Julie Troussicot (AirPlus) : « le point d’orgue de notre transformation digitale »

AirPlus vient de dévoiler une nouvelle identité de marque matérialisée par la signature "Smart & Simple". Le point sur l'actualité du groupe avec Julie Troussicot, directrice générale France d'AirPlus International.
Julie Troussicot, directrice générale d'AirPlus France.
Julie Troussicot, directrice générale d'AirPlus France.

De par votre position d’observateur, quelles sont les tendances qui animent aujourd’hui la gestion des voyages d’affaires ?

Julie Troussicot – Je vois tout d’abord un impact sensible de l’inflation sur les budgets voyage. En conséquence, même des entreprises qui n’étaient pas très matures dans la gestion de leurs déplacements professionnels, comme les PME et ETI, commencent à s’y intéresser. Les grands comptes avaient, eux, déjà réduit globalement le nombre de voyages à la suite du Covid. Quand une PME ou une ETI entreprend un voyage, c’est parce qu’il est essentiel. Ce sont d’ailleurs les premières à s’être remises à se déplacer pendant la pandémie. Cette année, nous étions encore un peu en sortie du Covid. Les entreprises ont eu tendance à se dire « ça coûte cher, mais de toute façon, il faut qu’on y retourne ». Mais là, l’impact de l’inflation étant quand même très fort, la volonté de maîtriser les coûts devient une priorité pour l’année 2024.

Comment AirPlus peut-il répondre à cette problématique ?

Julie Troussicot – En tant qu’acteurs du paiement, nous avons évidemment un rôle à jouer. Nous sommes sollicités par de nouveaux clients et de nombreux prospects de PME/PMI qui désirent, sinon maîtriser les coûts, en tout cas voir ce qui se passe effectivement au sein de l’entreprise. La mise en place d’une solution de paiement centralisée est la première brique pour avoir une vision claire du budget voyages avant d’éventuellement le diminuer par la suite. C’est une des tendances fortes de 2024. L’autre grande tendance, c’est le souhait des entreprises d’élargir l’optimisation de leur budget voyage à la partie MICE.

C’est un vieux serpent de mer, non ?

Julie Troussicot – Sauf que j’ai l’impression que ce serpent de mer est vraiment en train d’émerger. Depuis la pandémie, les entreprises se sont mises à faire moins de voyages pour rencontrer une ou deux personnes. En revanche, elles continuent à faire beaucoup de voyages pour rencontrer beaucoup de monde. La partie événementielle du voyage d’affaires devient plus importante. Et dans ce cadre, la notion de ROI d’un événement est plus facilement analysable que celui d’un déplacement individuel. D’où l’intérêt de pouvoir le chiffrer.

Quelles solutions apportez-vous sur cette partie MICE ?

Julie Troussicot – En plus de nos solutions historiques – cartes logées, corporate ou virtuelles –, nous avons lancé une initiative spécifique au niveau global, et en France en particulier : celle d’aller voir les acteurs du secteur pour nous interfacer avec eux. Ce que nous faisons classiquement avec les agences de voyage, l’aérien ou la location de voitures, nous pouvons aussi le faire sur la partie MICE, par exemple avec les branches MICE des TMC, les acteurs indépendants comme Kactus ou Rejolt, anciennement Business Table. Cet axe de développement stratégique a été initié en 2023, afin de nous assurer que nos solutions de paiement soient accessibles chez tous les acteurs de MICE. Pour, de ce fait, permettre à nos clients de consolider les paiements et les données.

Vos clients ont-ils aussi pour volonté de consolider la partie réunions et événements ?

Julie Troussicot – En ce moment, nos clients, des acteurs du CAC 40 notamment, ont tous plus ou moins entamé une démarche d’appel d’offres, ou en tout cas de sourcing, pour essayer de rationaliser l’organisation du MICE et la concentrer sur deux ou trois partenaires maximum. Donc, derrière, ils vont vouloir régler leurs dépenses avec une solution de paiement, soit de la carte logée, soit de la carte virtuelle. D’où notre volonté de développer les liens avec ces fournisseurs. C’est un de nos enjeux importants cette année.

Vous parliez de la volonté des entreprises de maîtriser les coûts, avec en amont une visibilité sur leurs dépenses. Avez-vous des nouveautés à leur proposer ?

Julie Troussicot – Si je veux maîtriser mes coûts, il faut effectivement d’abord que je les analyse. Dans ce cadre, nous proposions déjà toute une série de tableaux de bord. Dans le cadre de notre transformation digitale amorcée il y a un peu plus de trois ans, nous lançons maintenant un nouveau service, l’AirPlus Intelligence Hub. Une plateforme d’analyses basée sur l’intelligence artificielle, beaucoup plus puissante et plus intuitive, où l’on peut trier et rechercher les dépenses par mots clés. Par exemple, en tapant le nom d’un événement, tous les paiements qui lui sont relatifs vont ressortir dans un dashboard. Au fur et à mesure, on ajoute à notre nouvelle plateforme digitale des fonctionnalités qui existaient dans l’ancien monde et qu’on met dans le nouveau monde, avec les technologies d’aujourd’hui.

La nouvelle identité de marque que vous venez de dévoiler fait d’ailleurs écho à cette transformation digitale.

Julie Troussicot – En effet, cela va de pair avec notre nouvelle baseline « Smart& Simple ». Tous les efforts entrepris depuis cinq ans pour transformer nos produits se résument dans cette identité de marque. Et toutes les évolutions futures iront dans ce sens, celui de la clarté et de la simplification, et non de la complexification. Nous n’avons pas complètement terminé la migration de tous les produits sur la nouvelle plateforme, ce qui sera le cas en 2024. Mais 80% du chemin ayant été fait, nous sommes maintenant très confiants dans la robustesse des solutions proposées. Le repositionnement de notre marque est ainsi le point d’orgue de notre transformation digitale et vient conclure tout le travail effectué.

Ce repositionnement est donc totalement décorrélé du rachat en cours d’AirPlus par le groupe SEB Bank. Comment les choses évoluent-elles de ce côté ?

Julie Troussicot – On ne peut pas en parler aujourd’hui alors que les autorités de la concurrence l’étudient encore. Mais tout devrait être entériné à partir de la fin du deuxième trimestre 2024. Pour autant, dans ce genre de vente, le plus important est en amont. C’est la signature de ce rachat, qui a eu lieu fin juin dernier. La finalisation ne vient que clôturer une démarche, il n’y a aucune raison que ça n’aboutisse pas. Et tout ce qui a été dit à l’époque reste valable. Lufthansa a largement réfléchi et beaucoup discuté avec SEB Bank avant de nous vendre. De son côté, ce groupe cherchait depuis longtemps à racheter AirPlus. C’est une histoire réfléchie avec une vraie complémentarité, notamment géographiquement, eux dans les pays nordiques et nous en Europe de l’Ouest et du Sud.

Revenons à vos produits. Où en êtes-vous du développement de votre carte corporate ?

Julie Troussicot – Nous l’avons lancée pendant la pandémie, mais on peut estimer qu’elle est réellement sortie en 2022. En deux ans, nous avons multiplié par 4 ou 5 notre parc en France pour arriver à près de 10 000 porteurs de cartes, pour 370 000 cartes au total en Europe. Alors que cette offre est nouvelle en France, nous sommes plutôt contents avec un développement en ligne avec nos estimations, 10% de nos clients étant équipés en carte corporate. Cette dernière n’a d’ailleurs jamais été un levier d’accélération de notre développement. Elle vient un complément de notre offre pour les clients qui n’en étaient pas encore équipés. Mais d’autres façons de la déployer pourraient arriver à l’avenir.

La brique paiement est-elle de plus en plus stratégique ?

Julie Troussicot – Quand on parle aux acheteurs travel, la question du paiement se pose à chaque fois qu’ils discutent avec un nouveau fournisseur. Le paiement est lié à beaucoup de sujets. Les entreprises sont de plus en plus auditées et de fait obligées à avoir des systèmes comptables extrêmement lourds. Le paiement peut être une solution dans ce cadre. On voit aussi que le scope du travel management s’est élargi, traitant de plus en plus de sujets proches des ressources humaines. Il y a cette notion – au-delà de la sécurité ou du bien-être du voyageur dont on a beaucoup parlé ces dernières années – d’obligations légales plus fortes. Là aussi, le paiement fait partie des solutions. Par exemple, il n’est plus socialement acceptable de demander à un collaborateur d’avancer les frais de l’entreprise. Avant, on faisait tout passer avec la carte du collaborateur, maintenant, ça n’est plus admis. Avec l’inflation et autres problèmes financiers, un cadre sur sept est à découvert à la fin du mois à cause de ses frais professionnels.

L’acceptation de vos solutions est-elle encore un enjeu aujourd’hui ?

Julie Troussicot – D’une certaine manière non, puisque notre carte virtuelle Mastercard est acceptée partout. Pour autant, nous continuons à élargir l’acceptation de notre carte logée, basée sur le réseau UATP. C’est quand même la Rolls Royce du paiement, avec une qualité de d’intégration, de fluidité, de données qu’on ne retrouve nulle part ailleurs. Aucune carte virtuelle aujourd’hui n’est capable d’avoir ce niveau de data là. Aussi nous continuons à étendre son cadre. Par exemple, en 2023, nous avons signé un partenariat avec Uber for Business, leurs clients pouvant désormais payer leurs factures avec la carte logée AirPlus. Et nous discutons de cette possibilité avec d’autres partenaires, notamment dans le MICE.