Brooklyn : Working’s cool

Outre-Atlantique, les espaces de bureaux collaboratifs attirent de plus en plus d’entrepreneurs et d’indépendants intéressés par une nouvelle façon d’aborder le monde du travail, à la fois créative et individualiste.
BROOKLYN, Working’s cool

Portes vitrées, devantures en rez-de-chaussée. Derrière la vitrine, de grandes tablées comme celles des banquets d’autrefois. Mais point de vin à fots, pas de rire à gogo… Que des visages concentrés sur des écrans et des mains agiles qui flent sur les claviers. Hébergés dans d’anciens entrepôts, des bureaux d’un genre nouveau, éclairés de guirlandes chaleureuses qui pendent à des tuyaux apparents, pullulent à Brooklyn, partout, de Park Slope à Dumbo…

Car ici, le phénomène des “coworking spaces” n’a plus de secret pour personne. Tout le monde connaît un programmeur, un designer web, un créateur de mode ou un “simple” entrepreneur qui en fait bon usage. “À New York, les appartements sont si petits que, quand on est free-lance, il est presque salutaire de pouvoir retrouver chaque jour des visages familiers dans un endroit spacieux. C’est un peu comme aller au bureau, mais en mieux”, raconte Jody Stein, une trentenaire dont le projet est de créer une galerie d’art non conventionnelle. Où l’on pourrait aussi venir travailler qu’on soit artiste ou non. Dans le quartier hip de Williamsburg, ces lieux hybrides, à mi-chemin entre le café branché et le bureau design, se comptent par dizaines. L’un des plus connus s’appelle The Yard. Chemise de bûcheron et barbe volontairement mal taillée, Andy raconte comment lui est venue l’envie de gérer cet espace depuis sa création en 2011. “J’aimais l’idée de l’émulation et de la diversité. Ici, ça travaille, mais l’on n’est pas limité à un domaine : on trouve aussi bien des programmeurs Internet et des développeurs d’applications que des agents immobiliers, des musiciens ou des photographes”, raconte le jeune homme. En tout, 240 personnes ont opté pour le labeur quotidien dans l’un des 96 “cubicles” accueillant d’une à dix personnes, ou bien encore s’installent à la table commune de l’entrée, au-dessus de laquelle une fresque monumentale et flashy représente Manhattan et Brooklyn en version stylisée. Parmi les success stories élaborées dans ces murs : la plateforme de e-taxi Uber, un système ultra répandu. à New York. Alors The Yard entend conquérir Manhattan via le Lower East Side. La jolie marque française Kusmi Tea vient d’y installer ses bureaux pour son lancement new-yorkais. “C’est peut-être parce que nous offrons un environnement productif avec du café gratuit toute la journée”, s’amuse Andy.

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COMMUNAUTÉ D’ESPRIT

L’autre caractéristique de ces bureaux façon business cool, c’est de créer un sentiment d’appartenance à une communauté. Makeshift, l’exemple le plus récent et sans doute le plus design de tous, est un lieu où travailler, mais aussi où rencontrer des partenaires potentiels. Ancré dans le micro quartier en pleine mutation de Hope Street, toujours à Williamsburg, ce concept qui a vu le jour à San Francisco a investi une ancienne usine de crayons datant de 1907. “La différence avec d’autres endroits de ce genre, c’est que nous accueillons surtout des créatifs et privilégions l’esprit communautaire”, explique Bryan Boyer, cofondateur de Makeshift Brooklyn. Architecte, c’est aussi lui qui a conçu cet univers très poétique, mais aussi fexible, versatile, où la salle de conférences peut soudain se transformer en scène de théâtre. “On ne vient pas simplement pour s’asseoir à un bureau parce qu’on n’a pas assez d’espace chez soi, mais aussi pour créer des liens, être au coeur de l’action et trouver l’inspiration en se baladant dans le quartier ou en allant prendre un café en face”.

Au 66 Hope Street, plus précisément. Car il faut être du quartier pour savoir qu’en grimpant jusqu’au premier étage d’un vieil immeuble en briques, on pénètre dans un salon qui évoquant un chalet. Au milieu des plantes vertes, on travaille, ordinateur posé sur les genoux, sur des peaux de bêtes et des banquettes en bois façon alpages helvétiques. Parce que le propriétaire est zurichois et qu’il a su réinventer une atmosphère studieuse, tout à la fois urbaine et montagnarde.

RÉCUP’ ET IDÉES NEUVES

Si d’aventure on poursuit son chemin vers l’intérieur des terres, que l’on franchit les limites de Williamsburg pour atteindre Bushwick, l’ambiance change du tout au tout. Dans ce nouveau Soho un rien délabré, où des cafés minimalistes colonisent lentement de vieilles maisons de banlieue, on atteint Bat Haus, un espace ouvert depuis juin 2012. Plus rudimentaire que tous les autres, mais à l’image du quartier, il est aussi plus abordable. On réfléchit dans l’ancien garage d’un plombier qu’un groupe d’amis a équipé de grandes tables de récup’ et de belles lampes industrielles. “La plupart des gens qui viennent ici sont du coin, mais certains viennent d’autres boroughs, car ils veulent avoir l’impression d’aller au travail, même loin des conventions”, raconte Cody Sullyvan, cofondateur et écrivain. À qui veut tenter sa chance, une place à la grande table ne coûte ici que 20 dollars la journée… Autrement dit, pas grand-chose pour lancer sa start-up qui, dans quelques années, vaudra peut-être des millions.

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