
Que retenez-vous du dernier baromètre EVP publié par American Express GBT ?
Adrien Cannes – Le voyage d’affaires et un moyen pour agir en personne. Nous avons donc essayé de prendre du recul sur la valeur d’une rencontre par rapport à une visioconférence, un appel téléphonique, un tchat… On a pu en conclure la valeur et la nécessité du voyage d’affaires en tant que moyen pour interagir en personne car malgré la crise 91% des décisionnaires du voyage considèrent que c’est une nécessité pour l’entreprise, ou que c’est a minima très important. Malgré la crise, on a réussi à trouver des opportunités d’un point de vue économique et opérationnel...
Que retenez-vous du dernier baromètre EVP publié par American Express GBT ?
Adrien Cannes – Le voyage d’affaires et un moyen pour agir en personne. Nous avons donc essayé de prendre du recul sur la valeur d’une rencontre par rapport à une visioconférence, un appel téléphonique, un tchat… On a pu en conclure la valeur et la nécessité du voyage d’affaires en tant que moyen pour interagir en personne car malgré la crise 91% des décisionnaires du voyage considèrent que c’est une nécessité pour l’entreprise, ou que c’est a minima très important. Malgré la crise, on a réussi à trouver des opportunités d’un point de vue économique et opérationnel dans les entreprises. Mais les décisionnaires du voyage ainsi que les voyageurs sont en attente de pouvoir à nouveau interagir.
Quel regard portez-vous sur la place accordée au développement durable ?
Adrien Cannes – Il y a quatre ou cinq ans, c’était encore embryonnaire dans les discussions. Aujourd’hui c’est véritablement un point à considérer et à traiter. Mais la façon dont c’est traité est encore immature. Il n’y a pas un standard, une norme pratique au sein de l’entreprise.
Quid du duty of care ?
Adrien Cannes – Il y a eu un retour à l’humain. Avant la crise, il y avait un focus sur la digitalisation de l’expérience utilisateur, son autonomie, afin de se rapprocher d’un environnement BtoC. Avec la crise, le nombre d’interactions humaines au sein de GBT a doublé, en tant que palliatif pour ce volet duty of care.
Une TMC est donc encore capable de faire face à une telle demande offline en 2022 ?
Adrien Cannes – Nous en sommes encore capables, mais ce n’est pas la stratégie de l’industrie, ni même de n’importe quelle entreprise. Le but c’est d’être digital, innovant, de se rapprocher du BtoC. La cible, c’est l’utilisateur final. Ce que veulent la direction des achats, la direction financière, c’est que les outils mis à disposition soient parfaitement adoptés par tous les collaborateurs. Nous avions les ressources pour assurer la gestion de la crise d’un point de vue humain. Nous avons eu les reins assez solides pour faire face à cette situation et nous les aurons pour affronter les prochaines qui se présenteront potentiellement. Nous allons continuer sur le chemin de la digitalisation, pour proposer le bon OBT, les bons paramétrages, une bonne expérience utilisateur, mais nous aurons toujours en palliatif, si besoin, la possibilité de gérer des situations de crise, des rapatriements. C’est notre métier !
Quel rôle a pu avoir votre division consulting ? Quels étaient les besoins des clients ?
Adrien Cannes – Nos équipes ont beaucoup travaillé pendant la crise. Les gens étaient indécis, ils n’avaient pas de visibilité, ne savaient pas quoi faire. Il s’agissait donc déjà de les accompagner pour définir une stratégie de court et moyen termes.
Sur quels dossiers, concrètement ?
Adrien Cannes – Les clients étaient par exemple en situation compliquée sur des contrats fournisseurs en direct. Il s’agissait d’intégrer dans les relations avec les fournisseurs les opérations, la santé financière de ces fournisseurs, leur capacité ou non à déplacer les salariés, la préservation les contrats d’un point de vue financier… Nous avons aidé de nombreux clients à gérer leurs contrats Nous avons dû répondre à cette urgence-là. Et plus largement il s’est agi d’appréhender la vision générale du voyage. De fait, le travel manager s’est retrouvé à gérer des volumes de déplacements bien moindres, et a donc pu engager des travaux fonciers. Par exemple en s’interrogeant sur la pertinence de sa solution de reporting, pour suivre efficacement les voyageurs en temps réel, ou pour proposer davantage d’alternatives sur la partie CO2. Ce sont des sujets qui ont émergé car il y a eu du temps pour cette réflexion. La révision des politiques voyages est allée bien au-delà de la révision annuelle, avec de nouveaux enjeux, de nouvelles attentes chez les voyageurs. Quand on parle des nouvelles générations de voyageurs, ce n’est pas parce que c’est un sujet à la mode. Nous procédons à des analyses de populations de voyageurs et de comportements chez nos clients et il y a maintenant 30% de millenials. Et ces collaborateurs ne voyagent pas, n’interagissent pas de la même façon que des « boomers ». La crise nous a aussi permis de nous asseoir autour de la table avec nos clients pour redéfinir ce genre de stratégies.
Ces sujets sont-ils clos désormais ? Peut-être la crise ukrainienne les a-t-elle remplacés ?
Adrien Cannes – Certains clients se sont saisis de ces problématiques au début de la crise sanitaire, notamment parce qu’ils avaient des échéances en termes de calendrier de projets. D’autres ont tenté de tenir quelques mois supplémentaires en espérant un retour à la normale. Il y a donc encore des décalages de mises à jour de stratégies chez nos clients. Quant à la crise en Ukraine, elle est moins impactante au niveau de la philosophie du voyage. Elle montre si besoin en était que le voyage n’est pas dans un monde à part, que tout est connecté, que l’énergie régit les logiques de tous les business dans le monde, dont les déplacements professionnels. Il y a eu des impacts géographiques, opérationnels, mais je pense que la crise plus profonde concerna le volet énergétique, avec un impact sur la tarification.
Comment alors concilier tarification à la hausse avec la volonté de soigner le confort des voyageurs d’affaires ?
Adrien Cannes – L’équation est complexe : l’humain, le confort du voyageur d’un côté, le prix de l’autre, et le développement durable… On aimerait tous avoir la solution. Celle-ci varie selon les entreprises, les zones géographiques, les sensibilités de chacun. Certaines entreprises permettent aux voyageurs de se « sous-classer » d’eux-mêmes, en privilégiant la premium à la business, ce qui génère non seulement une économie financière mais aussi une économie carbone, et de réinvestir cette économie via une association. Chez American Express GBT nous avons d’ailleurs intégré depuis deux ans dans notre méthodologie le différentiel d’impact carbone en fonction des classes de voyages, les taux de remplissages des avions et les rapports fret/passager. Cela alimente l’outil Green Compass qui nous permet d’établir la trajectoire à adopter pour chaque entreprise, pour véritablement atteindre son objectif de décarbonation du voyage d’affaires. Concernant l’augmentation des prix, si celle-ci est liée à l’augmentation du kérozène, et que demain la technologie évolue, que ce soit avec l’hydrogène, les éco-carburants ou le rail, l’impact du prix de l’essence ne sera plus le même pour le voyage d’affaires. Une augmentation tarifaire est donc un élément significatif, mais ne doit pas être déterminant dans la trajectoire que l’on prend pour innover, trouver des alternatives technologiques et techniques. Nous sommes au début de la courbe d’innovation. Les premières années sont dures en termes d’investissement, pour les SAF comme pour n’importe quelle technologie. Mais la courbe va s’aplatir au fil du temps. Et nous avons connu toutes sortes de facteurs d’augmentations tarifaires : quand une compagnie cesse d’opérer sur un axe stratégique, les prix montent. Pendant la crise, la mise en place de tous ces protocoles sanitaires a aussi eu un effet, notamment dans l’hôtellerie. On ne peut donc pas isoler simplement un facteur de hausse des prix.
Comment pourra-t-on retrouver les mêmes niveaux de déplacements pré-crise en 2023-24 malgré l’adoption de nouvelles habitudes ?
Adrien Cannes – Certains indicateurs vont peut-être baisser : le nombre de déplacements par entreprise, le budget voyages en fonction du revenu d’une entreprise… Mais il y a toujours des entreprises qui se créent, qui grandissent. D’un point de vue macroéconomique, la croissance de la richesse produite sera alimentée et liée à la croissance du volume total des déplacements. La forte baisse des déplacements pendant la crise a peut-être montré le niveau incompressible des volumes de déplacements nécessaires à l’activité à l’activité économique d’une entreprise, et celui-ci va croître avec la croissance de l’entreprise, de l’économie, de la population, et des technologies.