
Visa et Conferma ont récemment annoncé le lancement d’une nouvelle gamme de solutions de paiement fondée sur une carte virtuelle. Quelle est son la plus innovante ?
Nicole Flory – L’originalité de Visa Commercial Pay repose en effet sur l’utilisation d’une carte virtuelle, déclinée sous trois formes de solutions. Parmi les trois piliers de notre nouvelle offre, l’innovation principale est de pouvoir pousser une carte virtuelle sur un téléphone mobile. C’est à dire d’émettre une carte à usage unique qui peut être utilisée comme moyen de paiement via un smartphone. Grâce à cela, les entreprises, qui ont pour habitude de distribuer des cartes corporate à leurs grands voyageurs, peuvent aussi offrir un moyen de paiement à leurs collaborateurs qui se déplacent de façon très ponctuelle ou aux intervenants externes, les consultants par exemple. Les dépenses sont paramétrées en amont pour une durée précise ou un montant déterminé, puis seront directement débitées sur le compte de l’entreprise. Ce mode de paiement centralisé offre de la sécurité et de la visibilité aux entreprises, tout en évitant aux collaborateurs d’avoir à avancer des frais.
Ce moyen de paiement digital a-t-il vocation à remplacer la carte plastique ?
N. F. – A terme, on peut imaginer que cette solution vienne, sinon en remplacement, en tout cas en complément de la carte corporate. Aujourd’hui, les solutions de paiement « best in class » dans les entreprises combinent souvent une carte logée pour régler toutes les dépenses en amont d’un déplacement, les billets d’avions entre autres, et une carte corporate individuelle qui permet aux collaborateurs de régler tous les autres frais pendant leurs déplacements. D’où une bonne visibilité sur tous ces dépenses. Mais il manquait encore cette traçabilité et cette visibilité sur les frais engendrés lors des déplacements ponctuels, lorsque les collaborateurs règlent leurs dépenses avec leurs cartes personnelles.
Cette évolution s’inscrit aussi dans une tendance lourde, à savoir la dématérialisation des paiements ?
N. F. – Tout à fait. Et vous touchez là à un autre pilier de notre offre, qui vient en réponse à la digitalisation accélérée des achats B2B. Le collaborateur s’attend aujourd’hui à avoir la même expérience utilisateur dans sa sphère professionnelle que dans sa sphère personnelle. Si nos développements concernant la carte virtuelle étaient déjà dans les tuyaux avant le début de la pandémie, celle-ci vient accélérer le besoin de solutions de paiement digital au sein des entreprises. Avec le recours accru au télétravail pendant le confinement, les salariés ont dû faire des achats ponctuels de matériels et de fournitures pour s’équiper à la maison. Or les systèmes en place actuellement sont limités. Avec notre solution, donner un moyen de paiement à un employé éloigné de l’entreprise devient extrêmement simple. La carte virtuelle offre une telle flexibilité que l’entreprise peut la paramétrer en amont pour une catégorie d’achats bien précise.
Dans les faits, comment cela fonctionne-t-il ?
N. F. – Par exemple, un collaborateur a besoin d’acheter une imprimante à 150 euros. Son employeur peut lui envoyer une carte virtuelle de ce montant pour faire son achat en ligne. Ou, si elle est poussée sur un téléphone mobile, il pourra aller chez un fournisseur de matériel de bureau et payer en caisse avec son smartphone. C’est là la grande innovation que Visa est seul à proposer aujourd’hui : la carte virtuelle devient un vrai moyen de paiement dématérialisé.
Ce qui a aussi son utilité lors des voyages d’affaires.
N. F. – En effet, la solution que nous offrons sur les téléphones mobiles peut par exemple servir à régler une note d’hôtel. La carte virtuelle est d’ailleurs apparue il y a quelques années, en complément de la carte logée, afin d’offrir une solution en ce qui concerne les dépenses d’hébergement. L’hôtellerie, avec ces milliers d’établissements indépendants et une myriade de prestataires, rendait le règlement par carte logée presque impossible. Pour autant, les solutions actuelles ont une limite. Autant la carte virtuelle permet de garantir une réservation en amont du déplacement, autant tout devient plus compliqué au moment du check-out, l’établissement demandant souvent à voir une preuve du paiement. Jusqu’à présent, la seule solution proposée sur le marché était de de pousser l’image de la carte ayant servi au paiement dans le téléphone mobile afin que le collaborateur puisse la montrer à la réception. Mais ce n’est qu’une image, ce n’est pas un moyen de paiement dématérialisé.
Si nos développements concernant la carte virtuelle étaient déjà dans les tuyaux avant le début de la pandémie, celle-ci vient accélérer le besoin de solutions de paiement digital au sein des entreprises.
Cependant, votre nouvelle gamme de solutions Visa Commercial Pay n’est-elle pas, avant tout, une solution de paiement centralisé des dépenses voyages ?
N. F. – C’est même le premier pilier de notre offre. A la manière d’une carte logée, notre carte virtuelle peut être intégrée chez les prestataires de voyages. La force de la carte logée est d’être totalement intégrée dans la chaîne d’achats voyages des entreprises en étant pluggée au back-office des agences de voyages. Cette solution permet ainsi de véhiculer les données les plus proches de la facture, ce qu’on appelle des données de niveau III. C’est son grand avantage. Sa limite, c’est de ne pas pouvoir être utilisée partout, à la différence de l’offre proposée par Visa. En revanche, notre solution peut aussi, comme la carte logée, véhiculer des informations précises sur les dépenses des collaborateurs. Notre partenariat avec Conferma, spécialiste reconnu de la gestion de la carte virtuelle, est dans cette logique.
Cela annonce-t-il l’avènement de la carte virtuelle en tant que solution centrale dans l’architecture des paiements à la place de la carte logée ?
N. F. – A terme, la carte logée pourrait être remplacée par la carte virtuelle, puisque celle-ci peut assurer les mêmes fonctionnalités. Mais elle va commencer en complément des solutions existantes. Après, cette évolution vers une solution dématérialisée dépend avant tout de la taille et de la maturité de l’entreprise. Les PME vont avoir plus de facilité à basculer sur des moyens de paiement innovants. Pour les grandes entreprises, intégrer ces solutions innovantes demandent un peu plus de temps, ce qui est lié à la complexité de leur système.
Quand cette nouvelle offre sera-t-elle déployée ?
N. F. – Nous sommes en phase de discussions avec nos clients émetteurs. L’annonce – qui a été faite au niveau mondial pour un service qui sera disponible à l’échelle mondiale – est encore récente. Depuis le dévoilement de cette nouvelle offre, nous avons reçu un accueil très positif ainsi que beaucoup de demandes, notamment de grandes banques, mais aussi de fintechs. Après, tout dépendra du rythme de développement chez nos clients. Mais tout cela ne devrait pas tarder à sortir, car notre gamme Visa Commercial Pay va dans le sens des pratiques actuelles, que ce soit la digitalisation des achats, l’essor du télétravail et l’évolution des déplacements professionnels.