Relais & Châteaux, leading, … : ces labels très convoités par les hôteliers

Être maître dans leur propre maison tout en s’appuyant sur les épaules prestigieuses des réseaux internationaux reconnus : les hôteliers indépendants trouvent au sein de ces clubs exclusifs les moyens d’exprimer leur art de l’hospitalité et leur sens des affaires.

Descendre dans certains des plus fameux Leading Hotels of the World, c’est comme avoir rendez-vous avec l’histoire. L’hôtel Sacher de Vienne, ouvert en 1876, propose de marcher sur les traces de l’aristocratie de la Belle Époque ou d’écrivains célèbres comme Graham Greene.

Se plonger dans les guides de Leading Hotels of the World, de Relais & Châteaux ou de Design Hotels, c’est un peu comme feuilleter le Botin mondain de l’hôtellerie haut de gamme, le Who’s Who des grandes figures de l’art de vivre, un magazine sur les dernières tendances d’architecture d’intérieur. Si les chemins de leurs affaires conduisent les voyageurs à New York ou à Tokyo – et que la politique voyages de leur entreprise les y autorise –, ils pourront résider aux mythiques Pierre ou Imperial, labellisés Leading. S’ils font l’école buissonnière, ils apprécieront la gourmandise de séminaires Relais & Châteaux signés Jean-Michel Lorrrain ou Michel Guérard. Enfin, que ce soit au bien nommé hôtel Unique de SaoPaulo, au Brown TLV de Tel Aviv ou au Waterhouse de Shanghai, ils trouveront dans l’atmosphère trendy de ces Design Hotels le reflet du tumulte de métropoles en pleine mutation.

Car ces trois chaînes font partie du gotha de ces réseaux “volontaires” unissant des établissements indépendants ou de petits groupes hôteliers à forte personnalité. Bien sûr, lors de leurs pérégrinations, les professionnels nomades auront certainement remarqué d’autres labels haut de gamme, annoncés par un panneau doré à la porte des hôtels. Parmi les plus présents à l’international, Small Luxury Hotels of the World (SLH) qui fédère près de 520 cinq étoiles intimistes, mais aussi la galaxie du groupe Preferred Hotel, composée de 650 quatre et cinq étoiles répartis sous les Preferred, Summit et Sterling, ou encore les Worldhotels, conglomérat d’une cinq centaine de lieux très business. Sans parler des innombrables Best Western, la première chaîne hôtelière au monde avec plus de 4000 hôtels et sa déclinaison haut de gamme Best Western Premier. Pour leur part, les villes et régions françaises sont le théâtre naturel de chaînes qui jouent sur l’atout charme. C’est le cas de Relais & Châteaux bien sûr, mais aussi de Châteaux et Hôtels Collection.

Sous la présidence d’Alain Ducasse, la chaîne a trouvé un nouvel élan et compte 520 établissements pour la plupart en France, mais aussi en Italie. Autre acteur d’envergure, Hôtels et Préférence propose 150 hôtels haut de gamme, situés majoritairement à Paris et en province. Cependant, les réseaux hexagonaux les plus importants par la taille ne sont pas positionnés sur l’établissement quatre et cinq étoiles mais sur le milieu de gamme et l’économique. Inter Hotel, Citotel, Logis : ces enseignes ont réussi à mailler le territoire en regroupant sous leurs ailes des centaines d’établissements familiaux qui se posent comme autant de haltes généreuses pour les voyageurs d’affaires dans les villes secondaires.

“L’union fait la force”. Si l’idée en soi n’est pas révolutionnaire, c’est elle qui est à l’origine des Leading Hotels dans les Années folles. Soit largement avant que les grandes chaînes hôtelières ne couvrent le monde de leurs enseignes standardisées. À cette époque donc, celle des voyages transatlantiques, des malles Vuitton et des longs séjours luxueux, une trentaine de propriétaires d’hôtels européens décident de s’associer pour attirer l’élite des voyageurs internationaux. Le premier bureau de ce qui n’était alors que les Leading Hotels of Europe ouvre en 1928 à New York pour capter les riches clients américains. De génération en génération, la tradition se perpétue. Six des 36 membres originels font d’ailleurs encore partie de l’enseigne : l’Hôtel du Palais de Biarritz, le Negresco à Nice, l’Hôtel de Paris et l’Hermitage à Monaco, le Ritz de Madrid et le King David de Jérusalem.

La route du bonheur

Un peu plus tard, c’est la Nationale 7 qui donne naissance à la success story de Relais & Chateaux. Si le nom ne fait réellement son apparition qu’en 1975, l’enseigne est de fait la continuation des “relais de campagne” fondés en 1954, soit huit hôtels installés le long de cette route mythique qui “fait d’Paris un p’tit faubourg d’Valence et la banlieue d’Saint- Paul de Vence”, comme le chantait Trenet. Des membres fondateurs, seule l’Auberge des templiers aux Bézards, en Sologne, fait toujours partie de cette association qui n’a cessé depuis d’étendre sa marque à l’étranger. Reconnu mondialement, le label fleurdelisé rassemble autour de lui une myriade de chefs multiétoilés, qui partagent une certaine idée de l’art de vivre. Qu’il soit à la Française, à l’Américaine ou à la Nipponne.

Mais attention, n’entre pas qui veut dans ces réseaux prestigieux. Une chaîne comme Leading Hotels – référence en la matière puisque sa filiale Leading Quality Assurance réalise le contrôle qualité des Mandarin Oriental, Four Seasons et RitzCarlton – donne son aval en fonction d’une multitude de critères, sans compter les inspections annuelles garantissant le maintien des standards de l’enseigne. Bien évidemment, comme pour n’importe quel club fermé, la qualité de membre d’une chaîne volontaire a un coût : droit d’entrée, redevance annuelle et commissions sur les réservations réalisées par l’intermédiaire de la chaîne. Rien d’étonnant à cela car, en plus de pouvoir arborer un blason reconnu, les hôteliers demandent surtout à ces réseaux de répondre à leur problématique de commercialisation. Situé près de l’avenue Montaigne, l’hôtel San Regis fait partie depuis 14 ans des Small Luxury Hotels of the World. Ce qui lui offre comme avantages à la fois une présence sur les GDS – les canaux de réservation préférés des agences de voyages – et des relations privilégiées avec les grands acteurs des déplacements professionnels. “Un hôtel seul n’a pas accès aux plateaux d’affaires d’American Express ou de Carlson Wagonlit, explique Sabrina Blanc Miele, ambassadrice Relations publiques France pour SLH et responsable commerciale de l’hôtel San Régis. Il faut faire partie du programme American Express Preferred, ce que propose SLH. C’est pareil sur le segment loisirs. SLH est partenaire d’Amex pour les services de conciergerie associés aux cartes Centurion et Platinum, nous permettant ainsi de toucher toute cette clientèle aisée.

À travers sa déco très actuelle, le Brown TLV est l’exact reflet de la vie de Tel Aviv. Ce parallèle entre l’atmosphère trendy des hôtels et l’effervescence hype des grandes métropoles est le point commun qui unit les membres de la chaîne Design Hotels.

À Paris, l’Hôtel du Collectionneur est passé sous la bannière de l’enseigne Preferred. Cet ancien Hilton compense ainsi l’absence sur son fronton d’une marque globale par un label très connu, notamment auprès de la clientèle américaine.

Nous souhaitons offrir à nos membres une logistique similaire à celles des chaînes intégrées”, résume Richard Mc Ginnis, directeur régional France et Benelux de Leading Hotels of the World (LHW). Dans ce cadre, les représentations des réseaux volontaires jouent le rôle d’ambassadeur de leurs membres auprès des agences de voyages et des entreprises. Ce qui assure un volume important de clients business aux hôtels situés dans les grandes métropoles mondiales. “À Paris, notre bureau de vente travaille étroitement avec les grands comptes du CAC 40 et le secteur du luxe, à Los Angeles avec le monde du cinéma, à Londres avec celui de la finance, explique Richard Mc Ginnis. Pour atteindre les clientèles émergentes, nos hôtels français s’appuient beaucoup sur nos bureaux de Sao Paulo, de Shanghai, de Pékin ou de Bombay. Même un Ritz, pourtant mondialement connu, a besoin de ces bureaux de vente à l’étranger.

Bien sûr, au sein de Small Luxury, Relais & Châteaux ou Châteaux & Hôtels Collection, les hôtels éloignés des grands circuits d’affaires prédominent le plus souvent, avec des coins de paradis au grand vert, des maisons chargées d’histoire, des resorts posés le long de plages infinies… Soit autant de lieux uniques où tenir des réunions en petit comité et des événements VIP. Les hôteliers ne se privent pas de jouer sur ces éléments exclusifs, mettant en valeur leurs salles de réunions remplies d’âme ou leurs incentives haut de gamme. À ce titre, les chaînes volontaires s’organisent pour ouvrir à leurs affiliés les portes du marché du tourisme d’affaires. “Dès nos débuts, en 2000, la promesse que nous faisions aux hôteliers était d’accroître le nombre d’événements dans leurs établissements, rappelle Yannick Gavelle, fondateur d’Hôtels et Préférence. Les réseaux continuent de booster les relations entre leurs affiliés et les organisateurs. À ces fins, tandis que Relais & Châteaux consacre un site internet à ses “séminaires d’exception” et que Châteaux & Hôtels Collection édite un guide MICE, Worldhotels vient de relancer son programme World Events. “Les hôtels indépendants savent se montrer souvent plus créatifs et flexibles que leurs homologues de chaîne. À destination des organisateurs et des entreprises, nous proposons une sélection d’hôtels, 25 pour commencer – dont le Monte Carlo Bay par exemple –, et probablement 70 au final, tous susceptibles d’accueillir des réunions de façon personnalisée”, décrit Geof Andrew, directeur des opérations de WorldHotels.

Tous ces réseaux se disent volontaires. Et c’est vrai qu’ aujourd’hui il en faut de la volonté pour se démarquer dans un univers de plus en plus concurrentiel. Via les sites de réservation en ligne – les fameux Booking, Expedia, Hotels.com – les propriétaires peuvent aujourd’hui vendre leur établissement sans forcément s’appuyer sur un label porteur. À cela s’ajoute l’appétit des géants du secteur qui cherchent à travers leurs nouvelles marques “light” à garnir leurs portefeuilles d’établissements moins standardisés. Mais, si les sirènes des grands groupes mondiaux peuvent avoir des chants séduisants, les chaînes volontaires n’en demeurent pas moins attractives. “Récemment, Preferred a accueilli une vingtaine d’hôtels venus de groupes hôteliers qui suivent aujourd’hui une voie indépendante, constate Terri Mc Collin, directrice des relations publiques de la chaîne en Europe. Par exemple, l’Hôtel du Collectionneur à Paris, un ex Hilton, ou bien les Stafford et Bentley de Londres, tous deux d’anciens Kempinski.” Si certains groupes comme Peninsula ou Mandarin Oriental, dont les hôtels étaient membres de LHW il y a encore quelques années, ont choisi de s’appuyer sur leurs propres moyens de distribution, d’autres font toujours confiance à ces labels très réputés. C’est le cas, entre autres, de Taj, One & Only et Rocco Forte chez LHW, de NH Hotels qui a confé à Preferred le soin de promouvoir sa nouvelle NH Collection ou des groupes portugais Tivoli et coréen Lotte chez Worldhotels.

La collection des Leading Hotels n’est pas constituée que de maisons centenaires et leur débauche de boiseries et de lambris dorés. Ouvert en 2013 à Dublin, The Marker en témoigne avec son esthétique urbaine.

À Dubai, le business center du Media One accueille les voyageurs nomades dans une atmosphère rafraîchissante. L’établissement fait partie de Worldhotels, très présent dans les grandes métropoles d’affaires.

Faveurs exclusives

Pour accroître leur force de frappe, les réseaux volontaires récompensent plus encore qu’avant la fidélité de leurs clients. L’an dernier, avec iPrefer, Preferred Hotel a été l’une des premières à proposer un programme de récompense basé sur un modèle de points, à l’image des compagnies aériennes. Châteaux & Hôtels Collection a aussi dévoilé cette année son programme “Les Collectionneurs” et Worldhotels a lancé Peakpoints. “Bien sûr, vous avez des grands voyageurs d’affaires américains qui ne vont que chez Marriott ou Hilton car ils ont des millions de points chez eux. Mais aujourd’hui, grâce aux avis sur Internet, il y a une confiance plus grande à réserver un hôtel indépendant.La fdélité est un élément important, et nous allons ajouter en 2015 des services plus émotionnels à ce programme”, explique Geof Andrew. Car la récompense de la fidélité sous forme de services “plus” a toujours ses adeptes, comme le Club SLH qui donne droit à des avantages personnalisés, ou le Club 5C de Relais & Châteaux qui offre à ses membres des expériences uniques, par exemple faire son marché en compagnie de grands chefs. LHW joue aussi sur l’exclusivité avec son programme payant Leaders Club. Deux formules sont proposées. La première, baptisée Access (150 $), promet la gratuité d’internet et du petit-déjeuner et les check-in anticipé et check out tardif selon disponibilités. La carte Unlimited ( 1 200 $) ouvre, elle, les portes de 600 lounges d’aéroports et offre le trajet aéroport-hôtel en limousine dans une trentaine de grandes villes mondiales.

Reste que le plus sûr moyen de s’assurer les grâces des voyageurs nomades est de les accompagner dans leurs déplacements. “Depuis deux ans, nous étendons notre offre aux grandes métropoles d’Europe comme Bruxelles, Munich ou Barcelone, tout en recherchant de nouveaux affliés en Italie et à Londres”, précise Yannick Gavelle. Les métropoles sud-américaines, africaines et surtout asiatiques sont l’objet de toutes les convoitises. Worldhotels, mais aussi Leading, Preferred, SLH et même Relais et Châteaux, avec un hôtel à Pékin et un autre à Shanghai, ou encore Hôtels et Préférence, présent à Shanghai, Kunming et Shenzhen, y sont très actifs. Il n’empêche. Là aussi, la concurrence avec les leaders de l’hôtellerie est importante. “Sur certaines destinations, vous n’avez quasiment pas d’hôtellerie indépendante, à Hong Kong en particulier. Ce qui est frustrant, avoue Richard Mc Ginnis. Néanmoins, nous ne transigeons pas sur nos standards de qualité. Nous voulons garder un positionnement clair pour que le voyageur ait le réflexe Leading plutôt que Marriott”. Remplacez l’enseigne Leading par Small Luxury, Preferred, WorldHotels etc… et vous aurez une idée de l’état d’esprit de ces acteurs pleins de volonté.

San Regis

Les chaînes volontaires regroupent des établissements qui expriment avant tout l’esprit de leurs villes, à l’image du classicisme parisien du San Regis (1), membre des Small Luxury Hotels, ou de l’atmosphère contemporaine du H10 Urquinaona Plaza (2), affilié à Hôtels et Préférence et bien dans le ton de la movida barcelonaise.

Leaders de l’hôtellerie : les grands groupes s’y mettent aussi

Alors que l’offre mondiale est constituée aux deux tiers d’hôtels indépendants – à l’exception de l’Amérique du Nord où le ratio est exactement inverse –, plusieurs grands groupes hôteliers ont lancé leur marque “light” pour séduire leurs propriétaires : Autograph Collection de Mariott, Curio chez Hilton, Quorvus Collection chez Carlson Rezidor, MGallery chez Accor, Luxury Collection chez Starwood… Si ces nouvelles enseignes se développent souvent sous le modèle plus contraignant de la franchise, d’aucuns seraient prêts à revoir leur stratégie et à abandonner une part de leur liberté contre une force de frappe commerciale surpuissante. “Marriott.com est le huitième site marchand au monde avec 14 milliards de dollars générés”, souligne John Licence, responsable Europe de la marque Autograph Collection. Sans parler des milliers de clients grands comptes… “Nous, les grands groupes hôteliers, offrons une alternative aux propriétaires qui veulent s’adosser à des canaux de distribution puissants, sans être pieds et poings liés avec les agences en ligne”, souligne Éric de Neef tout en ajoutant :“les groupes sortent de leur carcan étriqué. Si nous sommes très forts en matière de distribution, nous reconnaissons qu’un hôtelier indépendant peut faire son travail mieux que nous.” Grâce à leur savoir-faire, la Quorvus Collection va permettre à Carlson Rezidor de se positionner sur un segment où le groupe a toujours eu des diffcultés, le luxe en l’occurrence.

Avec Autograph Collection, c’est la cible boutique que vise Marriott. “Ces hôtels au style unique vont permettre de développer notre base de clientèle lifestyle”, précise John Licence. L’enseigne compte 63 établissements, surtout aux Etats-Unis, et va rapidement s’étendre en Europe, en Afrique et en Asie pour atteindre la barre des 100 établissements fn 2015. Récemment, Starwood Hotels, qui était monté au capital de Design Hotels, a fait valoir son droit à un “domination agreement”, en un mot son droit à contrôler l’enseigne sans pour autant en détenir toutes les parts. Déjà très portée sur le design avec ses W et Aloft, Starwood va discrètement étoffer son offre de 350 hôtels parmi les plus séduisants du monde.