Benjamin Abittan (Châteauform) : « l’entreprise peut améliorer le monde de demain »

Forte activité et développement, nouvelle offre Inside et vie de bureau, culture d'entreprise humaniste : Benjamin Abittan, directeur général délégué de Châteauform', fait le point sur l'actualité de son groupe, et ce qui fait sa spécificité.
Benjamin Abittan, directeur général délégué de Châteauform' © Châteauform’ - Arlency
Benjamin Abittan, directeur général délégué de Châteauform' © Châteauform’ - Arlency

Après deux années perturbées, la fréquentation de vos établissements est-elle aujourd’hui à la hauteur de vos attentes ?
Benjamin Abittan – L’activité est vraiment repartie sur les chapeaux de roue passée la période Omicron. Ces derniers temps, nous faisons même des semaines comme nous n’en avons jamais connues auparavant, parfois jusqu’à 7000 participants par jour ! De ce fait, nous dépassons chaque mois nos meilleurs résultats depuis mars dernier. L’année 2022 sera sans doute meilleure encore que 2019, qui était déjà une année historique, et cela sur seulement 10 mois d’activité, puisque nous avons été quasiment à l’arrêt en janvier et février. J’ai cependant une frustration, celle de voir, tout étant déjà réservé, une demande non satisfaite équivalente à 50 millions d’euros. 

Comment expliquez-vous cette situation de quasi trop-plein ?
B. A. – En premier lieu, par le fait d’avoir conquis 2 000 nouveaux clients depuis l’été 2021, essentiellement des PME et des ETI qui sont venues chez nous pour recréer du lien. Des entreprises que nous n’avions pas l’habitude de recevoir habituellement, car elles sont moins portées sur les séminaires, leurs collaborateurs se connaissant tous. A cela s’ajoute aujourd’hui la reprise des programmes de formation des grandes entreprises. La pénurie de talents actuelle engendre la nécessité de former davantage de collaborateurs pour les faire monter en interne. Comme le souligne notre nouvelle identité de marque « révélons vos talents », Châteauform’ s’inscrit dans cette logique. Les entreprises qui considèrent leurs collaborateurs comme une masse salariale, un coût, trouveront d’autres solutions moins chères ailleurs. Mais nous voulons être les partenaires de ces entreprises qui veulent aller de l’avant en investissant dans l’humain.

Face à cette demande croissante, comptez-vous ouvrir de nouveaux lieux ?
B. A. –
Ne pas avoir fait de développement pendant deux ans se ressent aujourd’hui. Donc nous sommes accélérons sur ce point avec une équipe renforcée et la volonté de densifier notre présence dans tous les pays où nous sommes présents, et au plus près de nos clients. Les enjeux climatiques font que les entreprises reviennent à des séminaires locaux. Emmener 500 personnes en Grèce trois fois par an pour des événements corporate n’a pas beaucoup de sens aujourd’hui. C’est pourquoi je suis à la recherche de plus grands sites, de 300 chambres par exemple, pour lesquels j’ai de nombreuses touches, notamment près de Paris. Mais rien encore de suffisamment concret pour pouvoir être annoncé.

Le centre de séminaires de la technopole de la Société Générale à Val de Fontenay, Les Dunes, est à la genèse de l'offre Inside de Châteauform'.
Le centre de séminaires de la technopole de la Société Générale à Val de Fontenay, Les Dunes, est à la genèse de l’offre Inside de Châteauform’.

Vous sortez donc de vos habitudes pour vous tourner vers des établissements de plus grande taille. Pourquoi cette évolution ?
B. A. –
En effet, notre cœur de métier s’est longtemps concentré sur des lieux d’une centaine de chambres. Mais la demande pour l’accueil de grands groupes est aujourd’hui très forte. Pour autant, nous serons très sélectifs dans nos choix, car un nouvel établissement est un pari sur minimum 15, voire 30 ans. D’où, d’ailleurs, l’importance qui ira croissant de la proximité de nos sites avec nos clients face à l’évolution des mentalités sur le réchauffement climatique. Dans tous les cas, nous refusons de créer de nouveaux lieux qui ne soient pas dans l’esprit de Châteauform’, avec ce petit supplément d’âme. Par exemple, notre plus grande maison actuellement, le Campus La Mola près de Barcelone, était un hôtel MICE de 185 chambres situé juste à coté d’une ferme du XIIIe siècle, que nous avons également reprise. Ainsi, les gens se réunissent dans cette massia historique et dorment dans un hôtel moderne et confortable auquel nous avons apporté notre touche. Comme il n’y a plus de check in/check out, le desk d’accueil a été cassé, de même que les espaces de restauration ont été complètement repensés. Dans ce cadre, le lobby est devenu un énorme salon, une vaste salle de jeu avec des flippers, des jeux d’arcade, un minigolf… Cette association d’un hôtel MICE et d’un lieu un peu magique juste à côté est tout à fait le genre de choses qu’on pourrait refaire ailleurs.

Envisagez-vous aussi d’autres modèles de développement ?
B. A. –
Tout en tenant le cap de notre modèle dédié au B2B, on explore d’autres idées, d’autres manières de faire. Pourquoi, par exemple, ne pas faire un pas vers l’hôtellerie classique ? Plusieurs établissements, comme notre expertise sur la partie séminaires est largement reconnue, sont venus nous voir en nous disant que, de la même manière, qu’ils avaient un spa Nuxe et un restaurant de chef, ils se verraient bien avoir un centre de séminaires Châteauform’. Jusqu’ici, les propositions n’étaient pas compatibles avec notre cahier des charges. Mais si on trouve un hôtel, qu’il soit de chaîne ou indépendant, où les clients peuvent retrouver dans l’espace séminaires l’expérience Châteauform’ – et non les services d’un hôtel cachés derrière la marque Châteauform’ -, nous n’hésiterons pas. Tous les modèles sont possibles.

Notre offre Inside vise à réenchanter la vie de bureau et renforcer la culture de l’entreprise.

Benjamin Abittan

D’une certaine manière, cette externalisation de l’offre de Châteauform’ est aussi ce que vous proposez aux entreprises ?
B. A. –
Nous avons toujours écouté la voix de nos clients. Ils nous demandé d’être en ville, nous avons ouvert des établissements City. Aujourd’hui, des entreprises clientes viennent nous voir pour retrouver l’expérience Châteauform’ au quotidien, entre autres parce qu’elles ont des ambitions dans la formation ou alors parce qu’elles ont des problèmes de rétention de leurs talents et qu’elles ne sont pas satisfaites de l’hospitalité de leurs bureaux. Notre offre Inside vise justement à réenchanter la vie de bureau et renforcer la culture de l’entreprise.

En quoi consiste concrètement cette offre Inside ?
B. A. –
Nous proposons aux entreprises de mettre en place un gestionnaire qui, à la manière des couples d’hôtes de nos maisons, est en charge de l’animation et de l’expérience de leurs lieux de travail. Une personne qui chapeaute la restauration, la gestion des salles de réunion, l’aménagement, la relation avec les différents prestataires… C’est important, pour transformer l’expérience, d’avoir la main sur la restauration et les équipes de nettoyage notamment. Imaginons une semaine de sensibilisation à la RSE, où tout ce qui n’est pas trié n’est pas jeté. Si vous ne pilotez pas les équipes de nettoyage, que les poubelles sont systématiquement vidées chaque jour au lieu de se mettre à déborder, la prise de conscience est différente. Pour améliorer l’expérience, parce qu’ils ont un budget à dépenser comme ils veulent, ils peuvent créer des choses inattendues et généreuses, par exemple une petite célébration impromptue après la signature d’un gros contrat ou proposer à midi des huîtres ou des glaces à profusion.

Vous aviez déjà l’offre Home, lancée avec la Société Générale au campus Les Dunes, à Val de Fontenay. Si vous lancez aujourd’hui une offre plus formalisée et élargie, c’est qu’il y a une vraie demande de la part des entreprises ?
B. A. –
Elle existe aujourd’hui. Mais nous en sommes au stade où les entreprises confient souvent ces appels d’offres à leur département achats. On s’entend souvent dire : »on a prévu x euros par jour et par talent, et vous venez avec une offre plus élevée, comment pouvez-vous vous aligner ? Quelle fiche de poste pour le gestionnaire ? Quel calendrier pour les événements ? » Mais l’offre Inside n’est pas une solution d’économies sur les coûts de fonctionnement, mais de création de culture d’entreprise, d’expérience globale. On peut se mettre d’accord sur un nombre d’événements à organiser, mais, avant tout, nous responsabilisons un humain dont le travail sera d’améliorer la vie des collaborateurs, qui va les connaître et créer du lien dans l’entreprise. Et cela, sans en mettre plein la vue le premier mois et serrer la vis pendant trois ans.

C’est donc une réponse aux problèmes de recrutement et de rétention des collaborateurs, très sensibles aujourd’hui dans les entreprises ?
B. A. –
Plus la guerre de talents va être forte, plus les entreprises se poseront la question de savoir si elles préfèrent mettre, disons, 150 000 euros dans une campagne d’affichage pour dire « venez travailler chez nous, c’est génial » ou alors 50 000 euros dans la qualité de vie au bureau. Nous avons d’ailleurs refusé des projets, car l’entreprise qui était venue nous voir n’avait pas cette vision large qui est d’investir dans l’humain. Après, avant que tout cela se développe, il y a aussi le temps long de l’immobilier, des entreprises qui envisagent de faire évoluer les choses au changement de bail ou de locaux. En attendant, à l’heure actuelle, s’il y a un domaine où les entreprises sont prêtes à investir dans leurs talents, c’est à travers leurs universités. Nous avons par exemple déployé l’offre Inside sur le campus SNCF Réseau à Saint Priest, chez Pernod Ricard au domaine de La Voisine. D’autres projets de ce type sont en cours, notamment l’ouverture attendue du campus de Deloitte pour la région EMEA, un lieu de 500 chambres où Deloitte s’apprête à former un nombre très important de collaborateurs.

Université du groupe Pernod Ricard, le domaine de La Voisine est aussi une maison accessible à la clientèle extérieure.

Votre nouvelle signature de marque, « révélons vos talents », est aussi une invitation à se tourner vers vous pour découvrir de nouvelles façons de manager ?
B. A. –
En effet, Il y a une appétence pour comprendre concrètement ce qui fait l’esprit de Châteauform’. Nous sommes en quelque sorte, non pas des mercenaires, mais des missionnaires de cette culture d’entreprise humaniste sur laquelle nous avons beaucoup travaillé avec Isaac Getz, professeur de management qui a crée le concept d’ « entreprise libérée », puis celui d’ « entreprise altruiste ». Aussi, nous pouvons partager avec nos clients nos propres programmes de formation sur ce sujet ou les sensibiliser quand ils viennent chez nous en séminaire. J’ai l’exemple de dirigeants qui ont discuté avec des couples d’hôtes lors d’un séminaire, puis se sont vus offrir le livre L’entreprise humaniste de Jacques Horovitz (NDLR : le cofondateur de Châteauform’ avec Daniel Abittan, le père de Benjamin Abittan) et qui nous ont dit que ce mode de pensée les avait amené à changer leur management. Rien qu’en étant nous-même et en partageant notre façon de faire les choses, on peut, sans être moralisateur, convaincre le plus d’entreprises d’adopter cette posture.

Nous prônons une entreprise au service des humains et non qui se servent d’eux, qui leur laisse de l’autonomie pour s’exprimer en ne mettant pas en silence leur créativité.

Mais, au fond, qu’est-ce qui fait l’esprit Châteauform’ ?

B. A. – Mon père, qui est un serial entrepreneur, a monté plein de business différents, de la photo, de l’optique, de l’hôtellerie, du funéraire. On ne réussit dans autant d’industries par chance ; il y a donc une méthode, un savoir-faire, une forme de management qui fait grandir les talents. Nous prônons une entreprise au service des humains et non qui se servent d’eux, qui leur laisse de l’autonomie pour s’exprimer en ne mettant pas en silence leur créativité. Tout n’est pas parfait bien sûr, mais il y a chez nous un respect de l’humain, très pragmatique et fondé sur l’idée de « roue du bonheur ». A savoir que ce sont des talents heureux qui font des clients heureux. L’expérience des clients passe forcément par leur état d’esprit. Leur taux de satisfaction est d’ailleurs le meilleur des contrôles qualité.

Pour autant, pensez-vous que cet esprit soit transposable ailleurs ?

B. A. – Je pense que cette philosophie est applicable à toutes les entreprises. Si je suis tombé amoureux de Châteauform’, c’est par conscience de son impact potentiel. Les grandes institutions porteuses de sens sont en crise aujourd’hui, que ce soit la religion ou la politique, même si les idéologies font leur come back, mais sous le sceau du populisme. Pour moi, ce sont ces grandes organisations humaines que sont les entreprises qui peuvent améliorer le monde de demain. Et cela, en prenant soin de leur communauté, de leur tribu, en s’impliquant dans la RSE, en donnant du sens au travail. Alors que nous recevons un million de cadres par an, Châteauform’ a tous les ingrédients pour accompagner les entreprises dans cette métamorphose. Car, il ne faut pas l’oublier, le but de l’entreprise, c’est l’Homme – avec un grand H -, pas le profit.

En plus de la restauration, Châteauform’ ajoute à son offre des pauses gourmandes tout au long de la journée. Ici, le campus Les Dunes.