Avec un trafic passagers en 2020 qui ne représente plus qu’un tiers de ce qu’il fut en 2019 (70 millions en 2020 contre 214 millions en 2019), les aéroports français se mettent en ordre de bataille pour la reconquête. Une reconquête qui ne sera pas si aisée selon Thomas Juin, président de l’Union des Aéroports Français UAF. Les aéroports sont en fait confronter à plusieurs challenges: des coûts fixes élevés, une taxation souvent plus importante qu’ailleurs en Europe. S’ajoute une défiance croissante du public envers l’aérien, stigmatisé comme le pollueur à abattre.
« Nous...
Avec un trafic passagers en 2020 qui ne représente plus qu’un tiers de ce qu’il fut en 2019 (70 millions en 2020 contre 214 millions en 2019), les aéroports français se mettent en ordre de bataille pour la reconquête. Une reconquête qui ne sera pas si aisée selon Thomas Juin, président de l’Union des Aéroports Français UAF. Les aéroports sont en fait confronter à plusieurs challenges: des coûts fixes élevés, une taxation souvent plus importante qu’ailleurs en Europe. S’ajoute une défiance croissante du public envers l’aérien, stigmatisé comme le pollueur à abattre.
« Nous avons coupé sur tout ce qui était possible pour réduire nos coûts. Mais si les compagnies aériennes ont plus d’agilité car 70% de leurs coûts sont des charges variables, les aéroports ont des charges fixes représentant 80% de leurs coûts, » explique Thomas Juin. Le Président de l’UAF appelle donc de ses vœux à une réévaluation des charges des aéroports. « Nous souhaiterions que l’Etat monte au créneau sur la taxe de sûreté. C’est une mission régalienne de l’Etat que les aéroports ont pris en charge avec la taxe aéroportuaire. Mais avec l’effondrement du trafic, les recettes ont diminué. Or c’est un énorme coût fixe qui n’a pas changé, » ajoute-t-il.
Rendre le transport aérien français plus compétitif en Europe
Certes l’Etat a accordé des avances sous forme de crédit, mais elles s’avèrent insuffisantes face aux incertitudes actuelles. L’incertitude, c’est en fait les quarantaines imposées par les Etats. « Il est illusoire de considérer toute reprise aussi longtemps qu’on n’a pas résolu les problèmes de quarantaines. Nous sommes un peu plus optimistes avec l’idée d’un certificat de santé numérique. C’est clairement l’outil pour que les gouvernements s’accordent sur une garantie de reprendre les voyages tout en limitant les risques, » analyse le Président de l’UAF. Selon l’UAF la France ne peut rater le rendez-vous d’une reprise cet été.
Autre volet qui handicape les aéroports: une fiscalité très lourde pour les compagnies aériennes venant en France. Et donc nocive à la reprise. « Nous sommes face à un phénomène inédit de destruction d’une connectivité aérienne bâtie au cours des trente dernières années. Certes il faudra moins de temps pour la retrouver mais la fiscalité est un vrai enjeu, » déclare Thomas Juin. Selon les chiffres produits par l’UAF, les pays qui ont connu la plus faible amélioration de leur connectivité entre 2009 et 2019 sont ceux qui taxent le plus lourdement les compagnies aériennes. C’est non seulement le cas de la France mais aussi du Royaume-Uni et de l’Allemagne.
Alors qu’entre 2009 et 2019, la connectivité directe de la France s’est améliorée de 8,9%, elle a atteint 19% en Espagne, 17,5% en Italie et 20,9% dans l’Union Européenne. Même constat pour la connectivité indirecte -c’est à dire les lignes offertes via un aéroport tiers. La France a connu une croissance de 18,2% sur la période 2009-2019. Un chiffre cependant bien loin derrière les 43,8% de l’Espagne, les 30,1% de l’Italie et les 50,5% de l’UE.
Selon l’UAF, il faudra deux années pour reconstruire la connectivité du pays. Or, les compagnies ont fortement réduit leur offre et l’on peut s’attendre à une plus grande sélectivité dans l’avenir lorsqu’elles densifieront leurs réseaux. « Elles vont regarder deux éléments importants: le potentiel passagers et la fiscalité. Un écart fiscal trop grand va avoir un effet redoutable car les compagnies vont vouloir reconstituer leurs marges bénéficiaires au plus vite« , estime encore Thomas Juin. D’autant qu’il prédit une montée en puissance rapide des transporteurs low-cost. Lesquels sont particulièrement sensibles aux incitations fiscales…
La convention citoyenne hostile au transport aérien
Enfin, la nouvelle loi sur la transition écologique inquiète l’UAF. « Nous considérons la philosophie de cette loi issue de la convention citoyenne inopérante et inadaptée. On est tous d’accord à l’UAF sur le fait que l’aviation doit réduire les émissions de CO 2. Nous avons de nombreuses initiatives dans ce sens comme les carburants alternatifs. On réfléchit aussi à un système de bonus/malus pour les compagnies ayant des avions de dernière génération moins polluants, » souligne le Président de l’UAF.
Mais pour l’UAF, la loi considère en fait le transport aérien comme un problème. « Alors que ce sont les émissions qui sont le problème. Avec l’interdiction faîte à l’expansion des aéroports, avec une taxation supplémentaire ou avec la réduction des vols domestiques, on dénie à l’avion son rôle économique. Car il est déraisonnable de croire que le train va se substituer totalement à l’avion. Ce n’est pas la vérité, en particulier sur les liaisons de régions à régions, » analyse Thomas Juin.
Tous ces éléments vont bien sûr peser sur la façon dont les voyageurs vont voyager dans le futur. L’UAF compte sur une reprise du trafic cette année au début de l’été. « Il n’y a aucun doute que les gens veulent voyager. Se posera pourtant à court terme la question de l’attrition de l’offre avec moins d’avions dans les flottes« , indique Thomas Juin. Reste maintenant à espérer que le gouvernement français sera sensible aux revendications des aéroports.