
Un mégahub attendu à Riyad, capable d’accueillir 120 millions de passagers ; une gigaville futuriste – NEOM – en préparation au bord de la mer Rouge, présentée comme 100% durable ; des quartiers urbains dépassant tous les superlatifs ; des développements touristiques à foison : l’Arabie saoudite fourmille de projets pour donner corps à sa Vision Saudi 2030. Suivant l’exemple de Dubaï, cette stratégie nationale, annoncée par le prince Bin Salmane en 2016, vise à limiter la dépendance du pays à la rente pétrolière pour en faire un hub clé, un pôle économique stratégique à la croisée des continents européen, africain et asiatique.
Mais cette Vision 2030 entend aussi faire de l’Arabie saoudite une grande destination touristique. Et ce, pas seulement en accueillant toujours plus de pèlerins dans ses lieux saints, mais surtout en attirant les visiteurs du monde entier à travers de nouveaux lieux. Au bord de la mer Rouge, le Red Sea Project verra émerger un immense complexe de luxe au sein d’un archipel de 90 îles quasi vierges. Sur la côte nord-ouest, c’est une immense marina, Amaala, qui est au programme, elle aussi très haut de gamme. Plus surprenant encore, une station de ski, Trojena, s’apprête à s’élever en surplomb du golfe d’Aqaba.
Les environs de la capitale Riyad ne sont pas en reste avec le projet Qiddiya, futur haut lieu du divertissement et du sport, ou encore Diryah Gate, dans un style plus culturel. En l’occurrence, il s’agit du réaménagement du siège historique de la dynastie des Saoud, une cité pluri-centenaire développée autour du site d’At-Turaif, classé au patrimoine mondial. Un opéra et une salle de spectacle de 20 000 places, des musées et des hôtels de luxe construit selon le style traditionnel en briques de terre cuite : rien n’est trop beau, ni trop cher – une cinquantaine de milliards de dollars – pour faire du berceau du royaume une destination culturelle de classe mondiale.


Le pays, qui entend voir doubler le nombre de ses lieux classés à l’Unesco, compte aussi sur un autre projet-phare, AlUla, le « Petra saoudien ». Déjà au patrimoine mondial, ce site nabatéen a déjà connu l’ouverture de plusieurs resorts et campements de luxe, notamment un Banyan Tree l’an dernier, avant bien d’autres à venir à l’image de trois hôtels Aman ou encore le Sharaan by Jean Nouvel, un envoutant et prestigieux complexe de 38 suites sculpté dans la roche désertique.
Car le développement attendu du tourisme suscite naturellement l’intérêt des hôteliers. Ces derniers mois, les grands groupes ont annoncé chacun à leur tour de vastes programmes d’expansion. Le récent salon Arabian Travel Market a donné l’occasion de le démontrer avec la signature de protocoles d’accord entre l’Autorité du tourisme saoudienne (STA) et IHG d’un côté, le groupe Hilton de l’autre. En perspective pour ce dernier : le passage de 16 hôtels dans le pays à 75 établissements dans les prochaines années.
« L’Autorité saoudienne du tourisme a pour volonté de renforcer les partenariats stratégiques avec les grandes groupes internationaux et des marques prestigieuses d’envergure mondiale, a déclaré Abdulkarim Al-Darwish, PDG des marchés moyen-orientaux et africains de STA. Ces partenariats renforcent nos efforts pour attirer les touristes et enrichir leur expérience en leur proposant des produits et des offres de premier ordre« . Mais l’expansion de Hilton en Arabie Saoudite concernera un large panel de ses marques, les plus luxueuses comme Waldorf Astoria et LXR, mais également ses enseignes milieu de gamme et économique telles Hilton Garden Inn qui ouvrira à La Mecque son plus grand hôtel au monde, de plus de 1 500 chambres, ou encore Hampton by Hilton.
Car, pour les hôteliers, l’Arabie saoudite dispose d’un atout par rapport à ses voisins : sa population, proche des 35 millions d’habitants, contre moins de 10 millions pour l’ensemble des Émirats Arabes Unis. Soit un vrai marché domestique et une clientèle potentielle pour une hôtellerie plus abordable. A la mi-mai dernier, le groupe IHG a ainsi annoncé l’ouverture dans les années à venir de 12 Holiday Inn Express dans le royaume, en parallèle des développements attendus pour ses marques de luxe Kimpton et InterContinental à Riyad ou encore la Vignette Collection à Al Khobar.

Du côté du groupe Accor, Jean-Jacques Morin, directeur général de la division Premium, Milieu de gamme et Économique, remarquait récemment que « si nombre de nos enseignes de luxe et lifestyle sont déjà bien connues en Arabie saoudite, nous avons hâte de renforcer la présence de nos marques premium, milieu de gamme et économique dans les villes secondaires connaissant une forte croissance« . Le groupe français a d’ailleurs conclu début mai un accord avec Amsa Hospitality pour la construction au cours des dix prochaines années de 18 hôtels dans plusieurs villes, notamment Ha’il, Jubail, Taif, Al-Ula, Tabuk et Jazan, essentiellement des ibis Styles, Mercure et Novotel.
Le groupe français, leader du marché saoudien avec 42 hôtels actuellement, entend ainsi voir son offre plus que doubler de taille d’ici 2027 avec 56 établissements en phase de développement. « L’avenir de l’Arabie saoudite est extrêmement prometteur, aussi Accor y accélère-t-il ses projets en réponse à la demande croissante« , a déclaré Sébastien Bazin, Président-Directeur général de Accor. Parmi les développements déjà annoncés, celui d’un hôtel lifestyle haut de gamme de la marque Mondrian intégré au complexe loisirs Al Malga Urban Village, en cours de développement au nord de la capitale saoudienne. Un hôtel de 200 clés, dont 130 chambres classiques, le reste de l’offre étant constitué d’appartements de une à trois chambres qui intégrera trois bars et restaurants ainsi que de vastes espaces événementiels.
Mais la stratégie passe aussi et surtout par des sites multi-marques où, comme le décrit Sébastien Bazin, Accor va associer des hôtels et des résidences, proposer de nouveaux concepts F&B « en collaboration avec des chefs de renom » et élever « l’expérience hôtelière saoudienne vers de nouveaux sommets« . D’ici 2027, l’hôtelier français développera à Riyad un complexe de luxe mêlant un Raffles de 230 chambres, des résidences Sofitel et un resort de 60 villas MGallery. Un programme, réalisé en partenariat avec Erth Real Estate Company, qui s’inscrit dans un projet d’urbanisme plus large, comprenant des tours de bureaux, des immeubles résidentiels et des espaces commerciaux.
De la même manière, à Médine, Accor disposera bientôt d’un complexe réunissant les marques Fairmont, Swissôtel et Novotel au sein du projet Rua Al Madinah. Voisin de la « mosquée du Prophète », cet immense redéveloppement urbain à la frontière du spirituel et du lifestyle vise à transformer une surface de 1,5 million de m² en lieu d’accueil haut de gamme pour les pèlerins et visiteurs des lieux saints.


Près de 45 000 chambres y sont attendues à l’horizon 2030, offrant aux hôteliers de vastes perspectives de développement. Car, en plus des hôtels Accor, le projet Rua Al Madinah verra aussi Hyatt y implanter trois de ses marques – Hyatt Place, Hyatt Regency et Grand Hyatt – pour un total de plus de 1700 chambres. Quant à Marriott, ce sont pas moins de huit de ses enseignes pour 4 400 nouvelles chambres qui vont y prendre place : Ritz-Carlton et JW Marriott pour le luxe, Marriott, Westin et Le Méridien , milieu de gamme Courtyard, Four Points by Sheraton et Aloft Hotels.
S’il est moins certain que les voyageurs d’affaires soient amenés à visiter l’un ou l’autre de ces établissements, d’autres giga projets saoudiens les concernent plus directement. Parmi ses différents développement, la ville futuriste NEOM comprendra une ville de 9 millions d’habitants, The Line, longue de 170 kilomètres pour 200 mètres de large, sillonnée par un train à grande vitesse en 20 minutes de bout en bout. Autre développement en cours, celui d’un centre logistique high tech alimenté par des énergies propres. Baptisé Oxagon, ce projet sera en partie développé sur la mer, en faisant ainsi la plus grand complexe industriel flottant du monde.
Reste que rien n’est encore acquis. Sur la quinzaine de ces projets pharaoniques, tous verront-ils le jour ou, du moins, seront-ils à la hauteur de l’ambition initiale ? Sont-ils aussi vertueux écologiquement qu’annoncés ? Si le King Abdullah Financial District de Riyad, lancé lors de la crise financière de 2008, n’est plus tout à fait cet éléphant blanc qu’il était il y a encore une décennie, les gratte-ciels de ce quartier d’affaires commençant à sortir de terre, la Jeddah Tower, en revanche, n’est toujours pas achevée. Projet lancé en 2008 par le prince Alwaleed bin Talal, tombé depuis en disgrâce, celle qui devait être le plus haut immeuble du monde avec une hauteur d’un kilomètre, contre 830 mètres pour la tour Burj Khalifa à Dubaï, est toujours à l’état de chantier. Et nul ne sait encore si elle verra le jour…