Paris Charles de Gaulle, Londres Heathrow, Francfort… mais aussi Atlanta, Chicago, Toronto, Hong Kong, Singapour, Dubai ou Sao Paulo… Tout voyageur d’affaires est amené à transiter régulièrement par l’un ou l’autre de ces aéroports, centres incontournables du trafic aérien planétaire. En raison du nombre important de destinations et de fréquences offertes, ces plates-formes stratégiques revendiquent toutes le statut très convoité de “hub”, c’est-à-dire de plateforme de correspondances. Enfant de la déréglementation américaine, le modèle a fait ses preuves depuis son apparition à la fin des années 70 aux États-Unis. À l’époque, les accords placés sous l’égide de l’association internationale du transport aérien (IATA) ont volé en éclats, abattant les monopoles établis et laissant la place à une concurrence intense pour conquérir et fidéliser le passager.
Pour des compagnies (déjà) contraintes à l’époque de réduire leurs coûts d’exploitation, comment être présent sur tous les marchés en même temps ? La réponse à cette question, et le moyen le plus rationnel de desservir le plus grand nombre possible de destinations, GRANDS HUBS sera le principe du “hub and spoke” – littéralement le moyeu et le rayon –, à savoir une offre globale de dessertes à travers un jeu de correspondances via une, deux ou trois plates-formes centrales. La rationalité économique de ces réseaux en étoile, justifiée par de nombreux dirigeants américains par le leitmotiv “on ne peut pas desservir en direct toutes les destinations”, a trouvé un écho sur le reste de la planète. Dans les années 90, les transporteurs nationaux d’Europe et du Moyen- Orient d’abord, puis d’Asie, ont mis en place leur propre plaque tournante internationale. Puis le modèle a continué d’évoluer ces quinze dernières années, gagnant même en puissance avec la montée des grandes alliances globales.
Dans ce cadre, les aérogares se reconfigurent au gré des besoins des alliances sur les différents hubs. À Londres Heathrow, les terminaux 3 et 5 sont devenus les bases de British Airways et de ses partenaires de oneworld, tandis que SkyTeam a investi le terminal 4 et que Star a pris possession durant l’été 2014 des installations du terminal 2. À Paris CDG, les aérogares 2D,2E, 2F et 2G sont au coeur du hub Air France, tandis que le terminal 1 est devenu le centre des opérations de Star Alliance.
Jeux d’alliance et double Hubs
Une grande partie du trafic aérien transite donc aujourd’hui par une soixantaine de centres névralgiques, certains concentrant même les hubs de deux alliances. C’est le cas notamment de Chicago O’ Hare, le “home, sweet home” à la fois d’American Airlines (oneworld) et de United Airlines (Star Alliance). Cependant, c’est l’Asie qui possède le plus grand nombre de ces “double hubs” avec Séoul Incheon (Korean Air/SkyTeam et Asiana/Star Alliance), Shanghai-Pudong (China Eastern/ SkyTeam et Air China/Star Alliance), Singapour (SIA/Star Alliance et Qantas-Jet Star/oneworld) ou encore Taipei (China Airlines/SkyTeam et Eva Air/Star Alliance). En Europe en revanche, peu de hubs offrent une compétition à grande échelle entre les alliances. Probablement en raison d’une densité inégalée de hubs qui, de fait, se concurrencent les uns les autres. On relève pourtant Madrid, à la fois plaque tournante de oneworld avec Iberia et à SkyTeam avec Air Europa, ou encore Düsseldorf, mini-hub de Lufthansa (Star Alliance) et plate-forme de oneworld à travers Air Berlin. À Moscou, les alliances s’afrontent, mais cette fois par aéroport interposé avec SkyTeam à Sheremetyevo et oneworld à Domodedovo.
Forteresses du Moyen-Orient
Plus rares encore sont les “hubs forteresses”, ces plates-formes hors alliances soutenues par un transporteur unique. La plupart se trouvent au Moyen-Orient. Sous la houlette de la très puissante Emirates, Dubaï s’est hissé en l’espace de cinq ans dans le top 10 des aéroports mondiaux par son trafc passagers. En 2008, Dubai était à la vingtième place de ce classement avec 37,5 millions de passagers, et déjà septième l’an passé, avec 66,5 millions ! Très loin devant Doha, hub de Qatar Airways avec 23,2 millions de passagers accueillis en 2013, ou Abu Dhabi, plaque tournante de Etihad avec 16,6 millions de passagers. À échelle moindre, on notera aussi Casablanca. Le hub de la compagnie Royal Air Maroc accueille plus de sept millions de passagers annuels et se positionne comme pont entre l’Europe et l’Afrique du Nord et de l’Ouest.
Le premier, et probablement l’élément le plus important d’une stratégie de hub, est sa position géographique. Bien plus encore que son marché de proximité. Car un hub doit avant tout se situer à la croisée de grands courants de trafic. Ce qui, par exemple, favorise un aéroport comme Zurich Kloten, qui, malgré un bassin de population de seulement deux millions d’habitants, a accueilli en 2013 plus de 23,5 millions de passagers, dont un tiers en transfert. A contrario, Tokyo et ses 24 millions d’habitants ne peut se targuer d’être un hub global à la différence des grands points névralgiques de l’Asie du Nord que sont Séoul Incheon, Canton et Hong Kong. En efet, la position excentrée du Japon, en marge des grands couloirs asiatiques, favorise plutôt un trafic de point à point que de transfert, à l’exception de correspondances sur le Japon et, à un degré moindre, pour des vols entre l’Amérique du Nord et l’Asie. Ainsi, le nombre de passagers en transfert à Narita, le principal aéroport international de Tokyo, dépasse à peine 16 % des 35,5 millions de passagers enregistrés en 2013.
Il en va de même pour Johannesburg, qui est certes le premier aéroport d’Afrique avec un trafic de 18,5 millions de passagers, mais que la géographie aux confins du continent pénalise. De fait, Addis Abeba, Casablanca, Le Caire et Nairobi se profilent comme les principaux hubs africains, investissant à ce titre dans de nouvelles installations au cours de ces dernières années.
D’autres éléments peuvent intervenir dans la mise en place d’un hub. Le poids financier en est un et explique aussi le rôle joué par Zurich, haut lieu de la finance européenne. La position économique de Lyon et de Milan a également justifié la création de hubs régionaux dans ces villes. Mais la stratégie des directions d’aéroport joue aujourd’hui un grand rôle. Car tout peut être question de commercialisation intelligente. Bien vendre sa plate-forme peut l’élever au rang de hub global. C’est le cas en Europe d’aéroports qui se situent plutôt en marge des grands courants de trafic du continent, mais qui ont pourtant réussi à devenir des plaques tournantes importantes. Ainsi, le marketing aidant, l’aéroport d’Helsinki Vantaa s’est positionné comme un relai majeur entre l’Europe et l’Asie. Tous les services passagers y ont été réévalués pour offrir une qualité équivalente à celle proposée par les plus grandes plates-formes asiatiques. Pour sa part, Vienne conserve sa prééminence sur le trafc vers l’Europe centrale et orientale ainsi que vers le Proche-Orient, tandis que Lisbonne est de loin la première porte d’entrée du continent européen vers le Brésil. La capitale portugaise est reliée à une douzaine de villes de son ancienne colonie.
Certains petits aéroports, qui enregistrent un trafic inférieur à deux millions de passagers, sont même devenus des hubs de niche. C’est le cas notamment de Reykjavik en Islande, qui a su affirmer son statut de plaque tournante pour la desserte de destinations secondaires en Amérique du Nord. Dans le même ordre d’idée, hors d’Europe, la compagnie aérienne Royal Jordanian présente Amman comme le hub du “Levant”. En Asie, SriLankan une excellente situation géographique au carrefour de l’Europe, de l’Asie et de l’Afrique, ces compagnies considèrent que leur marché représente un quart de la population mondiale.
Les grands Hubs classés par Alliance
Cette globalisation de l’offre s’avère dommageable pour l’Europe, dont les hubs se marginalisent petit à petit. Selon une étude de l’Airports Council International Europe, le Vieux Continent a vu ses parts de marché s’éroder sur le trafic en transfert au cours de la dernière décennie. Ainsi, selon l’association, la connectivité hors Union Européenne aurait accusé une baisse de 10 % au cours de la décennie 2004- 2013. Ce qui signifie qu’un nombre réduit de voyageurs songe à effectuer un vol Mexico-Jakarta via Amsterdam ou Paris CDG. À l’inverse, les relations aériennes depuis l’Amérique du Nord et l’Europe vers l’Asie sont désormais de plus en plus captées par les grands aéroports du Golfe qui ont démultiplié les lignes directes vers chaque continent de la planète.
Un chiffre suffit à illustrer l’ampleur du phénomène : si l’on cumule le nombre de connexions potentielles sur les trois principaux aéroports du Golfe (Dubaï, Doha et Abu Dhabi), on obtient le double de la connectivité offerte par les trois plus grandes platesformes d’Europe, à savoir Londres Heath row, Paris CDG et Francfort. Au total, entre 2008 et 2014, le nombre de connexions potentielles a crû de 4 % seulement en Europe, très loin derrière le Moyen-Orient, dont la connectivité est en hausse de 46 % sur la même période, de l’Asie qui afche une progression de 34 % ou même de l’Afrique (+ 26 %).
Qu’est-ce qui joue encore en faveur des plates-formes européennes ? Cette fois, c’est certainement le potentiel de population vivant autour des grands hubs. Avec 745 millions d’habitants, le continent offre l’une des plus grosses densités démographiques de la planète. L’Europe a ainsi généré en 2014 un flux de 1,6 milliard de passagers sur quelque 440 aéroports. Puissance des compagnies nationales – Air France, British Airways, Lufthansa ou Iberia pour n’en citer que quelques unes –, importance du trafic d’affaires et de loisirs : tout cela fait que transférer par un aéroport européen reste encore une alternative incontournable pour de nombreux businessmen. Il faut maintenant que le Vieux Continent se donne les moyens de cette politique de hubs. Avec la perspective d’une saturation totale de 20 des plus importants aéroports du continent d’ici 2035, le temps presse.
Singapour Changi
Le modèle
Hub Star Alliance – Nombre de destinations : 114
Atlanta Hartfield
Le géant
Hub Skyteam – Nombre de destinations : 217
Paris Charles de Gaulle
Au chic parisien
Hub Skyteam – Nombre de destinations proposées : 172
Londres Heathrow T5
Piccadilly Circus
Hub Oneworld – Nombre de destinations : 153
Dubai International
Hub global
Hub Emirates Airlines – Nombre de destinations : 239
Doha Hamad International
Flambant neuf
Hub Oneworld – Nombre de destinations : 135
Seoul Incheon
Services compris
Hub Skyteam et Star Alliance – Nombre de destinations : 132 (SkyTeam), 90 (Star Alliance)
Bombay International
Collection d’art
Hub Jet Airways/Ethiad – Nombre de destinations : 51
Toronto Pearson T1
Visa pour les USA
Hub Star Alliance – Nombre de destinations : 138