J.-C. Lacour (Amadeus) : « créer une expérience plus fluide en intégrant le paiement »

Amadeus a créé une filiale dédiée au paiement, en plus d'une demande de licence pour l'émission de cartes virtuelles. Retour sur cette annonce et les perspectives qu'elle ouvre avec Jean-Christophe Lacour, Head of Merchant Services, Payments d'Amadeus.
Jean-Christophe Lacour, Head of Merchant Services, Payments d'Amadeus.
Jean-Christophe Lacour, Head of Merchant Services, Payments d'Amadeus.


Sabre a récemment acheté le leader des cartes virtuelles Conferma. HRS a, de son côté, jeté son dévolu sur la plate-forme Paypense. Amadeus s’empare à son tour du sujet avec la création d’Outpayce. Disposer de sa propre offre de paiement devient-il stratégique pour un acteur du voyage tel qu’Amadeus ?

Jean-Christophe Lacour – En effet, nous ne sommes pas les seuls acteurs intéressés par cette brique essentielle, et je ne commenterai pas ce que font nos concurrents. Je rappellerai seulement qu’Amadeus travaille sur ce sujet depuis 30 ans et que nous avons formalisé une entité de paiement depuis 10 ans. Aujourd’hui, avec notre demande de licence eMoney et la création d’Outpayce, nous renforçons ce que nous faisions déjà dans une société séparée, filiale à part entière d’Amadeus. Nous entamons une nouvelle phase de croissance avec pour objectif de créer une expérience la plus fluide et la plus connectée possible pour le voyageur et les agences, le paiement étant présent à de nombreuses étapes du parcours.

En quoi consistera l’offre d’Outpayce ?

Jean-Christophe Lacour – C’est une plate-forme technologique ouverte qui permettra déjà d‘offrir plus de choses, puis de les compléter par la suite. Actuellement, notre offre de paiement réside dans un portefeuille de cartes virtuelles proposées par un éventail d’acteurs du paiement, par exemple American Express ou AirPlus. Un « wallett » B2B que les agences de voyages et les OTA peuvent utiliser pour acheter des billets d’avion, des hôtels. Si nous obtenons la licence que nous avons demandée à la banque centrale d’Espagne, et dont la portée couvre l’ensemble de l’Espace Economique Européen, nous pourrons alors rajouter notre propre carte virtuelle dans ce portefeuille, offrant ainsi un choix supplémentaire à nos clients. Pour l’instant, notre priorité est de proposer cette carte virtuelle prépayée, d’autres solutions pouvant être envisagées par la suite.

Entre-t-elle en concurrence avec les autres solutions de paiement ?

Jean-Christophe Lacour – Non, car cette plate-forme est ouverte et renforce d’autant la connectivité avec d’autres partenaires. A l’avenir, via un système d’API, il leur sera encore plus facile techniquement d’y intégrer leur offre pour en faire bénéficier leurs clients. Dans certains cas, les agences de voyage pourront payer avec notre solution et dans d’autres cas avec celles de nos partenaires. Personne ne peut y arriver tout seul, d’où cette idée d’ouverture.

Dès lors, qu’apporte Amadeus avec sa propre solution ?

Jean-Christophe Lacour – Amadeus entend apporter une valeur ajoutée supplémentaire à l’écosystème du voyage, loisirs comme affaires. Nous nous focalisons sur une expérience de paiement connectée à toutes les étapes, avec un aspect finance directement intégré. Par exemple, sur le marché anglo-saxon, voir des agences payer un prestataire et rembourser cet achat par mensualité se fait beaucoup, et c’est une des solutions que nous pourrons offrir aux agences. En parallèle, les prestataires du voyage pourront se connecter plus facilement à notre plate-forme. De la sorte, les agences pourront plus simplement payer un billet d’avion ou toucher une commission de la part d’un hôtel. Nous souhaitons nous attaquer à fluidifier tous ces flux de paiements B2B en automatisant ce qui nécessite souvent beaucoup de traitements manuels de la part des agences comme des prestataires.

Amadeus offrant par ailleurs des solutions technologiques aux compagnies aériennes ou aux hôtels, comment la brique paiement pourrait-elle s’intégrer dans le parcours des voyageurs ?

Jean-Christophe Lacour – Cela nous permet d’offrir un paiement dématérialisé directement dans nos solutions, facilitant d’autant les choses plutôt que d’avoir à intégrer celles d’acteurs extérieurs. Par ailleurs, cela permet aussi de proposer plus rapidement des innovations, puisque nous avons plus de contrôle sur l’ensemble du processus. A l’arrivée à l’aéroport, mettre un bagage en soute supplémentaire, demander un upgrade, régler un repas un repas : tout cela requiert une activité de paiement. De même pour l’achat du WiFi ou d’une boisson pendant le vol. Et on pourrait aussi décliner ces exemples à l’hôtel. A partir de là, nous regardons comment rendre l’expérience de voyage plus fluide.

Pouvez-nous nous donner des exemples concrets des avancées possibles ?

Jean-Christophe Lacour – Actuellement, nous sommes par exemple partenaires de British Airways à Heathrow pour un parcours pilote fondé sur la biométrie. Pour y participer, les passagers doivent d’abord donner leur accord à la compagnie. A partir de là, on pourrait très bien imaginer une étape supplémentaire en lui demandant son consentement pour activer du paiement. Ainsi, si la personne s’est authentifiée et a intégré ce moyen de paiement dans son profil de fidélité, il pourrait régler son bagage en soute, son surclassement ou son gin tonic en vol sans avoir à sortir sa carte. Une même démarche pourrait aussi être déclinée à l’hôtellerie.

La brique paiement va-t-il aussi être intégrée dans votre solution Cytric, dédiée aux voyages d’affaires ?

Jean-Christophe Lacour – C’est probable, évidemment. On pourrait envisager de donner aux employés d’entreprises des cartes virtuelles stockées dans leurs profils Cytric et intégrées dans leur téléphone mobile. Ainsi, au lieu de payer l’hôtel avec leur carte personnelle et faire ensuite une demande de remboursement, la solution d’Amadeus pourrait générer à ce moment là une carte virtuelle pour effectuer le règlement. Cette solution rendrait la vie plus facile pour le voyageur, avec, pour les managers voyages, la garantie d’une meilleure réconciliation.