L’avenir d’Aigle Azur en suspens

Quelques jours après son placement en redressement judiciaire, et après la démission de son Pdg, Aigle Azur suspend ses vols le 6 septembre au soir. Les repreneurs potentiels doivent avoir déposé leur offre d'ici le 9 septembre.
Aigle Azur
L'avenir d'Aigle Azur est plus incertain que jamais

« Aigle Azur rassure »… C’est, ironiquement, le titre du dernier communiqué publié sur les réseaux sociaux de la compagnie aérienne. Un dernier message en date du 8 août, dont le contenu semble aujourd’hui en parfait décalage avec la réalité économique et social du transporteur français. Depuis : silence radio. Et en moins d’un mois, les turbulences traversées par Aigle Azur semblent bien avoir eu raison de l’avenir de la compagnie. Après un faux-départ provoqué par un « mini-putsch », le Pdg Frantz Yvelin a bel et bien démissionné mercredi, quelques heures après le placement de la compagnie en redressement judiciaire. Dans la foulée, d’autres Aigle Azur a suspendu jeudi tous ses vols à destination du Mali, du Brésil et du Portugal. Avant de stopper purement et simplement ses opérations le 6 septembre au soir. Le transporteur annonce cependant assurer 44 vols jusqu’au vendredi soir. Ce qui signifie que les ventes de billets Aigle Azur sont purement et simplement impossibles à compter de ce jour. Lundi à midi, les repreneurs potentiels devront avoir déposé leurs offres. Plusieurs pistes sont évoquées, notamment celle d’Air France.

Le cas de l’Algérie est le plus problématique, car ce marché constituait la base historique de l’activité d’Aigle Azur. Si Aigle Azur assurait entre 50% et 60% de tous les mouvements d’avion entre la France et l’Algérie, voler entre les deux pays reste possible. Sur le seul axe Paris-Alger par exemple, il existe 13 vols quotidiens, neuf étant assurés par la seule Air Algérie qui dessert à la fois CDG et Orly. Air France pour sa part propose quatre vols quotidiens au départ de CDG. Via le compte Twitter Conseils Voyageurs, le Ministère des affaires étrangères indique d’ailleurs : « Les passagers dont les vols sont annulés sont invités à se rapprocher d’autres compagnies aériennes telles que Air France, ASL Airlines France, Air Algérie, Transavia France et Vueling, et se renseigner sur la possibilité de bénéficier de tarifs préférentiels« .

Le réseau France-Algérie d’Aigle Azur (six lignes depuis Paris Orly et une dizaine de lignes depuis les provinces incluant entre autre Bordeaux, Lille, Lyon, Marseille, Nantes et Toulouse) et ses fréquences représentent probablement l’élément le plus convoité de l’activité du transporteur. Il expliquerait l’intérêt d’Air France. Cette dernière pèse peu dans le total des lignes aériennes entre les deux pays avec cinq vols quotidiens de Paris Charles de Gaulle à Alger et Oran. Le maillage tissé par Aigle Azur permettrait au transporteur français de monter en puissance sur un marché qui, s’il est essentiellement VFR (« Visit Friends and Relatives ») n’en est pas moins attirant pour le trafic affaires dans le domaine des hydrocarbures, de la construction et du développement des infrastructures. Il est possible que le groupe Air France puisse donc – si elle récupère Aigle Azur – assurer à la fois des lignes sous son propre pavillon ou sous celui de Transavia.

Aigle Azur est entrée dans une période de recherche active de repreneurs

« Ayant obtenu son placement en redressement judiciaire le 2 septembre 2019, Aigle Azur est entrée dans une période de recherche active de repreneurs, encadrée par la justice commerciale, qui l’oblige à suspendre progressivement ses vols réguliers« , indiquait jeudi la direction d’Aigle Azur. « Compte tenu des impératifs de sécurité que la compagnie aérienne doit à l’ensemble de ses passagers et ce tout au long de leur trajet, Aigle Azur n’a aujourd’hui d’autre choix que d’annoncer à toutes fins préventives utiles : la suspension de tous ses vols réguliers de et vers le Mali, de et vers le Brésil, et de et vers le Portugal, à compter du 5 septembre 2019. Les ventes pour les vols à compter du 10 septembre 2019, sont pour le moment suspendues », est-il également indiqué.

Cet arrêt brutal des vols, comme la gestion globale de ce dossier, est scandaleux

De son côté, Jean-Pierre Mas, président des Entreprises du Voyage, a rapidement interpellé le nouveau secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djibbari. « L’administrateur judiciaire de la compagnie a pris subitement hier soir la décision d’interrompre les vols dès ce soir (6 septembre). Il a donc sciemment trompé les passagers d’Aigle Azur et les agences de voyages : des milliers de passagers qui espéraient rentrer en France ce week-end resteront bloqués et devront racheter un billet… dans la mesure où ils trouveront de la place. Cette décision est difficilement justifiable du fait, qu’aux dires d’Aigle Azur, plus de dix millions d’Euros de liquidités disponibles en Algérie auraient pu être partiellement utilisés pour assurer les vols du week-end. Le CIRI et le Ministère de l’Economie, très impliqués dans le suivi de ce dossier, n’ont pas su imposer à l’administrateur judiciaire de respecter ses engagements et de poursuivre les vols au moins jusqu’au 9 septembre. Cet arrêt brutal des vols, comme la gestion globale de ce dossier, est scandaleux : il met en difficulté des dizaines de milliers de passagers qui paient longtemps à l’avance leur voyage sans être assurés de pouvoir l’effectuer. Les agences de voyage, mandataires de la compagnie, s’efforcent d’aider leurs clients. Elles ne disposent d’aucune garantie au cas de défaillance d’une compagnie aérienne alors qu’il leur est imposé de fournir de lourdes cautions bancaires aux mêmes compagnies aériennes. Les Entreprises du Voyage demandent au nouveau secrétaire d’Etat aux Transports, Jean-Baptiste Djibbari, de défendre leur projet d’inscrire dans la loi LOM l’obligation pour les compagnies aériennes de disposer d’une garantie destinée aux professionnels et aux passagers au cas de défaillance », déclare Jean-Pierre Mas dans un communiqué publié vendredi.