
Motiver ses équipes et fidéliser ses clients fait partie des préoccupations des entreprises. Depuis une dizaine d’années les challenges de toutes sortes, les voyages à l’autre bout du monde et les soirées événementielles sensées surprendre et souder les salariés battent un peu de l’aile. Car, sur fond de crise économique, de nouvelles tendances se dessinent dans le monde du travail. Les individus recherchent moins la performance individuelle et sont moins attachés à leur entreprise, les jeunes générations en particulier pour lesquelles l’attrait d’un bon salaire ne suffit plus. En revanche, l’image de la société est devenue un élément déterminant. La fierté d’avoir un employeur ou un partenaire engagé dans des actions caritatives l’emporte souvent sur des raisons pécuniaires. Dans ce cadre, l’humanitaire, fédérateur et porteur de valeurs positives, donne un sens plus altruiste aux événements de communication et aux incentives. Avoir le sentiment d’être utile et de participer à une action éthique est aujourd’hui, pour beaucoup, plus valorisant que d’avoir le privilège d’assister à une soirée de prestige ou de participer à un voyage VIP dans une destination de rêve.
Alors, ces opérations peuvent revêtir diverses formes, par exemple un voyage de récompense dans un pays en développement avec, en prime, la remise de dons divers – médicaments dans un hôpital, fournitures scolaires dans une école, participation financière à la construction d’un orphelinat – ou encore des challenges organisés en partenariat avec une association humanitaire reconnue.
Ainsi depuis 2007, l’agence de voyages d’affaires HRG supporte chaque année ActionAid, ONG qui agit pour le respect des droits et contre la pauvreté dans le monde, à travers son HRG Day. “C’est une journée internationale de célébration et de récolte de fonds qui rassemble tous les employés HRG dans le monde entier. Au cours des huit années passées, nous avons reçu près de 500 000 euros pour ActionAid, explique Gaia Jami, responsable marketing et fidélisation des clients HRG France. L’objectif de cette opération est que chacun perçoive le périmètre international de notre entreprise tout en permettant à tous de s’amuser ensemble et d’agir pour une bonne cause.” “Pour récolter le plus de fonds possible, nous convions également les fournisseurs et les sponsors, poursuit Gaia Jami. Mais,au-delà d’une belle action, cet événement reste une belle opportunité de passer du temps entre collègues et avec nos partenaires dans un contexte hors business et moins formel… Habituellement nous travaillons au service de nos clients, le HRG Day est une nouvelle occasion d’être réunis pour un même motif, quels que soient les nationalités et les métiers.” D’ailleurs, le HRG Day est combiné avec la semaine de la qualité du travail pendant laquelle des sessions de bien-être sont organisées. Dans ce cadre, les salariés peuvent participer à diverses activités telles que des massages, des ateliers diététiques, une sensibilisation au handicap, des cours de danse…
Oui aux actions caritatives !
De son côté, le groupe AccorHotels a mis en place un fonds de dotation afin de soutenir des projets solidaires ou environnementaux portés par des collaborateurs, avec des actions auprès des populations défavorisées aussi bien au Mexique qu’à Marseille, dans les quartiers Nord. Le fait que ces projets soient de proximité offre une meilleure garantie de réussite, tout en étant source de motivation pour les collaborateurs. Ce qui n’est pas anodin dans un métier qui connaît un fort turnover.
Ces cas ne sont pas uniques en matière de communication interne. À la question “êtes-vous prêts à intégrer la dimension caritative à vos challenges ?” posée lors d’un sondage réalisé sur Internet par Action Co en 2012, 81,9 % des entreprises ont répondu “oui” ! Fort de ce constat, l’agence Phoebus Communication a organisé pour un de ses clients un séminaire au Maroc réunissant 160 cadres en y intégrant une action humanitaire ; l’objectif étant de recréer des liens entre ses franchisés, car ces derniers ne se voyaient qu’une fois par an. Lors de cette opération, le groupe a remis à un village diverses fournitures, dont une pompe à eau et des panneaux solaires achetés grâce à une collecte de fonds. L’émotion ressentie par les participants lors de ce voyage est restée vive pendant les deux ans qui ont suivi.
Mais au-delà de l’aspect humain, une entreprise participant à une action humanitaire en tire aussi un avantage financier. En effet, les dons d’argent ou de matériel leur donnent droit à une réduction d’impôt égale à 60% du montant des sommes versées ou des produits donnés, “dans la limite de 0,5% de leur chiffre d’affaires H. T.”, comme défini dans l’article 238 bis du Code général des impôts. D’autre part, ce même article intègre la “loi Coluche” qui permet une déduction fiscale supplémentaire pour certaines associations caritatives et humanitaires dites “organismes d’aide aux personnes en difficulté” comme les Restos du Coeur, Emmaüs, la Fondation d’Auteuil, le Secours Populaire, le Secours Catholique, la Fondation Abbé-Pierre, les Petits Frères des Pauvres, l’Unicef, l’Armée du Salut ou encore Handicap International.
Actions solidaires
Géraldine Houiliére, responsable du département mécénat, partenariats et philanthropie à la Croix-Rouge Française, constate que “de plus en plus d’entreprises sont demandeuses d’incentives à connotation humanitaire. Cette tendance s’appuie sur un développement des offres de la part des associations humanitaires”. À la Croix- Rouge Française, le département entreprises représente 18 millions d’euros. L’association propose divers modules allant de l’action sociale au cours de secourisme, en passant par l’aide matérielle ou financière lors de catastrophes naturelles, la participation à de grands événements de mobilisation ou encore le mécénat de compétences. Par exemple, depuis 2006, la Croix- Rouge Française organise l’opération Tous en Fête avec le soutien de la fondation d’entreprise de la Française des Jeux (FDJ). Ce programme de festivités est dédié aux personnes et aux familles en situation de précarité et d’isolement. Goûters, spectacles de cirque, repas festifs, marchés de Noël : près de 300 événements festifs solidaires et intergénérationnels se tiennent partout en France.
La fondation FDJ reverse chaque année 350 000 € à la Croix-Rouge, soit une somme globale de 2,5 millions d’euros depuis le début de sa participation, ce qui fait d’elle un des contributeurs majeurs de l’association française. “C’est un des moments forts de l’entreprise ! Partout sur le territoire, les collaborateurs de la FDJ se mobilisent bénévolement pour soutenir l’événement. Ils sont fers de participer à une belle action sociale et se sentir utiles”, souligne Géraldine Houiliére.
Côté communication externe, la majorité des demandes concerne des opérations de marketing solidaire. Les façons d’aider la Croix-Rouge Française sont multiples. Ainsi, de février à mars 2015, la marque Freedent a reversé un pourcentage de la vente de chaque paquet de chewing-gums à l’association française. “Nous avons aussi développé avec le groupe Malakoff Médéric un module de prévention des accidents domestiques nommé ’Bien-être et autonomie’ à destination des seniors”, ajoute Géraldine Houiliére. Plus récemment, l’hôtel Mövenpick Paris Neuilly a organisé un brunch solidaire, dont une partie des bénéfices reversés à la Croix-Rouge Française doit servir à l’ouverture d’un espace bébé/maman dans les Hauts-de-Seine. “La participation à des oeuvres caritatives fait partie de l’ADN du groupe Mövenpick”, affirme Édouard Plaisance, directeur général adjoint. Sur place, un desk d’information était tenu par des bénévoles de l’association et une tombola était proposée aux clients. “Il est important de sélectionner une oeuvre caritative dans laquelle les collaborateurs et les clients se reconnaissent”, conseille Édouard Plaisance.
Au sein de l’association Action contre la Faim, plusieurs solutions répondent aux besoins de communication et de motivation d’une société, comme l’évoque Fabienne Tainturier, responsable des donateurs entreprises et institutionnels : “depuis huit ans, sur le parvis de La Défense et dans divers lieux en France, nous organisons le Challenge contre la faim dans le monde, l’un des plus grands événements de team building sportif et solidaire au monde”. Simple et fédérateur, le concept est simple. L’entreprise sponsorise ses salariés qui choisissent de pratiquer un des quatre sports proposés : course, marche, cours de zumba ou de gym zen. Les participants défendent ainsi les couleurs de leur société, tout en pratiquant un sport. En 2015, près de 110 entreprises ont participé à cette action parmi lesquelles Butagaz, BNP Paribas, Colgate Palmolive, Crédit Agricole, EDF Energies Nouvelles, GFK, Groupon, SNCF Voyages, Thaï Airways International, Amundi… Sur les 819 237,50 € récoltés, 75 % iront cette année aux programmes de l’association en Afghanistan et en Birmanie. Les dons restants serviront en fonction des urgences. “Les possibilités de soutenir notre cause tout en mobilisant ses collaborateurs sont multiples, souligne Fabienne Tainturier. Ainsi, des salariés de Mondial Assistance viennent bénévolement nous aider dans l’organisation de nos événements, intervenant pour certains dans des écoles pour présenter notre association et parler des pays qui seront bénéficiaires de notre aide. Les éditions du Petit Futé nous offrent une page pour décrire nos missions dans les guides des destinations dans lesquels nous intervenons. Parallèlement, leurs collaborateurs ont participé cette année au Challenge contre la Faim couplé à un séminaire.”
De la même manière, les missions de Cybelle Planète, association d’écologie participative qui a pour but la préservation de la biodiversité, sont soutenues depuis de nombreuses années par le Crédit Agricole. “Leurs employés nous rejoignent sur des missions de préservation de la biodiversité, décrit Céline Arnal, directrice de l’association. Concrètement, ils intègrent une équipe de professionnels et participent à leurs travaux quotidiens : suivis des animaux, études comportementales, soins…” Autre exemple, Techné, spécialiste des joints d’étanchéité, a mis en place en 2013 un congé éco-solidaire encadré par Cybelle Planète de 15 jours au Bénin pour 14 personnes avec le concours sur place de l’ONG Eco-Bénin. Le séjour avait pour mission la replantation de palétuviers dans une mangrove. Selon l’un des participants, “le groupe a appris l’humilité, le bon sens et redécouvert les valeurs d’entraide, d’écoute. Et aussi un mot qui a toute son importance : la patience.” Cette expérience sert d’outil de communication et de motivation pour l’entreprise. “Le groupe s’est forgé un souvenir commun très fort, un lien qui unit désormais les participants”, constate Céline Arnal.
Soutenir les belles causes
Le mécénat est une autre jolie façon de soutenir une belle cause tout en valorisant l’image de l’entreprise. C’est grâce à des dons privés que l’association bourguignonne Simon de Cyrène, membre de la fédération éponyme, compte réaliser son projet de maison partagée pour handicapés dans la région de Dijon. Propulsé par le succès du film Intouchables dont le scénario a été inspiré du livre Le Second souffle de Philippe Pozzo di Borgo, devenu tétraplégique après un accident de parapente, l’association développe des lieux de vie communautaires où adultes valides et handicapés, suite à des lésions cérébrales, des traumatismes crâniens ou des AVC, partagent une relation amicale et solidaire. Celsius, spécialisée dans les matériels de boulangerie, est le premier mécène de cette initiative et devrait être suivi par des entreprises locales.
Quels que soient les moyens choisis pour intégrer une démarche humanitaire à son plan de stimulation interne ou externe, le choix de la cause soutenue peut être le fait de l’entreprise ou au contraire celui des salariés. L’idéal est de la choisir proche de son secteur d’activité afin d’avoir une bonne synergie et par conséquent, de créer un sentiment d’appropriation chez les collaborateurs. Les actions humanitaires s’inscrivant généralement dans des missions dans le temps, les entreprises peuvent s’appuyer sur ces dernières pour des opérations de communication et de motivation à long terme. L’oeuvre caritative s’avère alors un formidable outil de fidélisation.
Valeurs solidaires - Humanitaire et motivation : le couple gagnant
- Valeurs solidaires – Humanitaire et motivation : le couple gagnant
Rencontre : Valérie Sauteret, directrice de la communication et responsable des actions citoyennes de Barclays Bank France