Aérien et cinéma : ça tourne !

Au fil des décennies, aéroports et avions ont su jouer les premiers rôles dans l'histoire du cinéma. Petit travelling (subjectif) sur la place du travel dans le septième art...
cinéma avion
Qu'il s'agisse de faire rêver, de faire rire ou de faire peur, le secteur aérien sait tout jouer... (DR)

Intérieur. Cockpit. Nuit. Le pilote se tourne vers son co-pilote et lui annonce avoir définitivement perdu le contrôle de l’appareil. Voilà peut-être un incipit de scénario que chercheront à éviter les passagers d’un Boeing pendant leur vol transatlantique, a fortiori s’ils souffrent d’une peur de l’avion. Fort heureusement, la longue histoire d’amour entre l’aérien et le septième art ne se borne pas à la catégorie catastrophe. Action, comédie, aventure, suspense : le voyage en avion a inspiré les plus grands réalisateurs. Et ce même quand l’appareil joue les arlésiennes…

On pense bien sûr à Macaulay Culkin, récidiviste dans l’art de rater l’avion. Et à ce sprint dans l’aéroport de Chicago – un exercice auquel quelques voyageurs d’affaires ont dû un jour se prêter -, dont le réalisateur gardera un souvenir empreint de stress. “Tourner à O’Hare était intimidant. Nous devions faire vite. Nous n’avons eu que deux ou trois prises de la famille entière courant dans le terminal. C’était à se ronger les ongles…”, confiera plus tard Chris Columbus au Chicago Magazine. L’actrice Senta Moses Mikan se rappelle pour sa part : “Il y avait des milliers de figurants, qui connaissaient tous parfaitement les mouvements qu’ils devaient faire pour qu’aucun de nous ne soit en danger alors que nous courions à toute allure dans le terminal d’American Airlines d’O’Hare. Et nous courions vraiment très vite. (…) Cette scène aurait pu finir en désastre”. Et si la famille McCallister attrapera finalement son vol pour Paris, ni Orly ni CDG n’ont servi de lieu de tournage au blockbuster.

On pense aussi forcément à Tom Hanks, apatride cloué au sol, bloqué dans Le Terminal de Steven Spielberg (2004). Ce dernier s’inspire ici de la situation inextricable de Mehran Karimi Nasseri, bloqué de 1988 à 2006 à… Paris CDG. Néanmoins, le réalisateur américain a déplacé l’intrigue dans le hub new yorkais de JFK, et s’est tourné vers l’aéroport de Montréal-Mirabel pour le tournage des scènes en extérieur. Après tout, “Mirabel ou Roissy, tout est partout pareil”, comme le chantera France Gall dans la Monopolis de Starmania… Inauguré en 1975, l’aéroport québécois fut rapidement victime de la crise pétrolière, et verra décoller son dernier vol commercial en 2004 : un appareil d’Air Transat à destination de… Paris, encore une fois. A défaut d’avoir attiré les voyageurs d’affaires sur le long terme, cet échec aéroportuaire se prête volontiers au septième art, et figure notamment au générique du film Le Chacal (1997), avec Bruce Willis, Richard Gere et Sidney Poitier, ou encore du Hold-up d’Alexandre Arcady (1985) avec Jean-Paul Belmondo, Jean-Pierre Marielle ou encore Jacques Villeret.

De la filmographie pléthorique de Tom Hanks se dégage d’ailleurs une relation que l’on pourrait qualifier de “compliquée” avec le secteur aérien. Même si – en se gardant bien de divulgâcher la fin de ses œuvres – un happy end clôt souvent ses péripéties. C’est lui qui incarne le capitaine Chesley Sullenberger dans Sully (2016), et doit piloter un appareil confronté à une avarie moteur au-dessus de l’Hudson. C’est aussi lui qui, dans Arrête-moi si tu peux (2002), interprète l’agent du FBI Carl Hanratty, et se voit régulièrement fausser compagnie par Leonardo di Caprio, alias Frank Abagnale Jr. Et ce notamment grâce à son rôle de copilote de la Pan Am, embrassé avec malice et talent, sans n’avoir jamais été embauché par la mythique compagnie aérienne.

Les fans et les voyageurs d’affaires peuvent d’ailleurs arpenter l’aéroport utilisé dans le tournage puisque celui eut lieu en partie à New York JFK, dans un terminal à part… A savoir le Terminal 5, qui fut dans une autre vie celui d’une autre compagnie historique : la TWA. Et qui accueille à nouveau les voyageurs, non plus pour décoller mais pour séjourner dans l’une des 512 chambres du TWA Hotel au décor aéroportuaire délicieusement vintage, doté notamment de 4600 m² d’espaces MICE.

Le TWA Hotel, sur l’aéroport de New York JFK (DR)

Parfois “coupés au tournage”, les aéroports parisiens n’en demeurent pas moins plébiscités par de nombreux réalisateurs, qu’ils soient français ou étrangers. Et ils peuvent eux aussi voler la vedette à d’autres plateformes, à l’instar de CDG pour un certain Clint Eastwood. Responsable de la communication opérationnelle de Paris-Charles de Gaulle, Anne Robert confiait ainsi l’an dernier à une publication du groupe ADP : “Nous avons accueilli Clint Eastwood en 2018 en tant que réalisateur pour son film sur les attentats du Thalys, Le 15h17 pour Paris. Il devait tourner à Bruxelles, mais il a souhaité venir à Paris-Charles de Gaulle. Il a fallu reconstituer la signalétique comme si nous étions à l’aéroport de Francfort… C’était Clint Eastwood, on s’est autorisé un écart de marque !”.

Histoire d’un homme en correspondance

(DR)

Quant à chercher le rôle qui pourrait incarner le voyageur d’affaires, avec sa routine, ses rituels et son rythme de vie, il faut peut-être bien se tourner vers un certain George Clooney dans Up in the Air (2009). Certes, le sale boulot confié à cet expert ès licenciement n’a rien de fondamentalement enviable. Et le personnage de Ryan Bingham, malgré toute la classe de Mister George, n’est pas exempt de tout reproche. Mais ce « plane warrior » de haut vol, cet « homme en correspondance » qui a fait de l’hôtel business son home sweet home et de l’avion sa mobilité du quotidien, a de quoi interpeller ou inspirer plus d’un voyageur d’affaires. Ne serait-ce que pour son art de l’analyse pour passer le plus rapidement possible les contrôles de sécurité en aéroport, ou pour sa capacité à s’adapter dans toute destination affaires. Et que dire de son accumulation compulsive des points de fidélité, avec comme graal le statut des 10 millions de miles du programme de fidélisation d’American Airlines… En forçant le trait, le film de Jason Reitman s’avère assez révélateur de certains aspects du business travel. Et le virage amorcé par l’employeur de Ryan Bingham, qui entend substituer à ces déplacements qui lui sont si chers le recours à la visio-conférence, ne relevait peut-être pas du film de science-fiction… Coupez ?