
S’il existe une valeur sûre en matière de voyage de récompense, c’est bien tout ce qui touche à la gastronomie. Surtout en France, dont la cuisine a eu le privilège d’être inscrite depuis 2010 au patrimoine immatériel de l’Humanité. Riche d’émotions, un bon repas est synonyme de convivialité, de bien-être, d’échanges et de partage. Mieux, comme le décrit le chef Pierre Gagnaire, trois étoiles Michelin, dans son livre Un principe d’émotions, “la cuisine est multi sensorielle. Elle s’adresse à l’œil, à la bouche, au nez, à l’oreille et à l’esprit… Aucun art ne possède cette complexité.”
Parmi les multiples possibilités d’opérations gourmandes mises à la disposition des entreprises, viennent en premier lieu les cours de cuisine avec un grand chef ou un artisan de renom. Ces moments partagés séduisent aussi bien les particuliers que les professionnels, notamment parce qu’ils s’inscrivent dans une tendance générale de retour aux sources, aux traditions qui s’enfuient. Au fil des générations, le lien direct avec le monde de la terre s’est amenuisé, et avec lui celui de la transmission d’un savoir-faire, dont la cuisine. Les récents scandales alimentaires se sont ajoutés, renforçant d’autant le besoin de se réapproprier les fondamentaux et de maîtriser sa consommation.
Mais ce type de cours hédoniste joue aussi sur “la montée en compétence, comme le souligne Nathalie Damery, sociologue à l’Obsoco (observatoire société et consommation). Dans un monde du travail ébranlé par la crise, on éprouve le besoin de montrer ses aptitudes et de valoriser une réussite personnelle autre que professionnelle. Les ateliers de cuisine, en s’adressant à tous les publics, hommes et femmes, quels que soient leur âge et la catégorie socioprofessionnelle, répondent à cette attente. Ils offrent aux participants la possibilité de montrer leur savoir-faire de façon décomplexée, dans un moment de pure détente. Au final, les stagiaires repartent avec une meilleure estime d’eux, tout en gardant un bon souvenir ! »
Cet avis est également partagé par Natacha Burtinovic, fondatrice-gérante de l’Atelier des Sens qui organise des cours de cuisine à Paris et à Lyon : “ces récompenses fonctionnent particulièrement bien lorsque l’entreprise traverse une crise ou se trouve en période de fusion.” Les formules les plus demandées sont celles qui proposent la réalisation d’un “menu complet” entrée, plat et dessert, suivies d’une dégustation des mets cuisinés, le tout pouvant être agrémenté ou non d’un accord mets-vins présenté par un sommelier.

Côté forme, les modules sont extrêmement variés. Ils vont d’ateliers de cuisine et de pâtisserie jusqu’à des cours plus pointus – par exemple sur la boulangerie, sur les produits bio ou encore sur le chocolat comme c’est le cas à l’école Valrhona dans la Drôme – en passant par la découverte de produits haut de gamme tels la truffe, le caviar ou le foie gras. Cela peut aussi se traduire par un repas concocté sur place par un chef ou un artisan de renom. C’est ce que propose Stephen Leguillon, cofondateur de La Belle Assiette.
« Sur toute la France, nous répertorions plus de 700 professionnels qui répondent à l’ensemble des besoins d’une entreprise : cocktail dînatoire, buffet, dîner prestigieux… Ces chefs se rendent eux-mêmes sur place pour réaliser la prestation, ce qui leur permet d’échanger en direct avec les convives ».
De son côté, la société Cour des Créateurs organise plusieurs formats pour fédérer et booster la créativité des participants avec des concours “Top Chef”, des team buildings “apprentis restaurateurs” ou “fashion cooking”, mais aussi des jeux gastronomiques sur les accords mets et vins, des circuits culinaires au marché… Ces prestations, qui peuvent accueillir jusqu’à 150 personnes, peuvent être dispensées en anglais et se déroulent la plupart du temps dans des lofts parisiens.
Cependant, toutes ces activités peuvent aussi se faire au grand vert. Dans l’Oise, à quelques kilomètres de Paris, le cadre bucolique du Dolce Chantilly se prête à de nombreux challenges organisés autour de la gastronomie et de l’œnologie. Parallèlement, le chef David Archinard dispense sur demande des cours à base de produits du terroir pour des petits groupes d’une dizaine de privilégiés. Dans la même région, le Château Saint-Just, à Belle-Eglise, reçoit jusqu’à 220 participants en séminaire résidentiel. “Nous avons une clientèle française et étrangère, plutôt citadine, recherchant la créativité et désirant un produit packagé : hébergement, salles de réunions, repas-boissons et animations”, précise Jean-Jacques Devert, directeur général.

À côté des classiques dîners thématiques qui, aux beaux jours, peuvent se tenir dans le parc du domaine, l’établissement a décliné, en collaboration avec des prestataires extérieurs, plusieurs programmes qui s’adaptent aux attentes des entreprises. Ainsi, les studieux peuvent-ils suivre des cours de cuisine ou de découverte culinaire et les amateurs de compétition se réunir autour de défis comme des quiz gastronomiques ou des “cooking challenges”. Quant aux participants en quête d’originalité, ils préparent des recettes en musique, au rythme de l’orchestre de l’agence Coqs en Pâte. “L’idée était d’associer de façon complètement loufoque la cuisine à la musique et au jeu !”, décrit Emmanuel Fuentes, cofondateur. En pratique, un orchestre chante des recettes à des groupes pouvant aller jusqu’à 3 000 personnes ! “C’est très festif, très drôle. Parfois, certains se mettent à danser. Les musiciens, tout en continuant de jouer, s’adaptent et attendent que les participants se remettent dans le bain pour reprendre en chanson l’énoncé du cours”, explique Emmanuel Fuentes.

Néanmoins, dans le cadre de petits comités de direction d’une quinzaine de personnes, les cours de cuisine avec un chef de renom, suivis d’un déjeuner ou d’un dîner en sa compagnie, restent l’un des musts en matière de récompenses gourmandes. À Rodez, Christophe Chaillou, à la tête du Café Bras – un restaurant conçu par le chef trois étoiles Michel Bras au sein du musée Soulages et récompensé d’un Bib Gourmand au Michelin –, “papote et popote” pour une dizaine de convives.Après une présentation des produits à cuisiner, il propose aux participants de réaliser tous ensemble une recette qui sera mise à la carte de l’établissement le soir même. “Cette formule fonctionne très bien. Les demandes sont exponentielles !”
Aux portes de la Bourgogne, à la Côte Saint-Jacques à Joigny, les entreprises sont également de plus en plus nombreuses à réserver une prestation exécutée par le chef Jean-Michel Lorain, doublement étoilé au Michelin. Ce dernier reçoit une quinzaine de personnes dans un petit amphithéâtre aménagé autour des fourneaux. Un système de caméra filme ses manipulations, puis retransmet les images sur de grands écrans. La séance ne participe donc pas du cours dispensé en haute école de cuisine, mais bien plutôt de la démonstration d’une heure et demie, ponctuée d’échanges avec le chef.
Le principe est le même au Manoir de la Boulaie, deux étoiles Michelin, situé à la Haute-Goulaine en Loire-Atlantique. “À l’issue de l’animation, un dossier contenant les recettes abordées est remis à chaque participant. Ensuite, nous échangeons autour d’un apéritif avant de partager le dîner tous ensemble”, commente le chef Laurent Saudeau.

Poissons à voir et à manger
En Bretagne, à Vannes, des chefs étoilés comme Thierry Seychelles, au Roscanvec, ou Olivier Samson, à la Gourmandière, réalisent des démonstrations culinaires autour des produits de la mer dans l’enceinte de l’aquarium de la ville, qui peut être privatisé pour l’occasion ! Toujours dans la région, à Lorient, Nathalie et Arnaud Beauvais, propriétaires du restaurant Le Jardin Gourmand, animent également sur demande des cours de cuisine pour 10 personnes et des ateliers vins jusqu’à 18 convives. Les groupes scindés en deux peuvent participer à ces deux activités avant de se retrouver le soir autour d’un repas dégustation. A St Malo, le groupe des Thermes Marins possède plusieurs établissements dont Le Grand Hôtel des Thermes et l’hôtel Le Nouveau Monde qui proposent des séjours thématiques gourmands adaptés aux entreprises. “Nous observons une tendance aux formules couplant œnologie et expériences culinaires, en particulier celles incluant la découverte des produits du terroir”, constate Karine Guilhard, directrice commerciale.

Dégustations à foison
À côté des grands classiques, les incentives gourmands peuvent aussi sortir des sentiers battus. Ce qui a amené AnneCatherine Gillet, fondatrice de AC2G à proposer des découvertes gourmandes originales. Les ateliers sur les algues avec l’apprentissage de la confection de sushis ou la visite d’une ferme ostréicole suivie d’une dégustation d’huîtres sont les plus demandés. “Nous apprenons notamment à des petits groupes d’un maximum de six personnes à ouvrir les huîtres et leur présentons les différentes espèces françaises et étrangères. Les participants sont ravis de découvrir une variété qu’ils apprécient. Même ceux qui ont des a priori contre ces mollusques se surprennent à les apprécier lors des dégustations !” Ces prestations se déroulent généralement chez un écailler, ou se tiennent dans n’importe quel lieu souhaité par le client. Là encore, elles peuvent se coupler sur demande avec des accords vins ou alcools, dont le whisky. Sur ce même principe, l’agence travaille en collaboration avec la maison Kaviari sur une très exclusive thématique caviar.
Bien évidemment, la France, parmi les premiers pays producteurs viticoles au monde, dispose aussi d’un vaste panel de possibilités autour du vin. Cette terre rabelaisienne par excellence compte plus de 5 000 caves ouvertes à la dégustation et dispose de structures liées à l’œnotourisme. Bordeaux, Champagne, Bourgogne… Les châteaux et domaines de prestige ouvrent leurs portes à la clientèle d’affaires. Ateliers d’assemblage, participation aux vendanges, dégustation à l’aveugle, survol en hélicoptère des vignobles, casse-croûte vigneron… Les possibilités sont multiples. Ainsi, en Aquitaine, Jenny Lloret, vigneronne et sophrologue, propose une expérience multisensorielle de dégustation des vins de Bordeaux en partenariat avec la maison des vins de Cadillac. Déconnectés du monde moderne, les participants respirent, sentent et hument les nectars et apprennent à les décrypter à l’aide de leurs sens ainsi aiguisés !

Si les animations œnologiques sont nombreuses – quizz, initiation, dégustation à l’aveugle… –, elles n’ont pas forcément le même impact que celles liées à la gastronomie, car elles sont beaucoup moins accessibles. En effet, savoir reconnaître un vin au nez ou au palais et le décrypter n’est pas donné à tout le monde. Même encadré par un spécialiste. La peur de paraître stupide par rapport aux autres peut être un frein, ce qui n’est jamais le cas lors d’une animation cuisine où les néophytes comme les cordons-bleus se retrouvent dans une ambiance généralement bon enfant et décontractée. Cela tient à l’image même de la cuisine qui renvoie à des souvenirs d’enfance et de convivialité, alors que le vin, dans l’inconscient collectif, est plus généralement réservé aux hommes, aux connaisseurs et aux détenteurs d’un savoir.



Entretenir l’amitié
Toutefois les récompenses gourmandes sont suffisamment variées pour satisfaire les besoins des entreprises. Ainsi les cadeaux d’affaires sont-ils un autre moyen de fédérer ses équipes ou partenaires. Selon une enquête réalisée en 2015 par Omyagué-Les Boudoirs de l’incentive, 57,8 % des 501 sociétés interrogées déclarent utiliser ce type de récompense afin “de fidéliser et entretenir l’amitié” et 56,2 % pour “stimuler et motiver les partenaires et collaborateurs”. Ces derniers temps, les sociétés semblent d’ailleurs recentrer leur action en interne, 34,6 % les offrant à l’occasion d’un moment fort de la vie de l’entreprise – anniversaire, départ en retraite, bons résultats –, alors qu’en 2014, leur principale préoccupation était de remercier leurs fournisseurs. Sans grande surprise, les fêtes de fin d’année constituent pour plus d’un tiers des personnes interrogées le moment privilégié pour offrir un présent.
Le type de cadeaux offerts sont eux aussi très classiques, puisque 44,9 % des sondés achètent des produits gastronomiques et des colis gourmands et 41,1 % du champagne, du vin et des spiritueux. Arrivent derrière les invitations, coffrets et cartes cadeaux (32,4 %). “Les produits gustatifs et gastronomiques tiennent encore le haut du marché. Parallèlement, nous notons également une montée d’articles ’made in France’ ”, souligne Nathalie Cozette, PDG de C07COM, la société organisatrice du salon des marques du cadeau d’affaires et de l’incentive.
Dans ce cadre, le choix en matière de cadeaux gastronomiques est large ! Les groupes de luxe, les épiceries fines, les maisons de terroir, les grands noms de métiers de bouche, les producteurs de champagne et d’alcools ont développé une offre spécifique pour le marché professionnel avec un éventail de prix pouvant convenir à tous les budgets. Le packaging, soigné, peut être personnalisé à la demande du client.“Pour l’édition Omyagué 2016 qui se tiendra en septembre à Paris, nous comptons parmi nos exposants une belle maison française : Letestu. Elle réunit le meilleur du terroir dans des coffrets élégants en forme de boîte à chapeaux”, annonce Nathalie Cozette. Autre exposant, le groupe Châteaux & Hôtels Collection, présidé par Alain Ducasse. Ce dernier présente une douzaine de coffrets, dont sept à connotation gourmande, avec des prix variant de 98 € à 700 € pour un séjour d’exception pour deux personnes comprenant notamment un dîner gastronomique. Avec 14 coffrets allant de 175 € à 1250 €, Relais & Châteaux a également une offre étoffée.
Autre constante : les entreprises dépensent moins, mais mieux, et cherchent à valoriser des produits du terroir ou de marque dont l’image correspond à la leur : chocolats Pierre Marcolini, macarons Ladurée, produits de l’épicerie fine Hédiard, foies gras de chez Lafitte, caviar français De Neuvic, huile d’olive de Nice, champagne Brimoncourt… Leur image de luxe Made in France en fait un cadeau apprécié par tous ! Dans tous les cas, quel que soit son choix, l’entreprise sait qu’elle ne ratera pas son coup avec une récompense gourmande.
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