
A travers les dépenses voyages que vous pouvez observer, comment le voyage d’affaires a-t-il évolué ces derniers mois ?
Arnaud Bernet – D’après plusieurs études, le marché du voyage d’affaires a connu une baisse importante en 2020 avec un chiffre d’affaires en recul d’à peu près 9 milliards d’euros, soit – 70% par rapport à 2019. En 2021, le marché a retrouvé 40% à 50% des niveaux de 2019, selon les commodités de dépenses et il pourrait atteindre les 60 %, en 2022. Il y aura vraisemblablement encore des hauts et des bas, le retour aux volumes de la période pré-Covid n’étant pas attendu avant 2023, voire 2024. Mais beaucoup de choses auront changé entre temps, le mix va évoluer. Un certain nombre de voyages n’existeront plus et seront remplacés par d’autres choses, par exemple autour de la mobilité, nous permettant d’atteindre les niveaux précédents. Dans ce cadre, notre objectif est d’être partenaire de l’ensemble des acteurs qui peuvent apparaître au fur et à mesure de la transformation du voyage d’affaires. Ce qui peut aller jusqu’à regarder les acteurs de la mobilité intra-urbaine qui louent des trottinettes, des vélos, des voitures électriques avec l’objectif de s’assurer de la bonne acceptation de nos moyens de paiement.
Par exemple, qu’anticipez-vous comme évolutions ?
A. B. – Sans disparaître totalement, les meetings internes qui nécessitaient des déplacements sur la journée ou sur deux jours vont diminuer en nombre et pourraient être remplacés par des séjours plus longs. En revanche, pour ce qui concerne les meetings externes orientés vers la clientèle, nous ne nous attendons pas à des changements majeurs. Comme on le dit souvent, « si tu ne vas pas voir tes clients, tes concurrents le feront ». Cette nécessité fera loi et les réunions externes reprendront de façon normale une fois les contraintes levées. À ce sujet, nous avons conduit l’étude « Back to Blue » avec American Express GBT aux Etats-Unis en mai 2021. Plus de quatre voyageurs d’affaires sur cinq interrogés ont déclaré que les voyages d’affaires entraînent une augmentation de 85% des bénéfices comme des revenus.
Une solution de paiement telle que la carte logée est-elle en perte de vitesse en raison de la chute du nombre de voyages en avion ? Comment pouvez-vous compenser cette baisse ?
A. B. – American Express est un acteur historique de la carte logée et les clients sont encore très friands de cette solution. Mais évidemment, son usage a été fortement réduit en 2020 et 2021. Aussi, nous avons contrebalancé cela en adressant d’autres types de dépenses, et cela en jouant sur la valeur ajoutée que nous pouvons apporter aux entreprises en matière de trésorerie et de service. Depuis trois-quatre ans, nous avons commencé à transférer cette valeur sur d’autres commodités de dépenses telles l’intérim, les dépenses digitales, les fournisseurs stratégiques… Notre objectif est de créer un second pilier venant en complémentarité de la partie voyages. Nous observons d’ailleurs une croissance importante sur ce segment.
Depuis trois-quatre ans, nous avons commencé à transférer cette valeur sur d’autres commodités de dépenses telles l’intérim, les dépenses digitales, les fournisseurs stratégiques…
Dans les faits, comment se matérialise cette évolution ?
A. B. – Prenons un exemple, celui du travail temporaire. Ce budget peut être assez lourd, avec un volume important de dépenses sur un nombre de fournisseurs réduit. Entre l’entreprise et l’agence d’interim, nous venons positionner nos solutions de paiement dématérialisées qui permettent à nos clients de bénéficier de délais de paiement jusqu’à 58 jours, soit un réel bénéfice pour leur trésorerie. Mais cela peut concerner l’ensemble des frais généraux, les fournitures de bureaux ou encore le matériel IT qui peuvent être facilement gérer depuis un portail digital.
Est-ce une des raisons de votre partenariat récent avec Amazon Business pour une carte co-brandée ?
A. B. – Si vous prenez les grands comptes, la question historique est de savoir loger une carte dans l’agence de voyages pour pouvoir financer les déplacements. En ce qui concerne les TPE-PME, l’utilisation des moyens de paiement Amex pour financer les déplacements n’est qu’une partie de notre proposition de valeur. Ces typologies d’entreprises utilisent surtout nos solutions pour leurs achats stratégiques, pour faire vivre et développer leur activité. Par exemple, un dentiste va utiliser sa carte pour payer le fournisseur des matériaux dont il a besoin dans son activité. Cette carte co-marquée avec Amazon Business France offre aux dirigeants d’entreprise des délais de paiement de 60 à 90 jours pour leurs achats professionnels, entre autres le matériel informatique, les fournitures de bureau, les outils professionnels. Il y a une vraie volonté de diversification, tout conservant notre assise historique sur le voyage d’affaires.
La carte co-marquée avec Amazon Business France offre des délais de paiement de 60 à 90 jours pour leurs achats professionnels.
En matière de partenariat, vous avez dû voir une baisse de l’utilisation de votre carte co-brandée avec Air France.
A. B. – Il est clair qu’en 2020 et 2021, nous avons observé une baisse. D’autant plus que, si vous n’avez pas de voyage à effectuer, vous n’avez pas non plus de taxi ou de restaurant à payer. Mais nous sommes confiants. Cette carte individuelle Corporate est toujours essentielle pour les voyageurs, notamment avec ce principe de Miles gagnés pour chaque euro dépensé ou les 30 jours de délai de paiement additionnels. Ce qui laisse du temps aux entreprises de traiter les notes de frais et de les rembourser avant que leurs collaborateurs ne soient débités. Notre partenariat avec Air France, qui va fêter ses 25 ans, est extrêmement solide. Nous avons également des solutions spécifiques co-marquées avec Air France KLM pour les TPE/PME, qui offrent également des délais de paiement étendus.
Pour autant, depuis le partenariat de Mooncard avec cette compagnie, vous n’êtes plus en situation de monopole dans cette relation. En prenez-vous ombrage ?
A. B. – Nous sommes sur des usages différents. Le pilier de valeur d’Amex vis-à-vis de ses clients, c’est la possibilité de payer un fournisseur de manière flexible et agile sous 48h tout en bénéficiant d’un délai de paiement différé jusqu’à 58 jours, permettant ainsi aux entreprises d’optimiser leur trésorerie. La valeur ajoutée de nos solutions auprès des entreprises n’est pas identique.
On voit aujourd’hui un certain nombre de solutions aller vers une intégration plus grande de la partie paiement et de la partie notes de frais. Est-ce une évolution à laquelle vous vous intéressez ?
A. B. – Notre objectif est de rester les meilleurs et d’innover sur ce qu’on sait faire, c’est à dire le paiement. Nous n’avons pas choisi de développer de solution ou de logiciel en ce qui concerne les notes de frais. En revanche, nous avons choisi de nous allier et de collaborer avec tous les acteurs, que ce soit KDS, Concur, Traveldoo ou d’autres. Amex est interopérable avec eux, tous nos flux sont intégrés. Pour certaines typologies de dépenses, nous développons des partenariats avec des experts métiers, par exemple ceux des outils de notes de frais, mais aussi les GDS, les HBA.
Comment vos solutions répondent-elles à la digitalisation croissante des paiements ?
A. B. – Nous travaillons avec nos commerçants pour que notre carte individuelle soit de plus en plus acceptée en sans contact. Pour rappel, le plafond maximum de dépenses de nos cartes en sans contact étaient de 50 euros, bien avant le début de la crise sanitaire. Evidemment, nous proposons aussi le paiement mobile avec Apple Pay où vous pouvez intégrer une carte American Express, qu’elle soit pour les entreprises ou les particuliers. Enfin, pour tous les achats en ligne, nous avons développé une innovation dans le cadre de notre système d’authentification forte SafeKey, qui répond aux exigences de la réglementation PSD2. Alors que, dans les faits, l’expérience clients peut être un peu fastidieuse avec, par exemple, la nécessité d’entrer un code reçu par SMS… Et ce qui est vrai pour l’utilisateur l’est aussi pour les commerçants avec, au final, un certain nombre de transactions qui n’aboutissent pas.
Quelle est donc cette innovation proposée par American Express pour améliorer ce processus fastidieux ?
A. B. – American Express a créé quelque chose d’unique, l’Express List, qui permet aux titulaires de la carte de sélectionner une liste de commerçants de confiance, par exemple Air France KLM, Amazon, Carrefour ou Transavia. Ainsi, lorsqu’ils effectuent des achats auprès de ceux-ci, ils sont exemptés d’authentification forte, sauf bien sûr si nos systèmes détectent un risque de fraude. C’est particulièrement utile lorsque vous êtes en voyage à l’étranger.
Nous soutenons également la transition de l’industrie du voyage et du tourisme vers un avenir durable et à faible émission de carbone.
La RSE est une autre des grandes tendances actuelles. Comment American Express aborde-t-il ce sujet ?
A. B. – Nous sommes engagés pour soutenir la transition vers un futur plus durable et une économie à faible émission de carbone. Depuis 2018, American Express, de par ses actions de réduction et de compensation, contribue à la neutralité carbone de ses opérations au niveau global. Fin 2021, nous avons annoncé une accélération de nos engagements. D’ici 2035, notre ambition est d’atteindre « zéro émission nette » de carbone au niveau global, soit quinze ans avant l’horizon 2050 établi par l’Accord de Paris. Pour atteindre cette ambition, nous allons travailler avec nos fournisseurs pour qu’ils réduisent leur impact sur la chaîne de valeur de l’entreprise par le suivi, la diminution et, en définitive, la neutralisation de leurs propres émissions de gaz à effet de serre. Nous soutenons également la transition de l’industrie du voyage et du tourisme vers un avenir durable et à faible émission de carbone. Nous avons récemment rejoint la coalition « Clean Skies for Tomorrow » du Forum économique mondial, dont l’ambition est d’assurer la transition vers des carburants d’aviation durables et l’atteinte d’un transport aérien neutre en carbone. Dans le même ordre d’idée, nous sommes entrées au Conseil sur le tourisme durable du Forum économique mondial, qui regroupe des dirigeants de gouvernements, d’entreprises et d’universités, afin de faire progresser l’innovation en matière de tourisme inclusif et durable.