Interview : Karim Jouini, Pdg et Fondateur d’Expensya

Karim Jouini est Pdg et fondateur de la start-up Expensya. Cette plateforme web et mobile dédiée à la gestion des frais professionnels s'est notamment distinguée en devenant le premier outil en France homologué pour le stockage à valeur légale. Entretien.
Expensya
Karim Jouini, Pdg et Fondateur d’Expensya

Comment a évolué Expensya depuis sa création ?

Karim Jouini – Expensya a été créé il y a trois ans, et la solution est disponible depuis mai 2015. Depuis, nous enregistrons une forte croissance puisque nous doublons le nombre d’utilisateurs tous les quatre mois. Aujourd’hui, nous comptons 3000 entreprises clientes, de toutes tailles. Forcément, les TPE et PME restent majoritaires, puisque les grands comptes ont toujours une petite appréhension à l’idée de choisir un acteur qui vient de se lancer. Mais nous voyons de plus en plus de grands comptes se tourner vers nous.

La solution peut donc répondre aux besoins d’un grand compte et d’une TPE ?

K. J. – Oui, car il s’agit d’une solution agile. Bien sûr, l’utilisation n’est pas la même pour une personne ou pour 20 000 salariés, notamment au niveau des flux de validation.

Quelle est la part des entreprises qui ne sont pas dotées de système T&E ?

K. J. – Chez les TPE, leur proportion dépasse 80%. Pour les ETI, le chiffre passe à 70% environ, tandis qu’un bon tiers des grands comptes a déjà une solution T&E.

Quelle est votre cible prioritaire : l’utilisateur d’Excel ou l’entreprise déjà équipée d’une solution T&E concurrente ?

Expensya
Karim Jouini évoque une baisse quasi-immédiate des dépenses de 6 à 7% chez les ETI suite à l’intégration d’Expensya

K. J. – Les grands comptes sont beaucoup moins équipés que ce qu’on peut le penser. Beaucoup d’entre eux fonctionnent encore sous Excel. Nous ciblons avant tout ce type de clients, plutôt que les entreprises qui sont déjà dotées d’un outil T&E, pour lesquels l’effort sera logiquement plus important. Cela ne nous empêche pas de valoriser notre forte valeur ajoutée par rapports aux autres acteurs de marché. Notre manque d’ancienneté est un handicap pour participer à certains appels d’offres, mais si l’entreprise est ouverte à l’idée de travailler avec une start-up, nous remportons systématiquement le marché.

Comment faire la différence sur ce marché concurrentiel ?

K. J. – Nous visons les entreprises qui ne sont pas dotées d’une solution intégrant l’archivage légal, c’est à dire quasiment 100% du marché. C’est un point crucial : nous nous substituons au papier en France. Nous insistons aussi sur la saisie automatique. C’est une technologie que plusieurs acteurs se vantent de proposer, mais pour avoir étudié ce qui existait nous avons de très loin le plus faible taux d’erreurs, y compris par rapport à la saisie manuelle. Notre technologie commet deux fois moins d’erreurs de saisie qu’une entreprise de sous-traitance. Aussi, nous saisissons bien plus que les données fiscales : nous fournissons des données de niveau 3, à l’instar d’une carte logée : classe de voyage, nombre de nuitées, petit déjeuner… Cela permet d’avoir une vision globale du travel. Les entreprises qui font de l’open booking n’ont aucun accès à ces données de niveau trois. Il ne s’agit donc plus juste d’une problématique fiscale : on se situe dans le pilotage et l’optimisation des dépenses. Au lieu d’aller chercher les données fournisseur par fournisseur comme la carte logée, Expensya les traite à partir de la facture qui contient déjà toutes ces données. Nous aidons chaque acteur de la validation à mieux travailler, en identifiant les premières classe, les dépenses en week-end, les écarts par rapport aux coûts habituels, en nous appuyant sur les données de nos 3000 clients.

La reconnaissance de caractères n’est pas un gadget

Comment fonctionne votre système de reconnaissance de caractères ?

K. J. – L’utilisateur prend en photo sa note de restaurant, et en une seconde l’algorithme va saisir la dépense aussi bien que le ferait une entreprise de saisie. Nous appelons notre système « OCR + », pour nous démarquer de tous ceux qui disent proposer un OCR et qui ont dilué l’image de l’outil sur le marché car cela ne fonctionne pas, ou pas assez bien. L’outil Expensya signale aussi à l’utilisateur s’il a oublié de préciser qu’il y avait un invité. Cela permet de diviser par 10 les retours du contrôle de gestion. La reconnaissance de caractères n’est donc pas un gadget, comme certains acteurs ont tendance à l’expliquer. Traiter ces dépenses au fil de l’eau permet de réduire les pertes et les erreurs. Aujourd’hui, les ¾ des utilisateurs Expensya n’utilisent plus l’ordinateur pour leurs notes de frais. 75% de nos utilisateurs sont donc mobiles purs. C’est le plus haut taux du marché.

Vous évoquiez aussi le cadre légal…

K. J. – Oui : nous avons fait les démarches techniques nécessaires pour nous permettre de devenir la première solution en France à proposer le stockage à valeur légale, comme le permet la loi depuis le mois de mars. En clair, nous nous substituons au papier : plus besoin d’archiver la facture matérielle. Auparavant, l’entreprise devait conserver les originaux pendant six ans en cas de contrôle Urssaf pour justifier ses remboursements. A lui seul, le coût d’archivage est supérieur au coût d’Expensya, en termes de flux de transmission notamment.

Quelles sont les limites géographiques de l’outil ?

K. J. – L’outil couvre l’international car il est auto-apprenant. Au bout de sept à huit mois, l’algorithme savait déjà traiter sept ou huit langues, car l’utilisateur peut corriger les erreurs éventuelles de l’outil, qui apprend ainsi continuellement. Mais effectivement, tout dépend des déplacements de nos clients. Nous divisons l’international en trois catégories : dans le “tier 1”, qui rassemble une dizaine de pays, l’outil est meilleur que l’humain. Dans le deuxième tiers, son niveau est équivalent, et nécessite quelques corrections potentielles. Cela concerne une quarantaine de pays aujourd’hui. Dans le “Tier 3”, le niveau n’est pas encore suffisant. Ce n’est qu’une question de temps avant que le système n’est appris suffisamment.

Quid du paiement ?

K. J. – Nous allons nous associer à un émetteur de moyen de paiement pour pouvoir contrôler la dépense à la source. Mais l’entreprise peut de toutes façons refuser le remboursement. Contrairement à ce qu’on pense, l’entreprise recherche moins le contrôle en amont qu’une vision globale des dépenses en temps réel. Les données arrivent souvent trois ou quatre mois trop tard pour prendre les mesures nécessaires. En installant la solution Expensya, on constate une baisse quasi-immédiate des dépenses de 6 à 7% en moyenne chez les ETI. Cela s’explique parce que l’outil permet à chacun de constater les dépenses en temps réel, et donc d’agir dessus, de piloter efficacement les budgets. Une forme d’autodiscipline se met en place. Aussi, nous arrivons généralement dans des entreprises qui n’ont pas mis en place de politique de contrôle des dépenses. L’intégration de l’outil induit une conduite du changement. Nous avons l’expertise pour accompagner l’entreprise dans cette évolution, en nous basant sur des exemples de politiques mises en places dans des entreprises équivalentes. Tout cela entraîne une baisse des dépenses immédiate, ce qui ne faisait pas partie de notre business model, il faut bien l’avouer !