
Economie – New start city
Fin 2013, New York a battu deux records avec quatre millions d’emplois et plus de huit millions d’habitants. Mais ce n’est plus seulement Wall Street, ou l’assurance, ou l’immobilier qui font son attractivité. Les hautes technologies et la douceur de vivre prennent le relais.
Fulton Street, au sud de Manhattan ; une monumentale cage de verre deviendra bientôt l’un des points névralgiques du trafic souterrain newyorkais. Malgré le traumatisme qui a secoué le Financial District lors du passage de l’ouragan Sandy en octobre 2012, les travaux de la station de métro se poursuivent. On n’arrête pas New York comme ça ! Sur l’ancien site de Ground Zero, le 4 World Trade Center est enfin opérationnel. C’est la première des nouvelles constructions, conçue par Fumihiko Maki, architecte japonais couronné par le prix Pritzker. Le One World Trade Center qui se termine est d’ores et déjà la plus haute tour des États-Unis. Et en 2015, les premiers locataires s’installeront derrière ses facettes miroitantes qui s’élancent à 1776 pieds – en référence à l’Indé pendance –, soit un peu plus de 540 m au-dessus de la canopée des autres gratte-ciel. La prestigieuse société d’édition Condé Nast en fait partie, qui délaissera son siège de Times Square.
C’est dans ce dynamisme débordant que New York vient d’établir de nouveaux records. En décembre 2013, on comptabilisait quatre millions d’emplois tous boroughs confondus (Manhattan, Brooklyn, Queens, Staten Island et Bronx). “Cela n’était jamais arrivé, même dans les années 60, quand la ville était au comble de sa prospérité”, explique Michael Moynihan, chef économiste à la New York City Economic Development Corporation (NYCEDC). Depuis 2009 et la fin de la “grande récession”, le nombre d’emplois ne cesse d’augmenter chaque mois. En parallèle, la population vient d’atteindre les 8 336 697 âmes. “New York attire de plus en plus, notamment depuis que l’économie de la ville ne se concentre plus uniquement sur la finance et les assurances, évolution que le nouveau maire Bill De Blasio semble vouloir consolider”, continue Michael Moynihan.
Cette tendance a donné son élan à de nouveaux secteurs, notamment ceux des sciences appliquées et des hautes technologies, encouragés par le projet d’un gigantesque campus sur Roosevelt Island, fruit d’une collaboration entre la Cornell University et l’université israélienne de Technion. “L’ouverture d’une première phase devrait avoir lieu dans les prochaines années et fera de New York une capitale des hautes technologies”, reprend Michael Moynihan. Déjà, on recense 131 700 emplois directs dans un domaine qui progresse plus de deux fois plus vite que le reste du secteur privé. Mais la technologie n’est qu’une des facettes des nombreuses “industries créatives” forissant dans la mégapole. Le design au sens large, qui inclut aussi bien la mode que l’architecture, reste très présent grâce à des écoles comme Parsons School of Design, Pratt ou FIT qui forment environ 4 000 diplômés par an. 20 % d’entre eux créeront leur propre entreprise, dont 90 % seront établies à New York.
Car c’est ici que ça se passe. À Brooklyn, précisément. Si, pendant des décennies, les activités se sont concentrées à Manhattan, les quatre autres boroughs réclament aujourd’hui leur part de gloire. Premier à avoir tiré son épingle du jeu, Brooklyn est presque devenu une ville dans la ville. Les quartiers de Park Slope, Williamsburg et Dumbo ont déjà dépassé le stade de “l’hipstérisation”, bientôt suivis par celui de Bushwick. À Dumbo, sous le Brooklyn Bridge autrefois malfamé, les lofts de rêve et les entreprises innovantes s’épanouissent. C’est là que s’est installé Etsy, site de vente de mode en ligne qui fait fureur aussi bien en Amérique du Nord qu’en Europe. Ce type d’entreprise, qui débute de façon artisanale et explose rapidement, naît souvent sous l’impulsion d’une idée originale, typiquement new-yorkaise. C’est aussi le cas de Marimacho, une ligne de vêtements masculins pour les femmes.
Brooklyn prend de la hauteur
À Brooklyn, les initiatives encourageant des entreprises de niche ne sont pas rares. Depuis la fin des années 80, le Brooklyn Army Terminal (BAT), un arsenal datant de 1918, accueille petites et moyennes entreprises dans de vastes espaces aux loyers abordables. Aujourd’hui, 34 000 personnes travaillent dans ce gigantesque vaisseau. Aussi bien de jeunes start-ups que des entreprises classées Fortune 500. Et ces initiatives ont certainement contribué au boom économique de Brooklyn : de 2002 à 2012, les emplois du secteur privé y ont progressé de 19,4 %. Bien plus qu’à Manhattan (8,7 %). Et les autres boroughs ne sont pas en reste. Sur la même période, selon le département du travail de l’état de New York NYSDOL, le Bronx a enregistré une hausse de 12,6 %, le Queens de 10,5 % et Staten Island un petit 6,7 %. Cette île languide, où l’on n’allait autrefois que pour la féérique traversée en ferry, connaît un début de renouveau. Depuis la réussite du stade des Staten Island Yankees au début des années 2000, d’autres projets se profilent. En 2015 devrait être inauguré le Staten Island Eye, roue géante qui rivalisera avec celles de Londres et Singapour.
Chaque borough cherche donc une façon d’attirer. Le Bronx surfe sur la vague du locavore – le “manger local” – et des produits alimentaires haut de gamme. On y ouvre même des fermes urbaines. “Cette tendance démontre qu’il y a un nouvel essor du secteur manufacturier, explique Andrea Moore, économiste à l’entité responsable du développement de New York NYCEDC. Même s’il ne représente que 3 % des emplois.”
Car 60 % des jobs new-yorkais sont encore générés par les trois surpuissants moteurs des FIRE (Finance, Insurance, Real Estate – fnance, assurance, immobilier). Cependant, ce chifre est en recul. Alors qu’ils participaient pour 14 % des emplois du secteur privé en 1990, ils n’en représentaient plus que 9,3 % en 2013. “D’autres secteurs se développent, souligne Andrea Moore. New York est entré dans une véritable nouvelle phase.” Car la mégapole possède bien des richesses ; sa culture évidemment, mais sa qualité de vie aussi, de plus en plus grande d’ailleurs. Les améliorations en ce sens vont bon train : aménagement de parcs, de pistes cyclables, ouverture d’un nouveau tronçon de la High Line – cette coulée verte suspendue sur d’anciennes voies ferrées désafectées – à proximité du futur musée Whitney conçu par Renzo Piano et prévu pour 2015…
Tout change, et en mieux. Ce qui explique les 54,3 millions de visiteurs en 2013, qui ont généré un impact économique de 58,7 milliards de dollars selon l’office de tourisme NYC & Company. Et cette attractivité ne laisse pas les Français indiférents. “New York est un modèle pour les grandes entreprises hexagonales, notamment dans le domaine du retail, explique Caroline Durakovic, conseillère export à Ubifrance New York. Ici, on ne se contente pas de vendre un produit, on offre une expérience, un rêve.” Le rêve new-yorkais, celui qui mène à de grands et beaux départs…
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