
À Londres, pas de répit pour l’hôtellerie. Malgré les 15 000 chambres ajoutées en prévision des Jeux Olympiques de 2012, la demande ne faiblit pas pour les 1 220 établissements de la ville. Et l’on prévoit encore 12 000 nouvelles chambres sur la période 2014-2016 ! Le rythme des ouvertures est si soutenu que de mirifiques établissements tels que le Renaissance Saint Pancras, logé depuis 2011 dans l’ancien Grand Hotel de la gare éponyme, font déjà fgure de “classiques”. Il faut dire que ce lieu magistral, qui était l’un des plus chers et des plus modernes d’Europe lorsqu’il ouvrit pour la première fois en 1873 avant de tomber à l’abandon dans les années 1930, est une légende.
Il y plane un esprit victorien, une âme préraphaélite, un goût néogothique si délicats que l’on voudrait s’attarder le plus longtemps possible sous ses rosaces et ses ogives. Dans la partie ancienne composée de 34 chambres – sur 241 au total –, 18 ont “fenêtre sur gare”. C’est donc un privilège troublant et onirique que de résider devant les quais de l’Eurostar, que de pouvoir savourer ce voyage immobile vers un passé où les trajets en train étaient un événement. Un privilège qui donne accès à un autre, ouvrant les portes du Chambers Club, espace exclusif où sont servis cocktails et petit-déjeuner. Néanmoins, les chambres logées dans la partie moderne jouissent elles aussi de l’atmosphère fastueuse de ce grand hôtel d’antan, où tout le confort et la technologie du XXIe siècle semblent mis au service d’une époque révolue.
En effet, quoi de plus délicieux que de prendre un high tea dans le lobby digne d’une cathédrale, que de boire une bière comme jadis dans un bock de métal au Booking Office – l’ancien bureau de réservation mué en restaurant –, que de nager dans la piscine de l’admirable spa mauresque du sous-sol… Mais attention, on parle déjà d’un concurrent qui ouvrirait en 2017 de l’autre côté de la rue, dans un immeuble des années 70. Un hôtel Standard, issue de la très célèbre et très contemporaine lignée américaine orchestré par Andre Balazs, le propriétaire du Standard High Line à New York et du Chiltern Firehouse, très sélect hôtel londonien ouvert en 2013… Affaire à suivre, donc.
Café littéraire
Pour l’heure, et dans la catégorie des “déjà classiques”, on s’empresse de découvrir le Café Royal, ouvert en 2012 et revisitant un établissement de Regent Street fondé dans les années 1860 par un couple de Français. Fortune faite, ces deux-là firent surélever leur estaminet d’un bel hôtel particulier riche en dorures, en moulures et en vitraux. La rénovation engagée, il aura fallu cinq ans de travaux pour rassembler trois immeubles et donner vie à 160 chambres instantanément plébiscitées parmi le cercle privé des Leading Hotels of the World. Les restaurateurs du château de Windsor ont même été convoqués pour rénover la somptueuse salle du café qui attirait d’aussi prestigieux et littéraires clients qu’Oscar Wilde et Virginia Woolf.
Pour autant, tous les détails décoratifs d’origine, souvent d’inspiration Empire, se coulent dans une belle contemporanéité exprimée notamment par l’épure des baignoires en marbre gris de Carrare. Certaines suites donnant sur Piccadilly Circus ont été familièrement baptisées par les habitués les “suites télévision”, à cause de l’étonnante proximité des grands écrans publicitaires. À ne pas manquer ici, le Green Bar qui propose des absinthes et, surtout, le sublime spa doté de l’une des plus grandes piscines d’hôtels de Londres.
Parmi les nouveaux venus, on mentionnera d’abord le spectaculaire Shangri-La, installé au printemps 2014 dans le Shard, l’emblématique gratte-ciel de Renzo Piano. À partir du 36e étage, ce sont 202 chambres au luxe discret et aux têtes de lit à fleurs de cerisiers bleues qui dominent désormais la capitale britannique. Sa piscine culmine au 52e, ce qui lui vaut le titre de la plus haute d’Europe. “En raison des formes inhabituelles des chambres, liées à l’architecture, leur prix n’est pas lié à la taille, mais à leur orientation, vers la tour de Londres, le London Eye, la cathédrale Saint Paul ou encore la lointaine Battersea Power Station”, explique Marta Warren, directrice de la communication.
Paquebot sur la tamise
En plein essor, les abords de la Tate Modern et de l’hôtel de ville restent malheureusement encore boudés par la clientèle internationale toujours attachée aux quartiers plus centraux de Mayfair ou du West End. Pourtant, les choses bougent de ce côté de la Tamise. En septembre dernier, un autre hôtel ouvert non loin du Shard, le Mondrian, dont le concept a été entièrement imaginé par le designer Tom Dixon. Ce 359 chambres a élu domicile dans un immeuble des années 1970 destiné originellement à l’hôtellerie, mais qui devint pendant longtemps le siège de la compagnie de transports maritimes Sea Containers. Voilà pourquoi son esprit est délibérément “transatlantique”. Si l’architecte du lieu, Warren Platner, était américain, Tom Dixon est pour sa part sujet de Sa Majesté. C’est donc à une traversée qu’invite cet hôtel. On le comprend dès le lobby à l’immense comptoir aux airs de Nautilus, constitué de centaines de plaques de cuivre maintenues ensemble par 160 000 clous ! “Tom Dixon a gardé beaucoup de détails originaux comme les plafonds en caissons de béton, vraiment très 70’s, mais il a surtout cherché à recréer une atmosphère de croisière. Par exemple, le bar du toit-terrasse donne l’impression d’être sur le deck d’un bateau”, explique la porte-parole Ashleigh Silverman.
Construit au bord de la Tamise, le lieu se prête d’ailleurs à ce thème aquatique, ses fenêtres en forme de hublot ouvrant directement sur l’eau. “Mais il y a aussi un esprit industriel, avec des sculptures en métal de récup’, le tout adouci par un mobilier années 50 et des créations de Tom Dixon lui-même, qui resteront l’exclusivité de l’hôtel pendant deux ans”, continue la porte-parole. Pas un détail qui ne soit réfléchi, jusqu’au design des minibars, à l’extérieur gris, mais à l’intérieur rose, ce qui rappelle les costumes de la City, conservateurs en apparence seulement…
Dans la catégorie décontractée, urbaine et à prix doux, un nouvel Hoxton a ouvert en septembre dans le quartier de Holborn. Calqué sur son grand frère de Shoreditch, ce 174 chambres propose un grand lobby aux baies vitrées donnant sur la rue, où l’on boit des cafés le matin et des cocktails le soir en travaillant dans un esprit très coworking. Plus confidentiel, au fond de l’hôtel, il y a aussi “l’appartement”, un espace événementiel tout à fait atypique, et tellement moins guindé que les habituelles salles de réunions. On se croirait chez quelqu’un qui a du goût et aime le mobilier vintage, et dont on peut louer la grande cuisine spacieuse avec ses tables rondes, le salon aux canapés de velours vert, la salle à manger pour des dîners privés, et tant qu’à faire la maison tout entière.
Côté chambres, l’esprit urbain-chic et plein d’humour de l’enseigne domine, avec notamment des papiers peints imitation toile de Jouy représentant des scènes typiquement londoniennes. Pas de minibar, mais un frigo avec du lait pour le thé du matin. Une heure d’appel gratuit est offerte chaque jour vers l’Angleterre comme vers l’étranger. Ce n’est pas tout : au printemps 2015, Hoxton sort de ses frontières et ouvre à Amsterdam. Et puis en 2016, ce sera New York. Ce sera Paris aussi…
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