Le haka : cohésion, motivation, tradition

Le fameux haka des All Blacks, chacun l'aura vu un jour ou l'autre. Un chant guerrier que les entreprises peuvent choisir lors de team buildings, mais aussi une tradition à traiter avec le plus grand des respects.
Le haka effectué par les All Blacks à l'occasion du quart de finale Nouvelle-Zélande - Irlande lors de la coupe du monde 2019 (c) RWCL
Le haka effectué par les All Blacks à l'occasion du quart de finale Nouvelle-Zélande - Irlande lors de la coupe du monde 2019 (c) RWCL

Si même les Hollandais s’y mettent… Parmi les activités de team building proposées par les hôtels du groupe néerlandais Bilderberg, le haka figure en bonne place. De la Nouvelle-Zélande à la Zélande, de la terre nourricière des Maoris à l’autre pays du fromage – mais certainement pas du rugby ! – , les vibrations de cette danse traditionnelle ont largement franchi les continents, jusqu’à s’immiscer dans les réunions d’entreprise. Un effet papillon qui doit tout aux All Blacks, dont le mythe s’appuie autant sur une quasi invincibilité que sur ce chant guerrier en préambule de leurs matchs. Ka mate, ka mate ! ka ora ! ka ora ! La danse tribale prend aux tripes, même des béotiens du ballon ovale qui ont sans doute eu l’occasion de la voir au moins une fois dans leur vie.

Se frapper la poitrine, lancer ses avant-bras en geste de défi, tirer la langue : pendant la coupe du monde, de nombreux collaborateurs auront peut-être l’occasion de se prendre pour Aaron Smith ou Dan Carter pendant leur séminaire, le temps d’une animation tendance Rugby World Cup. « Depuis quatre mois, la demande pour cette activité est énorme, nous en recevons quasiment tous les jours », explique Christiane Reynier, directrice de l’agence Claude Reynier Production.

L’activité la plus recherchée par les entreprises : des moments courts en début de matinée, avant le déjeuner ou en fin d’après-midi, comme le propose notamment cette agence événementielle. « Nos « haka men » arrivent dans la salle avant la projection d’une petite vidéo qui remet cette part intégrante de la culture maorie dans son contexte, décrit Christiane Reynier. Puis les slides défilent avec le texte, les mouvements à faire. Nos haka men se lancent, y mettent leur âme, leur force, leur conviction. Et la salle suit. Même les plus timides se laissent prendre dans le mouvement collectif ».

Cette énergie communicative, Arman Vossougui la ressent intimement, lui qui interprète le haka depuis plusieurs années lors de mariages ou d’événements corporate. « Il y a une vérité dans l’énergie que l’on donne et que l’on reçoit en échange. C’est ce qui me plaît dans le haka », explique ce comédien professionnel qui, après avoir travaillé pour d’autres, a démarré sa propre activité au sein de l’association La Malle aux artistes, à travers le lancement de son site Haka Team.

En optant pour cette activité plutôt que pour un atelier cuisine ou œnologie, les entreprises trouveront un moyen fort pour briser la glace entre les participants à l’événement ou redynamiser leurs équipes. Un team building qui peut aussi venir célébrer la création d’un nouveau pôle ou créer des connexions au sein de sociétés qui viennent de fusionner. « Il y a plein de motivations possibles », évoque Arman Vossougui.

Le haka, le propre des équipes soudées

Des animations de 2h à 2h30 peuvent aussi aller plus loin dans cette dynamique de cohésion. Débutant par une présentation destinée à faire découvrir ce pan de la culture maorie, elles se poursuivent par équipe, chacune étant invitée à créer son propre haka, paroles et gestes compris. « Comme une chanson connue qu’on réinterprète, ils s’approprient le haka en le réécrivant en fonction des valeurs de leur entreprise, des objectifs du séminaire, leur vision du futur pour leur société », souligne Christiane Reynier. Avec, pour finir et pour la beauté du sport, des battles en guise de restitution.

A cette occasion, les personnalités se révèlent. D’ordinaire réservés, certains vont prendre le lead et montrer leurs talents de management ou leur créativité, quand d’autres se laisseront porter, les « dominants » habituels n’étant d’ailleurs pas toujours les plus écoutés. « Mais, au final, chaque personne a son utilité. C’est aussi ça, l’idée », souligne Arman Vossougui.

D’origine maorie, Sean Spring apprend la tradition du haka lors d’ateliers et team buildings.

Bien sûr, voir son chef tirer la langue ou son voisin de bureau s’époumoner les yeux exorbités, tout cela pourrait prêter à rire. Une bonne humeur qui ne doit pas faire oublier que le haka est une tradition qui a du sens, une cérémonie ancestrale à traiter avec le plus grand des respects. Et c’est peut-être même de là qu’il tire sa force. De ce lien immémorial, réactualisé à chaque occasion, entre les hommes ensemble réunis, la terre qui les accueille et, au-dessus, la voûte étoilée. « Pendant longtemps, le haka a appartenu aux Maoris, aux Néo-Zélandais. Mais c’est un langage universel, qui parle à n’importe quel être humain sur terre. Je ne pense pas voler quoi que ce soit », estime Arman Vossougui, qui tient à inscrire sa pratique dans le contexte de cette tradition, en racontant toujours l’histoire de Te Rauparaha, le chef maori qui composa le haka Ka Mate.

Après tout, les mots tradition et trahison ont une étymologie commune, dérivant tous deux du latin tradere. Mais trahir tout en respectant l’esprit de la tradition, à sa façon, avec sa sensibilité. De nombreux cuisiniers japonais ne sont-ils pas de grands représentants de la gastronomie française à l’image de Kei Kobayashi, triplement étoilé au Michelin à Paris, quand un orchestre israélo-oriental comme le West-Eastern Divan interprète merveilleusement Beethoven ou Wagner sans qu’aucun de ses musiciens ne soit né à Bonn ou Bayreuth. Pas plus qu’à Auckland ou Wellington d’ailleurs…

D’origine maorie, Sean Spring, qui organise régulièrement des animations autour du haka lors de réunions corporate, n’entend pas se placer en juge. « S’ils le font sérieusement, avec leur cœur, avec les gestes justes, je dis bravo, dit celui qui est aussi le père de l’international français Max Spring. Mais s’ils prennent des paroles au hasard sur internet, font les mauvais gestes, une danse ringarde, là…« . Avec des animateurs tous maoris, son agence, Haka Evenements, donne aux entreprises de vrais gages d’authenticité. D’autant que Sean Spring est allé demandé l’aval de la tribu Ngati Toa – à qui le Ka Mate appartient – le droit de l’interpréter. « On sait ce qu’on fait et pourquoi on le fait, pour partager notre culture. Quelquefois, des gens viennent me voir à la fin, pour me dire qu’ils avaient déjà vu des interprétations du haka, mais que là, ça n’avait rien à voir« . United Colors of Haka ou haka version Canada Dry, il faut choisir.