces situations. Les détails du vol et du paiement, ses références de réservation figurent sur “l’itinéraire du passager”, appelé encore “ITR” (Itinerary Receipt). Le passager doit seulement présenter son ITR – en fait son e-ticket – et une pièce d’identité pour s’enregistrer.

Les compagnies permettent également aux passagers d’imprimer eux-mêmes leur carte d’embarquement à leur domicile ou à leur bureau. Et de choisir ainsi leur siège à bord. Par exemple, sur airfrance.fr, l’impression de la carte d’embarquement est possible de 24 heures à 30 minutes avant l’heure limite d’enregistrement du vol. D’où la possibilité de se rendre directement en salle d’embarquement, en l’absence de bagages à enregistrer. Ce service est proposé sur 90 % des escales desservies par Air France et KLM.

Une autre possibilité existe : l’impression de sa carte d’embarquement sur l’une des 320 bornes en libre service réparties sur les escales françaises et européennes d’Air France. La compagnie a prévu d’en mettre 450 à disposition d’ici à 2008.

Pas de doute, l’envol du billet virtuel s’accompagne de celui des e-services déployés par la plupart des grandes compagnies. Une évolution somme toute gagnante pour les transporteurs, les agences de voyages et les passagers.