
« C’est au fil de mes rencontres amoureuses de très jeune homme que je me suis retrouvé à Milan, où j’ai travaillé dans la publicité. Puis, dans les années 50, ce fut Paris et la rencontre avec Cartier-Bresson qui m’a conduit à la réalisation de mon rêve, celui de devenir photographe. J’avais compris à l’époque que je n’étais pas fait pour exercer n’importe quel métier, qu’il me fallait m’investir entièrement, intimement, dans une vie professionnelle. Photographier partout à travers le monde m’apparaissait comme une vocation, et non comme une profession. Une vocation d’explorateur, une sorte de Christophe Colomb.
C’est ainsi qu’en 1952, je suis allé au Pakistan, à l’invitation de l’ambassadeur de ce tout nouveau pays qui souhaitait le faire découvrir au monde grâce à la photo. L’avion étant beaucoup trop cher à l’époque, j’ai fait le voyage jusqu’à Karachi en cargo, au départ du port de Trieste. Toute une aventure qui s’est prolongée par un séjour de deux ans au Pakistan où je n’ai, en fait, rencontré que de très rares fois d’autres Européens. Une véritable immersion.
Je faisais alors développer mes photos par le seul et unique tireur que j’avais trouvé sur place, puis j’envoyais les tirages aux magazines européens. A mon retour, mon identité de photographe reporter s’était affirmée. Ma proximité avec les communautés pakistanaises m’avait permis de montrer des scènes de vie quotidienne assez inattendues aux yeux des Européens.
Mais c’est encore l’Inde qui m’a le plus marqué. L’ambiance, les contrastes, la rue, les fêtes, les situations… Plus qu’un pays, c’est une véritable civilisation que l’on découvre là-bas ; et c’est bien ce qui a captivé et attiré mon œil. Je n’y suis pas retourné depuis les années 80 et je me demande bien ce que j’en penserais aujourd’hui. Dans un tout autre genre, j’ai adoré – et j’adore encore – New York. Comme un grand amour, en fait. Comme une compagne vers laquelle je suis revenu toute ma vie. Encore et toujours.
Mon travail est mon échappatoire. Ma profession est le voyage, où l’anodin y est sujet autant que l’exotisme. Avant tout, je veux comprendre la société que je découvre. Mes plus belles rencontres, je les ai faites lorsque j’ai pu échanger avec les autres. Grâce au langage, bien sûr ; mais aussi avec les expressions du visage, des mains, et parfois même en utilisant le dessin. Je me promène dans les lieux de vie : les marchés, les magasins, les jardins, les zoos…
Je suis tout le temps à la recherche d’une image qui offre un décalage, comme une contradiction, quelque chose qui amène à plusieurs lectures et qui peut surprendre dans ses associations d’idées. Je m’immerge, en quelque sorte. Je me fonds dans le paysage. C’est pour cela que je n’ai pas une grande passion pour les hôtels de luxe. J’ai besoin d’un peu de distance, cette distance même qui me permet, au fond, d’être bien avec les gens. »
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