
Comment s’est passée la mise en place d’une liaison à l’année entre
Paris et Toulon, annoncée récemment par easyJet ?
Chivoine Rem – Cela s’est fait en deux étapes. Le 28 juin, nous avons accueilli easyJet pour la première fois sur la plateforme pour l’ouverture de la ligne vers Paris CDG. Puis il y a eu une annonce assez rapidement, mi-juillet, concernant la prolongation à l’année de la ligne vers Paris CDG et, en parallèle, l’ouverture d’une ligne sur Orly qui s’avère structurante pour notre réseau
Que représente la clientèle affaires, qui semble ciblée par ce lancement ?
Chivoine Rem – Le trafic sur l’aéroport Toulon Hyères est plutôt...
Comment s’est passée la mise en place d’une liaison à l’année entre
Paris et Toulon, annoncée récemment par easyJet ?
Chivoine Rem – Cela s’est fait en deux étapes. Le 28 juin, nous avons accueilli easyJet pour la première fois sur la plateforme pour l’ouverture de la ligne vers Paris CDG. Puis il y a eu une annonce assez rapidement, mi-juillet, concernant la prolongation à l’année de la ligne vers Paris CDG et, en parallèle, l’ouverture d’une ligne sur Orly qui s’avère structurante pour notre réseau
Que représente la clientèle affaires, qui semble ciblée par ce lancement ?
Chivoine Rem – Le trafic sur l’aéroport Toulon Hyères est plutôt équilibré. Durant l’hiver, on compte un tiers de passagers business, un autre pour le loisirs et un troisième pour le marché VFR (famille et proches). Cet équilibre explique d’ailleurs la résilience de nos lignes au cours des derniers mois. En été, forcément, des voyageurs loisirs viennent s’ajouter et déforment un peu cette proportion.
La demande porte-t-elle sur des liaisons point à point ou en correspondance ?
Chivoine Rem – La demande concerne l’un et l’autre. L’ouverture d’easyJet vers CDG était importante car elle permettait de reconnecter l’aéroport à un hub tourné vers l’international. C’est très intéressant pour les entreprises locales qui ont des clients partout dans le monde, à l’image de Naval Group et de CNIM… Mais l’axe Paris-Orly est aussi très structurant parce que le lien avec Paris est essentiel.
Les vols domestiques n’ont pas bonne presse depuis plusieurs mois. Avez-vous craint qu’easyJet ne renonce ?
Chivoine Rem – La limite a été fixée à des trajets en train de 2h30, et le temps de train entre Paris et Hyères atteint plutôt 4h30, voire 5h. Il est donc difficile pour les entreprises de faire des allers-retours rapides en train, et la liaison aérienne entre Paris et Toulon prend tout son sens.
Le train n’est pas votre seul concurrent : comment exister à proximité de deux plateformes comme Nice et Marseille ?
Chivoine Rem – En effet, nous avons des concurrents importants. L’enjeu pour nous consiste à développer une offre un peu différente, qui permette de desservir le Var à l’import et à l’export, et une expérience passager plus facile, plus confortable, par rapport à des concurrents qui n’ont pas la même échelle en termes de trafic, ni la même expérience clients.
D’autres ouvertures de lignes stratégiques sont-elles prévues ?
Chivoine Rem – Nous travaillons sans cesse à connecter le territoire. L’objectif au cours des prochains mois sera déjà de parvenir à ouvrir la ligne vers Londres Gatwick qui a été repoussée du fait des mesures sanitaires. Ce sera important pour le tourisme, mais aussi pour les entreprises, qui nous parlent régulièrement de leur besoin d’aller à Londres.
Penser l’avenir de cette plateforme sur un temps long
De nouvelles infrastructures, de nouveaux services sont-ils à attendre au sein de l’aéroport ?
Chivoine Rem – L’avantage de l’aéroport de Toulon Hyères, c’est que la concession s’étend jusqu’à 2040 : cela nous laisse la possibilité de penser l’avenir de cette plateforme sur un temps long. Pour l’instant, nous sommes focalisés sur la reconstruction du trafic, l’accompagnement de la reprise après les difficultés rencontrées par le secteur aérien pendant la crise. A mesure que la reprise arrivera, nous pourrons nous projeter et investir. L’un de nos objectifs consiste à développer l’aviation d’affaires, qui est la partie moins connue de l’aéroport. Ce qui permettrait, en complément des lignes commerciales, d’offrir une connectivité aux voyageurs d’affaires beaucoup plus large, vers l’ensemble de la planète.
N’y a-t-il pas déjà une telle offre à Saint-Tropez ?
Chivoine Rem – L’aéroport y est plus petit, et avec plus de restrictions en termes d’accueil des appareils, alors que nous pouvons accueillir tous les types d’avions d’affaires. Toulon est vraiment la porte d’entrée du Var pour l’aviation d’affaires. D’ailleurs, la moitié de nos vols sont des opérations d’aviation d’affaires.
Un écosystème industrialo-militaire qui se diversifie
Quelles sont les lignes commerciales qui ont le plus de succès ?
Chivoine Rem – Forcément, la ligne la plus structurante est celle vers Paris, à la fois Orly et CDG. Mais nous avons aussi des lignes très liées à la typologie historique de l’économie toulonnaise, qui s’est construite autour de la marine nationale, et d’un écosystème industrialo-militaire qui se diversifie néanmoins avec l’intelligence artificielle, les systèmes embarqués, etc. Par exemple, nous avons désormais avec Transavia une ligne à l’année sur Brest qui répond aux besoins de connexion des marins et de tout l’écosystème de la marine. De la même façon, nous avons aussi des vols charters affectés par certaines entreprises, notamment Naval Group, pour connecter Cherbourg et Toulon. Notre objectif est de répondre à ces types besoins, d’aider les entreprises à se développer en se projetant plus loin qu’à l’échelle régionale.
Comment a évolué le trafic au cours des dernières années, et notamment pendant la crise sanitaire ?
Chivoine Rem – Nous accueillons en temps normal entre 500 000 et 600 000 passagers par an. Nous avons perdu de l’ordre de 60 % du trafic pendant la crise, mais l’aéroport de Toulon est plutôt résilient, et la reprise depuis mai est assez nette, pour tous les types de clients, avec un trafic quasi-normal.
L’avenir de l’aéroport n’est donc pas menacé ?
Chivoine Rem – L’aéroport est une infrastructure très importante pour le territoire. Il y a un marché spécifique à Toulon Hyères, qui a vocation à être développé, pérennisé. Nous avons d’ailleurs des capacités d’accueil qui sont de l’ordre de 1,5 million de passagers. Il y a donc encore une marge de développement de l’activité. A cet égard, l’arrivée de nouveaux clients après la crise, en particulier Transavia sur Orly, en plus des lignes vers Nantes et Brest, mais aussi easyJet, tout cela nous apporte une nouvelle typologie de voyageurs, autant sur le loisir que sur le voyage d’affaires. D’ailleurs, l’évolution de l’offre easyJet au cours des dernières années a intégré une vraie réflexion à destination de la clientèle affaires. Et la pérennisation de la ligne Transavia vers Brest nous montre aussi que ces compagnies sont de nouveaux leviers de croissance, que nous n’avions pas précédemment.
Après avoir longtemps compté sur Air France, les aéroports en régions s’appuient donc aujourd’hui avant tout sur les compagnies low-cost ?
Chivoine Rem – Ce n’est pas tant nous qui misons sur les low-costs que le marché qui évolue ainsi structurellement, et le groupe Air France s’adapte à cette évolution. De notre point de vue, ce sont des acteurs qui vont nous permettre de tester davantage de choses, de nouvelles lignes, avec une approche tarifaire différente. Cela permet de démocratiser encore davantage le transport aérien, et donc de générer du trafic. Cette nouvelle donne nous offre la possibilité de nous développer, de retrouver le trafic d’avant la crise, et même d’aller plus loin.
Cette évolution a-t-elle un impact sur l’organisation de l’aéroport, en termes de services notamment ?
Chivoine Rem – C’est forcément quelque chose que l’on suit, qui mérite une réflexion sur le long terme. Toulon est un aéroport un peu spécifique dans la région, nos passagers affaires ou loisirs n’expriment pas véritablement de besoin pour un salon d’aéroport par exemple. Ils privilégient plutôt une facilité de parcours qu’ils ne trouvent pas dans d’autres aéroports, la possibilité d’avoir un parking au pied de l’aérogare… C’est un confort pour ces passagers en termes d’efficacité, d’utilisation de leur temps, avec un service beaucoup plus personnalisé. On peut aussi proposer la location d’espaces de réunions à ceux qui en ont besoin.
Les problèmes de circulation n’affectent-ils pas cette « expérience passagers » ?
Chivoine Rem – Effectivement. Il faut être conscient que l’aéroport dessert non seulement Toulon, mais aussi l’ensemble du Var, avec un arc très large. Temporairement, la circulation allonge un peu l’expérience passager. Mais se rendre à Nice ou à Marseille est encore plus compliqué. Forcément, plus l’aéroport est accessible, connecté, plus nous pouvons développer l’activité. Nous travaillons là-dessus avec les pouvoirs publics, et il y a le projet d’un RER métropolitain qui a vocation à se développer. Plus localement, il y a un projet porté par la mairie de Hyères qui a pour objectif de relier la gare, le port et l’aéroport sur cette commune très étendue.
Avez-vous constaté un effet « télétravail » ces derniers mois ?
Chivoine Rem – Nous n’avons pas encore assez de recul, il n’y a pas vraiment de données, d’enquêtes actualisées. Mais clairement, le Var a une carte à jouer dans le cadre de ces mutations d’habitudes de travail. D’ailleurs, le développement d’une offre de télétravail spécifique fait partie de la stratégie du territoire.
Quartier d'affaires : Toulon
La rade du futur se construit à Toulon
Toulon : destination télétravail
Interview : Sylvie Parcineau, CCI du Var
- Interview : Chivoine Rem, Directeur de l’aéroport Toulon Hyères