Certificats sanitaires numériques, passeport de santé digital, passeport vaccinal: quelle que soit la dénomination donnée, ces solutions technologiques semblent en bonne voie pour prendre une place importante dans la vie des voyageurs, et même dans le quotidien de tout un chacun. Par delà les débats éthiques, certains pays ont déjà tranché la question.
Le Danemark, par exemple, a récemment annoncé plancher sur un « coronapas », qui devrait être accessible aux résidents du pays d’ici trois à quatre mois. Délivré aux personnes vaccinées, testées négatives ou ayant développé des anticorps, ce passeport digital prendra la forme d’une application mobile, le tout afin d’accéder sans risque aux restaurants, aux commerces ou aux salles de spectacles. Son voisin suédois entend en faire de même d’ici l’été prochain. “Lorsque la Suède et les pays qui nous entourent commenceront à rouvrir leurs sociétés, des certificats de vaccination seront probablement exigés pour voyager et éventuellement pour participer à d’autres activités », a déclaré lors d’une conférence de presse Anders Ygeman, le ministre suédois de la digitalisation.
Très avancé dans sa campagne de vaccination, Israël a très tôt envisagé de délivrer un « passeport vert » à ses habitants ayant été vaccinés, et qui leur permettrait d’assister à des événements publics, de se rendre aux restaurants, mais aussi de voyager. Dans ce cadre, le pays s’est récemment associé à la Grèce, qui milite également au sein de l’Europe pour des certificats de vaccination pour relancer son industrie touristique. Les deux pays ont conclu un accord basé sur la reconnaissance mutuelle de leurs certifications de vaccination pour éviter les périodes de quarantaine. « C’est une réalisation très importante pour les deux pays qui travailleront en parallèle sur des lignes directrices qui permettront le retour du tourisme dans les deux pays« , a tweeté Gabi Ashkenazi, le ministre des Affaires étrangères israélien. Fin décembre, Israël et Chypre étaient convenus d’un accord similaire.
Dans le même ordre d’idée, la Malaisie vient d’annoncer le lancement en mars d’un Immunitee Health Passport, fondé sur la plate-forme Unifier d’Affinidi (voir interview) et qui fluidifiera les déplacements à Singapour, l’immigration de la Cité-Etat ayant donné son feu vert. “Ces certificats de santé vérifiables numériquement sont conçus pour offrir aux voyageurs une expérience agréable et fluide lors de leurs déplacements pendant la pandémie et seront facilement vérifiés à l’aéroport de Singapour, une fois les frontières rouvertes”, a déclaré Immunitee. Là n’est pas sa seule portée de cette solution, puisqu’elle pourra être scannée dans les lieux publics, les stades, les universités et toutes autres organisations équipées pour lire les QR codes délivrés par l’application.
Ces exemples sont loin d’être les seuls dans le monde. En janvier, l’Arabie Saoudite a par exemple présenté l’application digitale Tawakkalna, passeport numérique développé par le ministère de la santé et la Saudi Authority for Data and Artificial Intelligence. Au Kenya, l’autorité de l’aviation civile exige des passagers au départ qu’ils puissent prouver leur négativité de façon digitale, appuyé sur un réseau de laboratoires autorisés. Certains pays, comme le Royaume-Uni ou les États-Unis avancent aussi sur cette idée de certification numérique de santé.
Au risque de créer un monde à deux vitesses entre vaccinés et non-vaccinés ? Certains pays, notamment la France, se montrent réticents à l’idée de faire de la vaccination un sésame universel, de même que plusieurs grandes institutions comme l’Organisation mondiale de la santé et le Centre européen de prévention des infections.
Pourtant intéressé au premier chef par une reprise des voyages en avion, Augustin de Romanet, PDG du groupe ADP, partage ce point de vue. « On peut très bien ne pas être vacciné à un moment donné pour cause d’allergie ou pour ne pas subir une dose d’injection immédiatement après avoir été malade du COVID. Est-ce que cela doit empêcher de voyager ? Le transport aérien est-il fondé à imposer des contraintes de même portée qu’un État ? Je pense que non« , a-t-il déclaré récemment au Figaro, tout en soulignant en parallèle que « l’introduction d’acteurs privés dans le domaine de la gestion des informations de santé est en tout état de cause lourde d’enjeu en termes de respect de la vie privée. »
cesser d’opposer mobilité et sécurité sanitaire
Néanmoins, les attentes du secteur touristiques sont fortes et l’impatience sensible chez nombre de ses acteurs. Dans une tribune co-signée par Jean-Pierre Mas, Mumtaz Teker, René-Marc Chikli et Jean-François Rial, représentants des principales entreprises du voyage françaises, invitent la France, première destination touristique mondiale en nombre de visiteurs, à « cesser d’opposer mobilité et sécurité sanitaire, en ne traînant pas les pieds sous de faux prétextes et en prouvant, au contraire, sa capacité d’anticipation. »
Pour tous ces professionnels, « créer un certificat sanitaire ne revient pas à se substituer à une politique publique, chaque État demeurant libre de décider des conditions d’accès à son territoire. La preuve de vaccination sera probablement imposée par un certain nombre de pays, avec des critères variables : une injection, deux injections, date de la vaccination, type de vaccin… Il n’est pas concevable d’espérer une harmonisation mondiale. » A bon entendeur…