Les perspectives 2021 selon Philippe Augier (France Congrès)

Absence de visibilité sur la reprise de l'activité, chute sans précédent du chiffre d'affaires, mesures sanitaires : Philippe Augier, président de France Congrès, mais aussi maire de Deauville et président du Centre International de Deauville, dresse un panorama encore très flou pour la filière événementielle en 2021.
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Philippe Augier, président de France Congrès et maire de Deauville © SandrineBoyerEngel

Après une année 2020 amputée aux trois-quarts, qu’attendez-vous pour le secteur des congrès et événements en 2021 ?

Philippe Augier – La situation est grave, puisqu’après quasiment dix mois d’interruption d’activité liée aux mesures de fermeture administrative et à l’instabilité réglementaire régulière, le secteur événementiel dans sa globalité est très menacé. Et surtout, il est privé de toute visibilité. La cessation brutale de nos activités a conduit à une chute vertigineuse du chiffre d’affaires, de plus de 80 %, pour le secteur des congrès et événements en 2020. En ce qui concerne le Centre International de Deauville, cette perte s’élève à 55 %. 2021 s’annonce sous les mêmes auspices, faute de perspectives claires et crédibles. D’après les études de l’Union Française des métiers de l’événementiel (UNIMEV), 55 % des dirigeants d’entreprises de notre secteur déclarent que le pronostic vital de leur entreprise est engagé d’ici au mois d’avril. En 2021, les perspectives sont très pessimistes: les opérateurs s’attendent à ne pas dépasser 50 % du chiffre d’affaires de l’année 2019.

Dans ce cadre flou, quels types d’événements seront les premiers à retrouver le chemin des palais des congrès et parcs des expositions ?

P. A. – Nous pensons que le marché des événements d’entreprises et d’institutions devrait être le premier à redémarrer. Il y a une demande pour que les entreprises renouent avec les réunions. Sur le long terme, les événements physiques vont sans doute encore plus démontrer leur valeur auprès des participants comme des parties prenantes par leur capacité à favoriser le networking et les échanges essentiels entre confrères ou entre pairs, mais aussi à créer de la richesse pour les territoires, pour les filières médicales, scientifiques, académiques ou techniques…

L’annonce récente de l’annulation du salon du Bourget, pourtant prévu en juin, n’augure sans doute rien de bon pour les grands événements internationaux attendus cette année…

P. A. – En effet, il faut plusieurs mois pour organiser un événement. Et pour certains, c’est même un an ou plus, notamment pour les événements d’envergure internationale. Le salon du Bourget, que vous citiez, en est malheureusement un bon exemple, et qui concerne en plus un secteur particulièrement touché par cette crise, l’aéronautique. Quand on connaît les retombées touristiques qui ont disparu avec l’annulation de ce salon d’importance, on prend pleinement conscience de la gravité de la situation pour les acteurs de la filière événementielle.

Nous attendons avec impatience le moment où notre activité va pouvoir reprendre, d’autant que tous les professionnels du MICE appliquent le référentiel sanitaire de la filière événementielle qui a prouvé son efficacité.

A quel horizon envisagez-vous la reprise de la filière événementielle alors que, par essence, son cycle de production est plus long que dans d’autres secteurs touristiques ?

P. A. – La baisse des contaminations est l’indicateur clef, et il est donc difficile de s’engager sur une date de reprise, date qui serait une lueur d’espoir pour tous les professionnels de l’événementiel, organisateurs, lieux et prestataires de toutes tailles. Nous attendons avec impatience le moment où notre activité va pouvoir reprendre, d’autant que tous les professionnels du MICE appliquent le référentiel sanitaire de la filière événementielle qui a prouvé son efficacité. A Deauville par exemple, il a été mis en place, sous le contrôle de la préfecture du Calvados, lors du Festival du Cinéma Américain avec 38 000 festivaliers accueillis sur 10 jours sans aucun cluster. Je le répète : les professionnels du MICE ont tous mis en place des protocoles sanitaires qui ont prouvé leur efficacité. Finalement, la gestion très prudente de l’épidémie est très handicapante pour la composante Affaires de l’activité touristique française, fortement pourvoyeuse de retombées économiques et d’emplois. Il faut savoir que nos territoires – et notamment les établissements hôteliers que ce soit à Deauville, Biarritz, Cannes ou bien sûr Paris – vivent toute l’année grâce à ces événements.

Durement touchée, la filière événementielle aura sans doute du mal à se remettre de cette crise majeure. Quelles sont les conditions pour assurer sa survie ?

P. A. – La gestion « stop and go » de l’épidémie de la part des autorités, probablement inévitable, est incompatible avec la demande de visibilité nécessaire aux activités événementielles. A ce rythme, une grande partie de ces savoir-faire de la filière vont disparaitre. Il nous faudra certainement appréhender de nouvelles formes de rencontres, certainement hybrides, en lien avec les nouveaux enjeux du monde ; que ce soit la préservation des ressources et du climat, la numérisation et le partage des connaissances, l’inclusion et les partenariats avec toutes les parties prenantes, etc. La survie des acteurs dépend aussi de sa capacité à se défendre comme une chaine de valeur solidaire : les organisateurs dépendent des sites événementiels et des prestataires de services spécialisés qui, eux-mêmes, dépendent de la confiance dans l’outil événementiel comme vecteur de développement et d’innovation. Tous ces maillons sont utiles et indispensables : si l’un disparait, c’est toute la chaine qui est remise en cause. C’est pourquoi il est essentiel que tous les prestataires de services de l’événementiel – classés dans la fameuse liste S1bis – puissent avoir accès au fonds de solidarité augmenté du mois de décembre, sans différence de traitement.

On parle beaucoup d’événements hybrides aujourd’hui. La tendance à la digitalisation des événements va-t-elle s’accélérer ?

P. A. – C’est certain. Pour beaucoup de professionnels de l’événementiel, le sujet n’est pas nouveau. D’ailleurs, la digitalisation des événements s’est très rapidement imposée comme la seule solution possible durant cette période de crise. A l’avenir, les rencontres en présentiel demanderont de la part de tous les acteurs, des évolutions pour rendre les formats sans doute plus participatifs, plus qualitatifs et encore mieux organisés, ouvrant la porte à un élargissement des audiences grâce à l’hybridation. Mais, plus on travaillera à distance de façon régulière, et plus il sera nécessaire de rassembler physiquement les femmes et les hommes engagés dans des activités communes. Je reste donc optimiste pour notre filière, dès lors que nous sortirons de cette crise qui nous paralyse.