
Au milieu du printemps, CDS Groupe avait annoncé l’acquisition de la branche « travel » de Rydoo. Quelles sont les raisons de ce rachat ?
Ziad Minkara – Quand Rydoo Travel & Expense a décidé de se séparer de sa partie travel pour rester concentré sur l’expense, nous sommes entrés en discussion, convaincus l’un comme l’autre que nous pouvions créer des leaders dans le voyage d’affaires, chacun sur son segment d’activité. CDS avait pour volonté de devenir l’opérateur numéro un en France, ce qui est devenu le cas en 2020, juste avant la pandémie. A partir de là, l’ambition était de nous développer sur l’Europe, les problématiques sur les principaux marchés européens ressemblant à celles que nous connaissons en France. En effet, tous les grands comptes cotés à l’équivalent du CAC y sont éligibles à la mise en place d’un plate-forme de réservation hôtelière en direct. Quant aux grosses ETI, elles concentrent leurs dépenses hôtels avec leurs agences partenaires, avec lesquelles nous souhaitons nous développer. La branche « travel » de Rydoo, avec des clients en Suisse, en Italie, au Benelux et au Royaume-Uni, une équipe de R&D basée en Pologne, nous donnait tout de suite cette dimension européenne.
Se développer en Europe et accroître la distribution auprès des agences de voyages, ce sont donc les principaux objectifs de ce rachat ?
Z. M. – En Espagne, en Italie ou en Angleterre, les agences de voyages recherchent un outil de réservation en ligne indépendant des TMC, GDS ou des outils d’expense. Le marché est en attente de ce type de solutions agnostiques. Rydoo Travel, que nous venons de rebaptiser Goelett, sera d’ailleurs totalement autonome de CDS. De son côté, CDS restera l’hotel booking tool de référence en direct pour les entreprises tout en distribuant son contenu aux agences de voyages, quel que soit leur online booking tool. Y compris, naturellement, celui de Goelett.
Concrètement, qu’allez-vous offrir comme nouvelles possibilités aux agences de voyages ?
Z. M. – Avec le rachat de Rydoo Travel, qui travaille avec Havas Voyages, Voyage Expert ou FCM, s’ajoutant au partenariat de CDS avec Selectour par exemple, on a cette couverture d’agences à taille humaine qui ont besoin de technologie et de services. Notre objectif est de fournir aux agences de voyages européennes la technologie leur permettant d’être compétitives face aux nouveaux entrants tels que Tripactions, Travel Perk, ou encore Egencia, racheté récemment par American Express. On va continuer à investir pour que les agences aient, de façon intégrée, un online booking tool, un hotel booking tool, un outil de paiement. Et cela, afin qu’elles puissent remporter des appels d’offres face aux TMC leaders et offrir le meilleur à leurs clients.
Notre objectif est de fournir aux agences de voyages européennes la technologie leur permettant d’être compétitives face aux nouveaux entrants
L’acquisition de l’outil de réservation en ligne de Rydoo Travel montre aussi les faiblesses du modèle des online booking tools ?
Z. M. – Un online booking tool, de par son modèle économique, avec un coût très faible par transaction, ne peut pas être viable de manière totalement autonome. C’est pourquoi Neo, de KDS, s’est adossé à une TMC comme American Express GBT, Cytric à un GDS comme Amadeus, Concur à un outil d’expense comme SAP. De la même manière, Rydoo Travel est maintenant épaulé par un hotel booking tool tel que CDS. Alors que CWT ou BCD n’ont pas leur propre online booking tool, le marché est demandeur de solutions, car il n’en reste plus beaucoup de disponible.
Avec le rachat de Rydoo Travel et, maintenant, le lancement de Goelett, la place de votre groupe dans l’écosystème du voyage d’affaires en est d’autant renforcée.
Z. M. – Notre stratégie est d’être au coeur de la distribution des déplacements professionnels. Nous n’offrons pas seulement du contenu, comme on a pu le décrire, mais une prestation complète à nos clients entreprises qu’aux agences de voyages. Une prestation qui inclut le sourcing hôtelier, l’intégration dans les online booking tools, le reporting ou encore les moyens de paiement. Nous avons d’ailleurs senti dès 2020 que cet aspect allait devenir indispensable. C’est pourquoi nous avons accéléré le développement en interne de CDS Smart Pay afin d’inclure les moyens de paiement dans nos solutions. Et cela, avec une technologie dont nous sommes propriétaires, sans l’obligation d’aller chercher ailleurs comme l’ont fait dernièrement Sabre ou HRS. En parallèle, nous avons investi dans le digital et la distribution pour offrir de nouvelles solutions aux agences de voyages.
Quelles sont les étapes à venir après le dévoilement de Goelett ?
Z. M. – Le dernier trimestre 2022 va être consacré à l’intégration de CDS et de Goelett pour proposer cet online booking tool, d’abord en Europe du Sud, ensuite au Royaume-Uni, puis dans les pays germaniques. Dans un marché de plus en plus complexe, notre axe de développement est de travailler sur la simplicité : simplicité de l’interface, simplicité d’utilisation pour le voyageur, simplicité d’implémentation pour les clients corporate et d’intégration avec les agences.
En 20 ans d’existence, c’est la plus forte rentrée que CDS ait connue en matière de flux, aussi bien sur les grands comptes, les ETI que l’activité des agences
En parallèle de ce rachat, comment voyez-vous l’évolution de l’hôtellerie d’affaires ?
Z. M. – Pour moi, elle sort renforcée de la crise. La dernière saison estivale a été très bonne, avec le retour des clientèles loisirs étrangères, notamment des Américains boostés par un dollar fort. Mais le voyage d’affaires a également redémarré très fort. Les ETI sont reparties de plus belle et les grands groupes, mis à part des réunions internes et intercontinentales, reviennent comme avant la crise. On a beaucoup parlé de « voyage essentiel », j’estime que le déplacement professionnel est toujours aussi essentiel à la croissance des entreprises.
Malgré les estimations pessimistes sur une reprise totale du secteur, vous semblez plutôt optimiste ?
Z. M. – En 20 ans d’existence, c’est la plus forte rentrée que CDS ait connue en matière de flux, aussi bien sur les grands comptes, les ETI que l’activité des agences. Dans les derniers jours d’août, nous avions déjà autant de commandes sur le mois de septembre que l’année dernière pour la totalité du mois. Sans même que septembre ait commencé et avec une augmentation de 20% du panier moyen ! C’est considérable, en tout cas en France et sur le coeur de notre business, c’est-à-dire les déplacements professionnels orientés sur le milieu de gamme.
Reste que cette reprise est aussi marquée par des prix de chambres largement au-dessus des niveaux de 2019. Cette croissance tarifaire va-t-elle se poursuivre ?
Z. M. – Avec des taux d’occupation élevés, les tarifs ont logiquement augmenté en fonction de la demande. Malheureusement, on a aujourd’hui ce facteur accélérateur lié à la crise géopolitique et énergétique. Son incidence se répercute sur l’hôtellerie, premièrement par le coût élevé de l’énergie, mais aussi, face à l’inflation, par une revalorisation des salaires. Tout ça fait qu’aujourd’hui, on est sur une augmentation des tarifs proche de 20% en France, une envolée tarifaire qui se constate aussi au Royaume-Uni ou en Espagne.
Dans ce contexte de crise, n’est-ce pas un frein pour les voyages d’affaires dans les mois à venir ?
Z. M. – C’est évident. Déjà parce que la crise énergétique va freiner l’économie, puisqu’on parle de récession. Et, par conséquent, des déplacements professionnels moins nombreux à terme. D’autant qu’on devra aussi consommer moins et donc voyager moins, notamment en avion. Dans ce cadre, comme une bonne part de l’activité de CDS de train + hôtel, la combinaison qui est ressortie vainqueur de la crise, nous devrions être moins impactés. Au final, nous avons appris à vivre avec des crises récurrentes. Nos clients ont aujourd’hui des outils agiles et peuvent adapter leur politique voyages en temps réel. C’est une force.