
Il y a déjà plusieurs décennies que les Japonais ont pris l’habitude de voyager léger. Leur solution : confier leurs bagages à des transporteurs se chargeant de les convoyer à destination pour un prix raisonnable. Au milieu des années 1970, Yamato a construit ainsi sa réputation, autour du concept Takkyubin. A savoir la livraison de colis à travers le pays, permise par de vastes réseaux de commerces ouverts à toute heure, les 7-Eleven notamment.
Largement déployé au Japon, la livraison et le stockage des bagages se sont mis à gagner l’Europe et le monde au milieu de la dernière décennie. L’essor d’Airbnb n’y est d’ailleurs pas totalement étranger. « Cette nouvelle façon de voyager a créé de nouveaux besoins« , remarque Matthieu Ballester, fondateur de Nannybag, start-up spécialisée dans la consigne à bagages. Entre autres, celui de trouver un endroit facilement accessible où stocker ses valises avant de pouvoir accéder à l’appartement ou après le départ, en attendant le vol du retour.
Mais l’intérêt de ce type de services ne se cantonne pas aux touristes court-séjours, Nannybag expliquant avoir entre 15 et 20% de clients affaires. A travers ses partenariats avec des chaînes de magasins telles Carrefour, Casino et Franprix ou avec des enseignes des groupes Accor et Louvre Hôtels, la start-up s’est petit à petit constitué un réseau de « Nannies ». Soit autant de lieux prêtant leurs services à travers l’appli ou le site de Nannybag pour consigner les valises – sécurisées par l’apposition d’un scellé numéroté – contre 6 euros les 24h par bagage.
Pour les voyageurs d’affaires, cette solution trouve son intérêt dans différentes situations : déposer son bagage près de la gare de départ pour ne pas à avoir à revenir à l’hôtel en fin de journée, stocker sa valise et son matériel professionnel entre deux rendez-vous ou encore, dans un mode bleisure, avoir les mains libres pour profiter de quelques heures pour visiter la ville avant le vol de retour.
A l’image de Nannybag, d’autres start-up comme Eelway en France, Bagbnb à Rome – devenu Radical Storage -, LuggageHero au Danemark ou Stasher au Royaume-Uni ont commencé à fleurir dans les années 2016-2017 en surfant sur cette idée. En janvier 2020, Luggage Hero offrait ses services dans plus de 35 grandes métropoles européennes et nord-américaines. De son côté, Nannybag avait connu « un très fort développement jusqu’à fin 2019, que ce soit dans les capitales européennes, puis en Amérique du Nord« , selon le fondateur de la société.
Pour aller plus loin, la start-up avait annoncé en février 2020 avoir levé deux millions d’euros auprès de deux investisseurs Fa Dièse et Exon Capital et de plusieurs business angels. Las, la pandémie est venu chambouler tous les plans d’expansion. Pas de voyageurs, partant plus de bagages à transporter ou consigner. Tous n’en sont pas morts – Eelway mis à part – , mais tous étaient atteints. Pendant la crise, Stasher a mis son activité en sommeil pour se consacrer au développement d’une autre de ses offres, Treepoints.green, axée sur la compensation carbone. En France, après avoir repris les activités d’Eelway, Pick Up, une filiale du groupe La Poste, a acquis 49% du capital de Nannybag.
Fort de son réseau de 13 000 points relais en France et un total de 70 000 dans le monde, Pick Up soutient désormais l’expansion de la start-up. « Pour eux, l’idée est de développer de nouveaux services autour de leurs points relais, pour les fidéliser« , explique Matthieu Ballester. Reste qu’enregistrer tous ces points relais comme lieux de consignes de bagages n’est pas automatique. « Il faut négocier pays par pays, selon les modes de fonctionnement, poursuit le fondateur de Nannybag. Le principal levier d’acquisition de « nannies » s’organise autour d’étudiants rémunérés à chaque fois qu’ils inscrivent un nouveau commerce ou un hôtel« .
Pour se faire et accélérer son développement, Nannybag vient d’annoncer le recrutement de 50 « business developers », en parallèle de son implantation dans 20 nouveaux pays. « Après une meilleure année en 2022 qu’en 2019, nous reprenons fortement notre stratégie d’expansion en 2023, dans les grandes villes européennes, mais aussi aux Etats-Unis et sur le continent américain, ou encore à Bangkok, en Océanie« , précise Matthieu Ballester.
Mais Nannybag voit aussi plus loin. Alors que le groupe La Poste compte dans son giron le logisticien DPD, la start-up va s’appuyer sur les synergies potentielles pour lancer en début d’été un nouveau service : l’envoi de bagage dans un même pays ou à l’étranger. « Si vous voyagez de Paris à New York, vous pourrez déposer votre valise dans une Nanny à Paris et la récupérer dans une autre Nanny ou à votre hôtel à l’arrivée« , décrit le fondateur de la start-up. Idée sous-jacente : concurrencer les prix proposés par les compagnies aériennes, notamment les low cost, pour le transport des bagages. Ou comment voyager léger à coût limité.

