Perspectives 2023 pour l’hôtellerie, tarifs, RSE : Olivier Petit (In Extenso)

Perspectives pour 2023, hausse des tarifs, clientèle affaires, RSE : le regard d'Olivier Petit, associé d’In Extenso Tourisme, Culture & Hôtellerie, sur l'hôtellerie française
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Olivier Petit, associé d’In Extenso Tourisme, Culture & Hôtellerie

Selon In Extenso, l’hôtellerie française a connu une belle reprise en 2022. Qu’attendez-vous pour l’année en cours ?

Olivier Petit – Même si les prévisions macroéconomiques sont difficiles en ce moment, nous envisageons pour l’année 2023 une nouvelle croissance du revenu par chambre de +4% en région, de + 4,5% sur la Côte d’Azur et de + 6,5% à Paris. Autant en 2022, ce sont les prix moyens qui ont progressé – et de manière assez fulgurante sur certains territoires -, autant la croissance sera tirée par un complément d’occupation cette année. Un surcroît de fréquentation généré par un rattrapage par rapport aux premiers mois de 2022 touchés par la vague Omicron, par l’attractivité de la zone euro vis-à-vis de la clientèle américaine alors que la parité leur sera avantageuse, et enfin par le retour de la clientèle chinoise. Elle semble commencer à arriver à Londres et on devrait la voir également en France au deuxième semestre. D’où quelques points rattrapés du côté des taux d’occupation qui viendront doper l’année.

La hausse tarifaire, très sensible en 2022, va donc se calmer selon vous ?

Olivier Petit – Je serais assez surpris de voir se poursuivre la tendance observée ces derniers mois. Je pense que tout le chemin a été fait sur le prix moyen. S’il y aura sans doute une petite compression des tarifs sur certaines périodes, nous sommes confiants quant à la poursuite des bonnes performances de l’hôtellerie en France, et plus encore à Paris. Le tout étant soutenu par de grands événements comme la coupe du monde de rugby à l’automne et de gros salons comme le SIRAH, Pollutec ou Le Bourget qui viendront conforter une double dynamique de flux et de prix moyens.

Si la clientèle loisirs a soutenu le secteur ces deux dernières années, la clientèle affaires participe-t-elle aussi à cette reprise ?

Olivier Petit – Selon STR, la clientèle individuelle affaires n’est certes pas totalement revenue au niveau de ce qu’elle était en 2019, mais on n’en est plus très loin, à 90%/95% des niveaux pré-pandémie. Le problème aujourd’hui, c’est qu’il devient de plus en plus difficile de distinguer ce qui est vraiment du pur affaires et du pur loisirs. Tout est plus flou, plus imbriqué.

Justement, arrivez-vous à analyser cette part de clientèle affaire individuelle qui, par exemple, arrive le jeudi et reste à l’hôtel le week-end ?

Olivier Petit – Je ne sais pas pleinement le mesurer, mais je le constate dans les échanges avec les hôteliers. Cette dimension bleisure est une réalité qui s’entrevoit aussi dans les chiffres. La fréquentation des hôtels le dimanche n’est plus aussi sinistrée. De la même manière, à voir l’envolée des taux d’occupation lors des dernières vacances de la Toussaint, on peut penser que des couples ont du partir en famille, l’un étant en télétravail deux-trois jours pendant que l’autre s’occupait des enfants.

L’analyse du secteur présentée par In Extenso montre que les résultats des hôtels séminaires sont encore un peu en dessous de la concurrence. Or il semble que les réunions aient retrouvé leur rythme de croisière depuis plusieurs mois. Comment expliquez-vous ce décalage ?

Olivier Petit – La clientèle séminaires est là, c’est une certitude. Le flex office, le télétravail, tout ça fait que les entreprise ont de plus en plus besoin de réunir les équipes pour créer une cohésion, passer des messages. La convention d’entreprise aussi reprend des couleurs. Sans être encore revenus au niveau de 2019, en tout cas en Ile-de-France et à Paris, les hôtels séminaires sont dans une dynamique de reprise affirmée. Mais, s’ils ont rattrapé une bonne activité corporate, en revanche, c’est un peu plus mou en ce qui concerne le segment loisirs. Cette clientèle là, qui a tiré les prix moyens vers le haut en 2022, est plus attirée par des boutique hôtels que des gros porteurs positionnés affaires. Ce qui explique que les hôtels séminaires en Ile-de-France, parce qu’ils ont plus de mal à driver la clientèle loisirs, soient encore à la traîne.

Selon une étude publiée récemment par Interface Tourism, les organisateurs d’événements corporate qui ont privilégié la France et l’Europe ces dernières années regardent plus attentivement les destinations lointaines aujourd’hui. Ces désirs d’ailleurs pourraient-ils avoir un impact sur l’activité incentive comme sur la saison estivale en ce qui concerne la clientèle loisirs ? 

Olivier Petit – Sans avoir de mesure précise, j’ai l’impression que l’incentive se porte bien en France. Après, le fait que la clientèle ait envie de refaire des incentive à l’international n’est pas pour moi une surprise. On est dans cette logique de revenge tourism, maintenant que les frontières rouvrent et que les tracasseries sanitaires et administratives sont moindres. L’avantage, c’est que ça joue dans les deux sens. Il y aura de plus en plus de Français à partir à l’international et plus d’entreprises étrangères qui viendront faire des incentives en France. De même pour les voyageurs loisirs.

Le développement durable et les stratégies RSE font partie des grandes priorités actuelles. Comment voyez-vous évoluer ce sujet ?

Olivier Petit – Cette dimension prend plus de place depuis quelque temps. Les clients sont de plus en plus attentifs à l’impact carbone de leurs voyages. Les entreprises de service voient le poste déplacement comme l’un des plus gros leviers de réduction de leurs émissions. On rentre dans un cercle vertueux.

Ce qui se traduit de quelle façon sur le volet immobilier du secteur hôtelier ?

Olivier Petit – Tout le monde s’accorde aujourd’hui pour dire qu’investir dans la RSE génère un retour sur investissement. Un acteur comme Covivio voit d’ailleurs le décret tertiaire comme une vraie opportunité et entend engager un programme de rénovation dans ses hôtels afin d’atteindre les objectifs de consommation à l’horizon 2030. Pour un investisseur immobilier coté, être dans une logique de réduction de l’empreinte carbone est déjà favorable à leur cours de bourse. Mais, autre bénéfice, ces travaux justifient aussi une quote-part de loyer supérieure de la part de l’exploitant. Le locataire, de son côté, réduit ses factures d’énergie en limitant ses émissions carbone, ce qui est favorable à son compte d’exploitation. En plus de cela, son hôtel a plus de chance de sortir du lot en étant identifié comme un bon élève par les clients, mais aussi les futurs collaborateurs. On rentre là aussi dans un cercle vertueux.

Autre élément lié au développement durable, la non-artificialisation des sols pourrait-elle avoir un impact sur le développement hôtelier ?

Olivier Petit – Sur le principe, la volonté d’arrêter d’étendre la ville peut être un problème pour l’ouverture de nouveaux hôtels. Mais ce n’est pas forcément un frein au développement de l’activité touristique et hôtelière. Les futurs développements de Vinci Immobilier dans les années à venir ne se feront pas en construction neuve, mais à travers la conversion en hôtels d’autres types d’actifs immobiliers. Le contexte est favorable avec, d’un côté, une croissance des taux de vacances dans l’immobilier de bureau et une crise du tertiaire qui pointe à l’horizon et de l’autre cette volonté de ne pas artificialiser les sols. Regardez ce qui s’est passé lors de la précédente crise en 2009-2010 : de nombreux propriétaires avaient alors opté pour la conversion de leurs tours de bureau en équipements hôteliers. Aujourd’hui, cette évolution portera plus sur un réaménagement des espaces vers un usage mixte avec des commerces en rez-de-chaussée, un hôtel voire une résidence de tourisme, un fitness, un bar. De quoi offrir des services, apporter de la vie aux résidents de la tour.