Interview : Tristan Dessain-Gelinet, directeur de Travel Planet

Travel Planet mise sur un volume d'affaires de 120 à 130 millions d'euros en 2017. Tristan Dessain-Gelinet, directeur de l'agence de voyages d'affaires, explique sa stratégie pour les mois à venir. Une feuille de route qui mise beaucoup sur les nouvelles technologies, sur le contenu, et qui passera par une phase de croissance externe.
Travel Planet
Tristan Dessain-Gelinet, Directeur de Travel Planet

Comment résumer Travel Planet en quelques chiffres ?

Tristan Dessain-Gelinet – Travel Planet a atteint un volume d’affaires de 70 millions d’euros en 2016. Sur la base des contrats déjà signés, nous misons sur 120 à 130 millions pour cette année. Le taux de transactions online, qui fait notre spécificité, atteint 83% tous clients et toutes prestations confondus.

Quelles sont les nouveautés de l’agence ?

T. D.-G. – Nous avons lancé et généralisé le portail d’accès Click & Control pour l’ensemble des services. Il permet aux travel managers, aux chargés de voyages et aux voyageurs d’accéder au Self Booking Tool (SBT), mais aussi aux factures qui les concernent, à la business intelligence filtrée par rapport aux voyages effectués ou programmés, et selon leur niveau d’accès. La plateforme intègre également un outil de suivi du voyageur et de communication en direct. Nous lançons la réservation en ligne des services qui n’existent pas dans le SBT, comme les VTC, et nous sommes en train d’ajouter différents services sur notre portail, via des liaisons directes avec le fournisseur. L’avantage, c’est que nous ne sommes plus liés à la vitesse de développement du SBT.

Avec quel outil de réservation travaillez-vous ?

T. D.-G.  Principalement l’outil AETM d’Amadeus, mais nous étudions aujourd’hui d’autres systèmes. Désormais, le SBT n’est qu’une brique de notre portail Click & Control. Si nous changions le SBT, l’accès au portail, la mécanique, les mots de passe, les profils demeureraient inchangés pour l’utilisateur. Cela nous garantit autonomie et souplesse, sans avoir à impacter le client. Nous n’allons pas refaire ce qui fonctionne dans le SBT, il serait idiot de vouloir réinventer la roue. Par contre, en ce qui concerne les services dits annexes, qui seront très longs à intégrer nous passons des contrats qui nous permettent d’aller chercher et d’exposer directement un contenu pertinent. Tout est plus transparent pour l’utilisateur.

Le contenu d’un acteur comme Airbnb fait-il partie des services que vous ciblez ?

T. D.-G. – Absolument, des acteurs comme Airbnb ou Sweet Inn, ou encore des outils de réservations pour les salles de réunions.

Nous étudions des pistes de croissance externe en Europe

Quels sont vos dossiers prioritaires pour 2017 ?

T. D.-G. – Nous allons continuer à travailler sur le contenu, en augmentant les services annexes proposés. En ce qui concerne le back office, l’accent sera mis sur la transmission automatisée des données depuis la réservation jusqu’à la facturation. Nous avons fait plus de 300 000 factures l’an passé, il y a donc un enjeu majeur en termes de process. Nous étudions également des pistes de croissance externe en Europe, qui seront annoncées dans le courant de cette année. Il s’agira d’une agence de taille moyenne, comme l’était Travel Planet il y a deux ans environ. Nous lui apporterons l’ensemble de notre savoir-faire et de notre contenu, et nous aurons ainsi accès à leur connaissance du marché concerné, et aux contacts nécessaires.

Quel est le profil de vos clients ?

T. D.-G. – Nous ciblons les grands comptes. Le marché des TMC ne se répartit plus comme c’était le cas il y a encore trois ou quatre ans, quand les gros clients étant réservés aux agences internationales. Ce n’est pas la taille de l’entreprise qui fait l’enjeu, mais plutôt son offre, sa souplesse, sa capacité de traitement. Aujourd’hui, nous travaillons sur des budgets voyages qui vont de 1 ou 2 millions d’euros, jusqu’à 35 ou 40 millions de volumes d’affaires par an. En deçà de 150 000 euros de déplacements annuels, une entreprise n’a pas besoin d’agence. C’est injustifiable, contrairement à ce que certaines agences déclarent. Entre 150 000 euros et 800 000 euros, il s’agit de PME de taille conséquente, dans lesquelles il n’y a pas encore de structuration. Les individualités bloquent un certain nombre d’automatisation dans les process. Au-delà du million, il y a une nécessité de structuration, une volumétrie qui nécessitent un travail de gestion de flux, l’application de règles. Dans ce cas là nous sommes parfaitement adaptés. C’est d’ailleurs ce que l’on sait faire mieux que les autres : prendre les règles de l’entreprise et paramétrer exactement l’outil en fonction, car nous avons les ressources en interne en termes de développement, de paramétrage, de support clients. Le tout en essayant de nous différencier à travers une offre de contenu la plus large possible, alors que le marché a tendance aujourd’hui à se limiter au contenu automatisé.

Les principales TMC ont pourtant officialisé des accords avec Airbnb au cours des derniers mois…

T. D.-G. – Un accord qui consiste à proposer un compte TMC pour faire une réservation sur Airbnb, je n’appelle pas cela un accord. Les TMC auront véritablement réagi quand elles seront capables d’agréger elles-mêmes le contenu, et de le proposer en appliquant la politique voyages et la gestion des profils dans le système de réservation.

Travel Planet sera donc être en mesure de procéder de la sorte ?

T. D.-G. – Bien sûr. Nous ne signons que des accords qui prévoient ce type de fonctionnement.

Le statut de l’agence de voyages d’affaires est-il menacé selon vous ?

T. D.-G. – Tout dépend de ce que recherche le client, l’entreprise. Se satisfait-elle d’un open booking qu’elle ne peut pas contrôler, ou a posteriori via des systèmes de notes de frais ou de cartes affaires ? Il y a une véritable guerre entre deux approches qui sont totalement en opposition : les notes de frais ou la TMC. L’entreprise peut choisir d’autoriser ses voyageurs à réserver comme ils le souhaitent, et se dote alors d’un outil de notes de frais qui rassemble l’information et qui permet de traiter la donnée. C’est une tendance importante aujourd’hui, le rachat de Cytric par Amadeus s’inscrit dans cette dynamique. Cela s’explique parce que les TMC, qui devraient être le bon intermédiaire en amont, n’arrivent pas à proposer une alternative opérationnelle convaincante pour les voyageurs, habitués à davantage de choix dans la sphère privée. Les agences doivent prendre conscience qu’il faut intégrer à ses équipes des personnes dont le métier n’est pas la billetterie. Cela pose un problème au niveau de l’existence même des TMC à plus ou moins long terme. Si la TMC doit se réduire au périmètre de l’émission des billets, a fortiori des billets simples, elle n’est plus nécessaire à terme. C’est donc l’intermédiaire qui sautera s’il n’y a pas une vraie prise en main.

D’autres maillons de la chaîne business travel sont ils menacés ?

T. D.-G. – Il y a un certain nombre d’intermédiaires dont on pourrait se passer, et qui coûtent très cher. Au premier rang desquels figurent les cartes logées. Il y a de vraies questions à se poser. Les TMC devraient prendre en main les problématiques de financement de leur fond de roulement. Nous sommes en train de développer notre propre carte logée avec la Société Générale, qui nous coûte dix fois moins cher que ce qui est proposé par les leaders du secteur. Cette réduction se retrouve forcément dans la chaîne. Comment justifier qu’une avance de frais de quarante jours soit facturée entre 1,85 et 1,95 % quand les taux d’intérêts sont nuls ?

Travel Planet poursuit sa progression, notamment auprès des grandes entreprises

Comment trouve-t-on l’équilibre entre la technologie et l’humain ?

T. D.-G. – De la même manière que ce qui se passe dans le monde du voyage loisirs : quand la complexité fait que les réponses proposées par les systèmes automatiques ne sont plus satisfaisantes, on fait appel à une agence. Nos équipes dédiées sont accessibles en 24/7 grâce à notre filiale de Melbourne qui prend le relais quand les bureaux français sont fermés. Dès lors qu’il ne reste que 15% du volume à traiter en offline, cela dégage beaucoup de temps pour le faire de façon qualitative.

Jusqu’à quel point l’expertise humaine dépassera-t-elle l’intelligence artificielle ?

T. D.-G. – Plus l’intelligence artificielle sera performante, plus on l’utilisera, et plus nos équipes seront satisfaites. Aussi puissante soit-elle, l’intelligence artificielle ne remplacera jamais l’interface humaine. En 2134, peut-être, mais nous ne serons plus là pour en témoigner… Il y aura toujours des cas complexes à gérer, il faudra toujours une analyse humaine. C’est une erreur majeure d’opposer les deux notions. Au regard de notre croissance et du nombre de clients que nous intégrons, nos équipes offline sont les premières ravies du taux d’adoption du online. Pendant des années, on a opposé le online aux équipes offline. Car les TMC n’avaient pas les ressources technologiques pour intégrer le online. En outre, cela s’est produit à volume d’affaires constant. Il n’y a qu’à observer les conséquences récentes sur l’emploi dans certaines agences… Travel Planet continue à recruter mais les équipes offline représentent 40% de nos effectifs, car ce n’est plus notre seul métier. On ne doit pas réinventer notre métier, c’est presque déjà trop tard. Les stratégies et les ressources internes des TMC sont totalement inadaptées à la demande du client.

Notre industrie est en danger si elle n’est pas capable de proposer une véritable offre alternative

Comment décririez-vous donc le rôle d’une TMC aujourd’hui ?

T. D.-G. – Une SSII du voyage, capable de gérer des flux, de les mettre à disposition du client, de rechercher des contenus et de les exposer. Du point de vue du voyageur, il nous faut être aussi performant qu’un outil BtoC, aussi attractif. L’ergonomie est un point clé. Il faut que nos voyageur aient envie de venir chercher l’information chez Travel Planet, et non qu’ils n’y soient contraints. Il s’agit aussi de négocier avec les compagnies, de les challenger sur différentes routes, de mettre en avant certaines offres. C’est aussi la gestion de la data : chaque jours, nous récupérons 3 millions de données liées à toutes les réservations qui ont eu lieu.

Les entreprises ne se contentent-elles pas de regarder le coût de l’agence, plutôt que la valeur ajoutée de chaque acteur ?

T. D.-G. – Pendant longtemps, la seule La seule chose qu’une TMC pouvait valoriser par rapport à sa concurrente, c’était des frais plus bas. Notre industrie souffre d’un manque d’offre, nous ne pourrons pas être les seuls à faire évoluer ce marché, il va falloir que d’autres agences s’y mettent. Notre industrie est en danger si elle n’est pas capable de proposer une véritable offre alternative, suffisamment large pour faire évoluer la vision des utilisateurs.