Ukraine : soutien des hôteliers aux réfugiés, développement suspendu en Russie

Tout en ouvrant leurs établissements aux réfugiés hors d'Ukraine, en plus de dons et de soutiens financiers, les leaders de l'hôtellerie mondiale ont suspendu leur développement en Russie. Sans pour autant y cesser totalement leur activité.
Le Fairmont Grand Hotel à Kiev, un des sept hôtels Accor en Ukraine.
Le Fairmont Grand Hotel à Kiev, un des sept hôtels Accor en Ukraine.

Réactualisé le 18 mars

« Ukraine will win« . Le 2 mars dernier, le plus grand groupe hôtelier ukrainien, Reikartz Hotel, affichait clairement son soutien face à l’invasion russe. Fort d’une soixantaine d’hôtels à Kiev et dans une trentaine de villes du pays, l’hôtelier subit de plein fouet la guerre qui ravage son pays, ayant annoncé dès le 25 février dernier la fermeture de nombreux établissements, que ce soit à Kiev, Kharkiv, Mariupol ou Odessa.

Les grands groupes mondiaux sont naturellement bien moins présents en Ukraine, Hyatt et Hilton n’étant implantés qu’à Kiev, tandis qu’IHG y propose cinq établissements. De son côté, Accor en compte sept – dont quatre dans la capitale, notamment un luxueux Fairmont – qui, pour certains, conservent leurs portes ouvertes pour accueillir les journalistes, les ONG ou des familles qui voudraient y trouver refuge. Un élan de solidarité qui porte aussi sur l’accueil des réfugiés hors d’Ukraine, Hilton annonçant par exemple un don allant jusqu’à un million de nuitées à travers l’Europe, en partenariat avec American Express et #hospitalityhelps.

De la même manière, Accor, Hyatt, IHG ou Radisson ouvrent leurs établissements aux réfugiés dans les pays voisins de l’Ukraine. Le 4 mars dernier, Accor précisait dans un point de situation que de nombreux hôtels s’étaient portés volontaires pour accueillir des réfugiés, que ce soit à Lublin, Cracovie, Nowy Sacz, Raclawice et Varsovie, mais aussi à Bucarest, Timisoara et Galati en Roumanie, à Chisinau en Moldavie et Budapest en Hongrie, mais aussi en Europe de l’Ouest, à Paris et à Gênes notamment. « Une liste qui s’est depuis allongée pour répondre aux nouveaux besoins« , précise la direction de la communication du groupe français. Pour l’occasion, Accor a aussi réactivé la plate-forme CEDA, créée pendant la pandémie pour organiser l’hébergement des personnes sans abri et des professionnels de santé.

Cet élan de solidarité se matérialise par un soutien financier de la part des groupes hôteliers. Marriott a, par exemple, affecté un million de dollars à son fonds d’aide pour soutenir ses collaborateurs tout en invitant en parallèle les membres du programme Marriott Bonvoy à donner des points pour soutenir l’UNICEF et World Central Kitchen. De son côté, Accor a mobilisé son fonds ALL Heartist, un véhicule financier de solidarité, afin de soutenir ses collaborateurs et leurs familles touchés par ces événements tragiques tout en proposant à ses salariés de faire des dons en faveur de l’UNHCR, auxquels le groupe abondera.

Fonds de secours et transfert d’emplois chez Hyatt, dons d’IHG à CARE International et à la Fédération internationale des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge ou de Radisson au Comité international de la Croix-Rouge : les initiatives se sont multipliées ces dernières semaines. A noter qu’un autre acteur de l’hospitalité, Airbnb, a annoncé proposer gratuitement un hébergement temporaire d’urgence à un maximum de 100 000 réfugiés au départ d’Ukraine. Mais la plate-forme a trouvé une autre forme d’utilisation, puisque des milliers d’internautes l’ont détourné pour en faire un moyen d’envoyer des dons à la population locale, en réservant des séjours sans pour autant les honorer.

Soutien en Ukraine, suspension en Russie

Reste un autre volet de la crise, et non des moindres, la position des groupes hôteliers vis-à-vis de la Russie. En effet, à la différence de nombreuses multinationales comme Mc Donald’s qui a décidé de fermer temporairement ses 850 restaurants en Russie, aucun des leaders de l’hôtellerie mondiale n’y a cessé totalement ses activités. « Il n’est pas dans l’ADN du groupe de quitter un pays en situation difficile« , explique-t-on à la communication d’Accor, la Birmanie étant un autre exemple de cette politique. Un positionnement globalement partagé par les autres groupes, Radisson Hotel entre autres : « toutes nos propriétés en Russie sont détenues par des tiers et nous continuons à les exploiter d’une manière ou d’une autre, car nous jouons un rôle clé dans le soutien à nos employés et aux communautés locales. »

En revanche, que ce soit Hilton, Hyatt IHG, Marriott ou Radisson, tous ont décidé de fermer leurs bureaux à Moscou, et, surtout, de suspendre leurs investissements et leurs activités de développement en Russie. Accor, sans communiquer de façon officielle comme ses homologues américains, souligne de son côté avoir pris dès le début du conflit la décision d’arrêter son développement en Russie, mais aussi de suspendre aussi les partenariats dans le cadre du programme de fidélité All. En outre, les propriétaires  sous le coup de sanctions européennes et américaines ont vu leurs établissements retirés de la plate-forme de réservation. « Nous restons vigilants et les mises à jour de ces sanctions seront répercutées au fur et à mesure« , précise le groupe français. « Au fur et à mesure de l’évolution de cette situation complexe, nous continuerons à évaluer nos accords de gestion existants avec les entités tierces propriétaires des hôtels Hyatt en Russie, tout en nous conformant aux sanctions applicables et aux directives du gouvernement américain« , déclare également le groupe Hyatt.

Le 14 mars, l’Association des hôtels et resorts ukrainiens (UHRA) et l’agence gouvernementale de développement touristique (SATD) ont envoyé une lettre ouverte aux sept principaux opérateurs hôteliers internationaux, se déclarant déçues par leur « procrastination concernant la poursuite des activités en Russie« . « Nous apprécions naturellement le soutien des efforts humanitaires que les sociétés hôtelières accordent aux réfugiés ukrainiens, mais nous rejetons le fait que le mieux qu’ils puissent faire en Russie soit de ‘se conformer aux sanctions et aux lois applicables’ « , ont-ils déclaré. Par ailleurs, l’association invite les groupes internationaux à se demander s’il est plus éthique de supporter le coût fiscal de la violation de leurs contrats en Russie ou « de les maintenir et de continuer à commercer sous un régime illégal et brutal du criminel de guerre Poutine, et contre ses propres codes d’éthique des affaires. »  Hilton a cependant pris une décision quant à ses éventuels revenus tirés de sa présence en Russie : faire don de ces bénéfices aux efforts d’aide humanitaire en Ukraine.