
1 — Partir avec un peu d’avance : le Andaz Tokyo est déjà prêt pour la quinzaine olympique qui aura le quartier de Toranomon pour théâtre festif.
Tokyo s’affaire. À l’approche des Jeux Olympiques de 2020 et dans l’attente de cet afflux de visiteurs, on restaure tant et plus, mais surtout on construit… “Cette année, 5 000 chambres d’hôtel verront le jour et au moins 2 000 autres en 2016”, raconte Hakuryo Rin, chargé de la promotion touristique de la capitale. Avant que la flamme olympique ne s’allume, c’est donc un total de 20 000 nouvelles chambres, toutes catégories confondues, qui devraient s’inscrire au palmarès hôtelier tokyoïte. Et, si le Japon doit encore s’atteler à une tâche importante, entériner un système d’étoiles flottant et non officiel, cela n’empêche pas les grands hôtels de dépasser le seuil de l’excellence pour, carrément, viser la perfection.
L’une des plus belles illustrations de cette préparation olympique est la reconstruction complète du Palace Hotel, inauguré en 1961 en prévision des J.O. de 1964 et fermé en 2009. Sublimé, magnifié, il a rouvert en 2012 sous les auspices des Leading Hotels of the World avec 290 chambres très spacieuses, alors qu’il en comptait initialement 390. Pourtant, plus que la taille, sa carte maîtresse reste toujours la même : sa situation, l’une des plus convoitées en ville, juste en face du palais impérial.
À l’abri du tumulte urbain, ses deux nouvelles tours ont été orientées vers la luxuriance des jardins de l’Empereur, et ses chambres, situées entre les 8e et 23e étages, ont pour la plupart été prolongées par de larges balcons. Un luxe quasi inédit à Tokyo auquel s’ajoute une vraie terrasse où l’on peut savourer un petit-déjeuner au bord de l’eau des douves du palais. L’eau, omniprésente, se retrouve aussi au magnifique spa Evian, l’un des quatre au monde après celui des rives du Léman, de Shanghai et de Hanoï. Cet élément offre la sensation de résider dans une oasis de nature et de raffinement. Un sentiment renforcé par la scénographie du lieu imaginée par Terry Mc Ginnity, designer australien basé à Londres et maître des espaces aérés, cloisonnés par des bibliothèques et de jolis canapés. Dans cet univers de beauté, le personnel sert le matcha – le thé vert – dans des tasses en bois laqué et évolue en kimono devant des oeuvres d’art contemporain, notamment un magnifique panneau représentant des chrysanthèmes d’un blanc immaculé.
Jardin japonais et fontaine zen
La nature, donc, semble bien être une ligne directrice parmi les grands hôtels de Tokyo. Au tout récent Aman, ouvert à deux pas du Palace en décembre dernier, la pierre de lave, le papier mâché et le bois de châtaignier ont été choisis pour habiller le lobby du 33e étage, d’une indicible beauté. D’une hauteur de 30 mètres, équivalent à cinq étages de la tour Otemachi qui héberge l’établissement, il accueille en son centre un jardin japonais et une fontaine zen. Tout au fond, les vertigineuses baies vitrées surplombant les arbres du palais impérial rappellent la tradition de l’Engawa, le “balcon du temple”, autrement dit du patio. Cette dimension contemplative, qui permet d’observer la nature et le passage des saisons, se ressent à travers tout l’hôtel, de la très belle bibliothèque jusqu’au fumoir en passant par les 84 chambres, situées entre les 35e et 38e étages, dont certaines sont équipées de baignoire en bois ancien, comme dans les onsen d’antan. “Le respect de la culture locale prévaut dans tous les Aman du monde”, souligne la porte-parole de l’hôtel, en présentant de magnifiques ikebana, ces arrangements foraux japonais d’une ravissante sobriété.
Plus loin, au sud du palais, le Andaz, ouvert en juin 2014 au sommet de l’emblématique tour Toranomon Hills, mise également sur la simplicité et les matériaux nobles. Dans l’espace dédié au check-in, au 51e étage, une immense dentelle de bois, faite de milliers de morceaux emboîtés comme un puzzle, accueille le voyageur dans une atmosphère apaisante. Sorti de l’imagination du New Yorkais Toni Chi – n’oublions pas qu’Andaz est une création du groupe Hyatt – et du Tokyoïte Shinichiro Ogata, l’hôtel marie volontiers design et tradition. Au hasard, quelques images : des oeuvres en papier Washi, un bonsaï, un broc couleur pastel posé sur une table en bois brut, des portes coulissantes évoquant les habitations traditionnelles, mais aussi des lampes Arco et des vues urbaines sur la toute proche Tokyo Tower ainsi que sur la nouvelle “tour Eiffel” locale, le Skytree. Dans les 164 chambres situées entre les 47e au 50e étages, le voyageur retrouvera un ancrage grâce à l’omniprésence du bois. À moins qu’il ne préfère les rêves, qui semblent se réaliser ici : “Nous avons récemment ouvert un restaurant de sushis à la demande de nos clients qui désiraient une expérience culinaire japonaise sans avoir à quitter l’hôtel”, explique Arnaud de Saint-Exupéry, le directeur de l’hôtel.
Si les extravagantes nouvelles adresses hôtelières attirent l’attention des voyageurs – comme des locaux d’ailleurs, les Japonais aimant à fréquenter les hôtels pour un verre ou un repas – , d’autres établissements plus anciens continuent de séduire. Parmi ceux qui ont largement fait leurs preuves, le Conrad, également conçu par Terry Mc Ginnity, plonge sur le quartier d’affaires de Shiodome, du haut d’une tour de 37 étages. Certaines de ses 290 chambres ofrent des vues sur l’immeuble Dentsu, une oeuvre de Jean Nouvel qui abrite l’une des plus grandes agences de publicité du Japon. Mais d’autres sont tournées vers la baie de Tokyo avec l’île d’Odaiba et le fameux “rainbow bridge” en toile de fond. Au premier plan, les jardins d’Hama-rikyu, l’ancien domaine de chasse des shoguns du XVIIe siècle…
Toujours d´actualité
Posé face à ce parc luxuriant, le Conrad mise aussi sur l’atout vert et la nature. Les innombrables oeuvres d’art qui l’embellissent en témoignent, comme cette sculpture métallique en croissant de lune, présente à chaque étage devant les ascenseurs, et qui se métamorphose au fur et à mesure que l’on progresse en altitude, jusqu’à atteindre sa plénitude au sommet de l’hôtel. Disons-le, le Conrad est déjà âgé de dix ans, mais n’a pas pris une ride et on le croirait volontiers flambant neuf. Le temps lui a surtout donné une très grande expérience. En témoignent l’efficacité inégalée de la conciergerie et le service impeccable, efficace et discret, notamment aux executive floors des 36e et 37e étages avec club lounge où sont servis petit-déjeuner et cocktails.
Ce sentiment que les années passent sans rien altérer – bien au contraire – se remarque également au Peninsula, d’où l’on mire les jardins du Palais Impérial depuis 2007. Résolument attentif aux besoins de sa clientèle d’affaires et toujours à la recherche des technologies les plus pointues, ce palace propose de belles surprises : affichage de l’heure locale de sa ville d’origine sur le téléphone de la chambre qui lui-même peut être synchronisé avec son propre smartphone, numéro de fax personnel pour envoyer et recevoir des messages, système ingénieux de livraison des journaux et du linge, sèche-ongles pour les femmes d’affaires pressées, magnifique spa avec piscine, terrasse et bain à remous, et bien sûr, pour ceux qui le souhaitent, mise à disposition de la légendaire flotte de Rolls Royce. Côté ambiance, le beige et l’ivoire dominent dans les 314 chambres, mais aussi dans le lobby, où trône l’emblématique sculpture de bambou intitulée Le Dragon étendu, petit clin d’oeil au feng shui et aux origines hongkongaises de la célèbre marque Peninsula.
Quant aux prochains arrivants, prévus pour 2016, que vont-ils apporter ? Le Hoshinoya Hotel, issu de la marque japonaise Hoshino, spécialisée dans les ryokans traditionnels, devrait imposer 84 chambres d’une élégance épurée. De son côté, le Prince Gallery Tokyo Kiochi, un 250 chambres qui s’apprête à ouvrir sur les vestiges de l’ancien Grand Prince Hotel Akasaka, annonce avec fierté sa pièce maîtresse : un immense jardin suspendu. À croire que Tokyo reverdit lorsque les hôtels poussent.
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