
Voilà maintenant un bout de temps que la physionomie de Londres s’est radicalement transformée. Les J. O. de 2012 sont passés par là, apportant leur lot de nouveaux totems : The Orbit d’Anish Kapoor, serpentin rouge et métallique haut de 115 mètres, le très féminin London Aquatics Centre de Zaha Hadid et ses courbes élégantes ou encore le Shard de Renzo Piano, un éclat de verre anguleux qui domine la City du haut de ses 310 mètres. Une profusion de nouveaux emblèmes donc, mais aussi un foisonnement de chantiers et de grues qui percent encore aujourd’hui l’horizon. Parce que Londres nourrit, plus que jamais, de grands projets, à l’image du Crossrail 1, un réseau express d’une quarantaine de stations dont les travaux ont commencé en 2009 et qui devrait relier en 2018 l’Est à l’Ouest londonien sur plus de 100 kilomètres. Coût du projet : 15 milliards de livres, soit plus de 20 millions d’euros. En attendant la suite et le Crossrail 2, son pendant Nord-Sud, à l’horizon 2030. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi la ligne ferroviaire à grande vitesse entre Londres et Manchester, dont le premier tronçon ouvrira en 2016 pour un investissement de plus de 40 milliards de livres.
Côté architecture, les choses bougent également, avec un concept qui fait déjà florès à Londres : la revitalisation. “À cet égard, les J.O. ont été très importants. Ils ont été le prétexte à la création d’un héritage urbain, explique Barbara Jamison, directrice du Business Development Europe de London & Partners. Ils ont permis de développer et de régénérer des quartiers déshérités comme Tower Hamlet et Hackney dans l’est de Londres. Les installations olympiques se transforment entre autres en espaces de bureaux et de domiciliation d’entreprises.” Pour les autorités locales, les 33 boroughs londoniens font dorénavant partie d’un ensemble où chaque élément doit affirmer son existence propre, sa singularité. “Avant les J.O., Londres était avant tout perçue comme une ville de finance. Aujourd’hui les priorités se sont modifiées. D’autres secteurs émergent, le sport bien sûr, mais aussi la technologie, la santé, les sciences…”, poursuit Barbara Jamison.
Pink Floyd et Norman Foster
Parmi les quartiers en passe de retrouver une âme, il y a Wandsworth, au sud-ouest, avec la Battersea Power Station, ancienne centrale électrique légendaire avec ses quatre cheminées blanches qui figurent sur la pochette de l’album Animals des Pink Floyd, sorti en 1977. Sur ce site de 16 hectares, desservi prochainement par une nouvelle station de métro de la Northern Line, surgiront des logements, des espaces commerciaux, des bureaux et des parcs. Le consortium malaisien à la tête de ce vaste programme de huit milliards de livres a même invité quelques stars de l’architecture comme Norman Foster et Frank Gehry. “L’étonnant, c’est que l’on construise encore au coeur de Londres. Mais c’est une ville tellement étendue – environ 15 fois plus que Paris – qu’on y trouve encore des espaces à reconvertir, explique Florence Gomez, directrice générale de la chambre de commerce française de Grande-Bretagne. À Earl’s Court, au sud-ouest du centre, l’ancien parc des expositions va aussi être reconverti afin d’accueillir un projet résidentiel, culturel et commercial, pour une somme là aussi de huit milliards de livres.” Commencés en 2013, les travaux ne devraient s’achever qu’en 2033, avec plusieurs phases d’ouverture. “En tout, ce seront 7 500 logements, avec aussi la création d’une nouvelle ‘high street’ à l’image des grandes artères londoniennes telles Regent ou Oxford Street. Il y aura également des écoles, des espaces dédiés au sport et à la culture, des jardins…”, précise Florence Gomez.
Si bon nombre de quartiers en réhabilitation ont une vocation mixte, celui de Shoreditch, dans l’East London, est quant à lui centré sur un domaine d’activité bien spécifique : les hautes technologies. Ayant pendant longtemps abrité le siège de British Telecom, Shoreditch s’est développé de manière quasi organique autour des technologies de l’information, encouragé en cela par l’initiative gouvernementale Tech City, lancée en 2010. Grâce à l’inauguration, peu avant les J. O., de la station de High Street Rail Station, le quartier mieux relié au reste de la ville a attiré start-ups et incubateurs. On en comptait 200 en 2010. Ils sont aujourd’hui plus de 2 000 à évoluer entre les boutiques de mode et les cafés bohème-chic.
“En ce moment, le secteur des logiciels et des technologies de l’information et de la communication est l’un des plus profitables. Depuis 2013, il représente environ 10 % du PIB du Royaume-Uni et on s’attend à une croissance annuelle à deux chiffres pendant plusieurs années”, remarque Hervé Grella, directeur de la communication et du marketing au sein de UK Trade & Investment, agence pour l’aide à l’implantation des entreprises étrangères en Grande-Bretagne. Londres s’affirme aujourd’hui comme le plus grand cluster technologique en Europe, le dernier lieu de rencontre entre start-ups, espaces de coworking et géants d’Internet comme Google, Facebook ou Twitter. “Si le secteur de la finance est en train de redécoller et de retrouver des performances proches de celles de 2008, Londres connaît de profonds changements structurels. Le dynamisme est très palpable, et pas seulement dans la City”, analyse Hervé Grella.
La nouvelle voix de King’s Cross
Participant à cette énergie positive, le quartier de King’s Cross, non loin de Shoreditch et de la gare Saint Pancras, est en passe de devenir le point de convergence entre les secteurs de la technologie, de la recherche scientifique et de la créativité. Le renouveau du quartier a débuté en 2005 grâce aux 500 millions de livres alloués à la rénovation de la gare de King’s Cross, qui dessert la côte Est de l’Angleterre. Une conservation qui a d’ailleurs été couronnée par un prix du patrimoine culturel de l’Union Européenne. Les 27 hectares de ce site post-industriel ont commencé à se repeupler grâce à des universités comme l’école d’art Central Saint Martins ou le centre de recherche biomédical du Crick Centre. En attendant bientôt l’Alan Turing Institute, spécialisé dans les données informatiques.
Google prend ses quartiers
Ce “Knowledge Quarter”, ce “quartier du savoir” voit ses rues encore en construction s’animer doucement. Étudiants lookés et professionnels pressés s’engouffrent chaque jour dans la nouvelle station de métro aux allures très 2001, l’odyssée de l’espace. D’autres flânent autour du Regent Canal récemment aménagé, ou vont chercher leur burrito coréen dans l’un des food trucks alignés face à un ancien dépôt de charbon. Mais la véritable révolution de King’s Cross aura lieu en 2016, lorsque Google installera son QG européen dans un bâtiment de 650 millions de livres. “C’est un gros investissement, car nous souhaitons nous engager de plus en plus en Grande-Bretagne, là où les premiers ordinateurs ont vu le jour et où le web a été inventé”, a déclaré Matt Brittin, vice-président Europe du Nord du géant américain.
Le formidable dynamisme londonien fait saliver les entreprises étrangères. “Il y a ici une politique fiscale avantageuse pour les entreprises. Le niveau d’imposition, qui était d’environ 25 % ces dernières années, est passé à 21 % et devrait encore baisser à 20 %, contre 33 % en France”, reprend la directrice de la chambre de commerce française. De plus, le taux de chômage situé autour des 6 % constitue également un facteur attractif. Il faut pourtant savoir que les personnes employées à temps partiel ou même pour quelques heures par mois sont considérées comme actives, ce qui fait largement chuter les courbes du chômage en Grande-Bretagne. Qu’à cela ne tienne, les Français s’implantent et investissent. L’Hexagone est d’ailleurs le premier investisseur européen au Royaume-Uni et le troisième au plan mondial. On dit même que les Français seraient plus de 200 000 à vivre à Londres… Question : qualitativement, vivent-ils mieux ou moins bien qu’à Paris ?
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