Expansion : Paris extra muros

Le snobisme parisien qui faisait froncer le nez à l’idée de franchir le périph’ est devenu totalement out. Les entreprises sont toujours plus nombreuses à s’installer au-delà du boulevard périphérique, limite historique de Paris.
MAC/VAL
Inauguré en 2005, le MAC/VAL est le premier musée d’art contemporain ouvert en banlieue parisienne.

Engoncée depuis des siècles derrière ses frondaisons – le boulevard périphérique succédant dans les années 50 aux fortifications de l’enceinte Thiers bâties au milieu du XIXe siècle, elles-mêmes calquées sur les murs des fermiers généraux d’avant la Révolution, –, Paris se met à regarder sa banlieue d’un oeil nouveau. Depuis un moment déjà, les villes limitrophes de la capitale servent de terrains de jeux aux entreprises en quête de nouveaux espaces. Cette extension du domaine des affaires s’exerce notamment dans le Nord-est parisien, à Pantin par exemple, où la maison Hermès a campé ses nombreux bureaux et ateliers depuis 1992. Une implantation qui a permis à la ville de Seine-Saint-Denis de changer peu à peu son profil en attirant plus de diversité et de culture.

Cette ambition s’est véritablement concrétisée à l’automne 2012 avec l’arrivée de la galerie Thaddaeus Ropac, le géant de l’art contemporain salzbourgeois. “Alors qu’il cherchait un endroit où exposer sans contrainte d’espace, beaucoup ont dissuadé Thaddaeus Ropac de s’installer dans cette ancienne chaudronnerie de Pantin, pensant que ça ne marcherait jamais”, explique Laura Bertaux, directrice de la galerie. Pari pourtant largement gagné : le site, qui a accueilli pour son exposition inaugurale les oeuvres monumentales d’Anselme Kiefer, rencontre depuis le succès. D’autant que la galerie est aussi devenue un lieu de festivités, surtout pendant la FIAC. “Nous recevons environ 5 000 personnes par exposition et avons constaté récemment une augmentation de 20 % à 30 % de visiteurs, continue Laura Bertaux. Cela permet de lever la barrière, surtout mentale, qui sépare encore Paris de sa banlieue.”

Montreuil Restaurant
ICI Montreuil, un lieu de création peuplé d’artisans et artistes et agrémenté d’un restaurant bobo-bio.

Pour convaincre les visiteurs tout en leur laissant du temps, les expositions durent désormais six mois. Une fois sur place, ils peuvent tranquillement profiter d’un joli jardin et d’un café récemment doublé d’un restaurant. De plus, la galerie organise des événements interdisciplinaires avec de grandes institutions comme le Centre national de la danse, mais aussi avec l’Ensemble InterContemporain en résidence à la Philharmonie, que l’on rejoint aisément à pied. “La ville a déjà beaucoup changé depuis notre installation en 2012. Un artiste a été chargé d’habiller le tunnel qui nous sépare de la mairie de Pantin ; des boutiques ont ouvert ; la piscine datant des années 30 est en train d’être réaménagée”, dit encore la directrice de la galerie qui invite de nombreux élèves des écoles à venir se sensibiliser à l’art contemporain.

Le processus de gentrification est en cours. L’agence de communication BETC vient de poser ses valises à quelques encablures de là dans les entrepôts réhabilités des anciens Magasins généraux, situés au bord du canal de l’Ourcq. Tandis que les 800 employés apprivoisent peu à peu leur nouveau quartier, une antenne de la Bellevilloise, le lieu culturel et festif parisien, ainsi qu’un marchand de fruits et légumes non calibrés ont pris possession du rez-de-chaussée.

Phénomène similaire à Montreuil, à la lisière de Paris, où les grandes entreprises telles que la BNP, Décathlon ou Ubisoft continuent de s’installer, le plus souvent dans des immeubles verts ou des usines réhabilitées. Entre les maisons en meulière, une micro-brasserie et des ateliers d’artistes, c’est l’un des plus gros quartiers d’affaires du Grand Paris qui a poussé en quelques années, totalisant aujourd’hui plus de 20 000 employés sur 420 000 m2 de bureaux. On comprend pourquoi le restaurant-galerie d’art-showroom Ici Montreuil, installé au sein d’un vaste lieu de coworking et de création collaborative, ne désemplit pas à l’heure du déjeuner. Il est vrai que le concept bobo-bio à 12 euros le menu, pensé par le chef étoilé Bruno Viala et ouvert en janvier, a de quoi faire rêver. Y compris les Parisiens. Et animer toute une zone longtemps peu attirante, mais en passe de le devenir.

Pantin Gal-TRopac Jack PiersonParis Passerelle Aubervillier

Pantin CND
Il suffit de passer le pont… Pour bien des Parisiens, sortir des frontières du périph’ a longtemps représenté toute une aventure. Tel n’est plus le cas de ceux qui empruntent sans trembler la nouvelle passerelle qui survole la voie rapide pour se rendre à Aubervilliers. Un petit pas vers le Grand Paris déjà esquissé par le centre national de la danse, établi à Pantin dès 1998, et plus récemment par la galerie Thaddaeus Ropac.

HELLO PANTIN

Elle aussi peu séduisante à ses origines, la ZAC Landy-Pleyel, à Saint-Denis, travaille à son attractivité. Certes, elle peine encore à attirer cafés et boutiques, mais devant l’afflux de nouveaux employés, les choses semblent bouger. Cette ancienne friche industrielle de 35 hectares où se sont déjà implantés de grands noms tels Generali, GDF Suez ou Arcelor, a en effet vocation mixte, avec déjà 500 logements. Sa chance : l’éventuelle installation du village olympique au cas où Paris remporterait l’attribution des JO de 2024. Ce qui accélérera d’autant son épanouissement. Si le Nord-Est parisien a été un réel moteur de la redynamisation des banlieues, les abords de Paris comptent désormais plus d’une trentaine de quartiers d’affaires où les sièges sociaux d’entreprises françaises et internationales n’hésitent plus à s’enraciner. Selon l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Ile-de-France, un quartier d’affaires se définit d’après plusieurs critères, à commencer par un seuil minimum de 200 000 m2 de bureaux. Il faut aussi que le site, même à vocation mixte, soit constitué à minima de 50 % d’espaces destinés au tertiaire. C’est, on s’en doute, les Hauts-de-Seine, proximité de La Défense oblige, qui affichent la plus forte concentration de quartiers d’affaires de toute la région parisienne avec Nanterre Préfecture, Rueil-sur-Seine, le Point du Jour à Boulogne Billancourt. Toujours dans le 92, cette année a été marquée par l’ouverture à Montrouge du campus du Crédit Agricole “Evergreen”. Prévu pour accueillir 10 000 collaborateurs sur un domaine de huit hectares, il met en lumière le dynamisme économique de la banlieue parisienne.

BUSINESS ET CRÉATIVITÉ

D’autant qu’à l’est de la capitale, il y a aussi du nouveau. Un autre campus, celui de la Société Générale, un site de 90 000 m² de bureaux, viendra ancrer le Val de Fontenay dans sa fonction de quartier d’affaires, avec l’arrivée attendue de 5 500 salariés supplémentaires. Dans le Val-de-Marne également, le quartier des Ardoines, un site de 300 hectares sur le territoire de Vitry-sur-Seine tout près d’Orly, est en passe de devenir un centre économique de taille XXL avec, en tout, 300 000 m2 de bureaux qui hébergeront des entreprises telles qu’EDF, Air Liquide ou Sanofi. Pour autant, Vitry-sur-Seine se positionne aussi comme ville de culture et de créativité, célébrant cette année les dix ans de son fameux musée d’art contemporain, le MAC/VAL. Juste à côté, à Ivry-sur-Seine, ce sont des lieux artistiques plus décalés qui émergent comme le CREDAC, hébergé dans une ancienne manufacture, ou la salle de concert alternative Le Hangar.

Plus éloigné de la capitale, mais constituant un des points forts du Grand Paris, le site Paris-Saclay, dans l’Essonne, est déjà en partie opérationnel. Il deviendra sous peu un pôle scientifique et technologique clé, constitué autour d’établissements d’enseignement parmi les plus prestigieux de France : École polytechnique, Institut Mines-Télécom, AgroParisTech, ENSTA Paris-Tech, ENSAE ParisTech… La livraison finale de ce vaste campus devrait avoir lieu en 2018, même si la ligne 18 du Grand Paris Express qui le desservira ne sera sur les rails qu’à l’horizon 2023.

En attendant de pouvoir essuyer les plâtres du nouveau métro, que faut-il faire alors pour explorer ces quartiers en plein devenir, mais parfois difficiles à rejoindre ? Bonne nouvelle : les Cityscoot, des scooters électriques à prendre et déposer à travers la capitale, ont été mis en service en juin dernier avec une flotte d’un millier de deux-roues qui sera déployée jusqu’en 2017. Moyen nouveau, original, rapide et écolo de partir à la découverte des avancées du Grand Paris.

BLOC-NOTES

Galerie Thaddaeus Ropac, 69, avenue du général Leclerc. Pantin • Tél. : 01 55 89 01 10 • Internet : ropac.net Les docks de la Bellevilloise 1, place de la Pointe. Pantin ICI Montreuil, 135, boulevard Chanzy. Montreuil • Internet : www.icimontreuil.com MAC/VAL, Place de la Libération. Vitry-sur-Seine • Tél. : 01 43 91 64 20 • Internet : www.macval.fr Centre d’art contemporain d’Ivry (le Crédac), La Manufacture des OEillets. 25-29, rue Raspail. Ivry-sur-Seine • Tél. : 01 49 60 25 06 • Internet : www.credac.fr Le Hangar, 3-5, rue Raspail. Ivry-sur-Seine • Tél. : 01 72 04 64 25 • Internet : www.lehangar94.fr